Le photo-reporter Jean-Pierre Laffont présente à l’Arsenal de Metz l’exposition Tumultueuse Amérique. Voyage dans une sélection de ses clichés qui traversent les seventies jusqu’aux nineties, mettant en lumière le gang des Savage Skulls, les prostituées du Bronx ou encore la Jet set new-yorkaise.
Jean-Pierre Laffont est un pionnier : il a découvert l’Amérique. Pas celle des contes, ni celles des livres d’histoire, mais celle de la lutte, celle de la rue qui révèle au détour d’un carrefour la puissance du mythe américain. Pendant trente ans le photoreporter a sillonné les cinquante Etats, « et bien plus encore lorsqu’il s’agissait de ses états d’âme », affirme en souriant son confrère et ami Alain Mingam, commissaire de l’exposition qui lui est consacrée.
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Né en Algérie en 1935, il étudie à l’Ecole de photographie des Arts et métiers de Vevey, en Suisse. Au milieu des années 1960, Jean-Pierre Laffont émigre aux Etats-Unis et commence son métier de photojournaliste au sein de l’agence Gamma puis de Sygma Photo News, qu’il cofonde en 1973 avec sa femme. Tout au long de sa carrière il va couvrir les événements politiques, du mouvement des droits civiques aux manifestations contre la guerre du Vietnam.
Jusque dans les années 1990 il sera également correspondant à la Maison Blanche et réalisera de nombreux reportages à travers tout le pays. En 2014 il publie un livre qui retrace son travail, Le Paradis d’un photographe : Tumultueuse Amérique 1960-1990. L’exposition, elle, se concentre sur la période allant des années 70 aux années 90.
Une promenade dans le temps pour trouver les clefs de notre avenir
A l’entrée de l’exposition, le visiteur est accueilli par le gang des Savage Skulls, ces gamins des rues du Bronx qui montrent fièrement leurs blousons en cuir et serrent les dents de rage. Figés dans leurs cadres, ils pourraient incarner un remake de West Side story. Puis, on glisse au fil des photographies, découvrant les prémices de la liberté sexuelle, de la libération des femmes, la première gay pride, la célèbre poignée de main de Bob Kennedy, deux SDF devant les tours du World Trade Center, alors flambant neuf, la jeunesse qui proteste contre la guerre du Vietnam, l’immigration…
« Ces images sont brutes, c’est une grande leçon de photojournalisme et d’humanité, explique Alain Mingam. Jean-Pierre Laffont était toujours en spéculation, il n’attendait pas qu’on lui commande un sujet pour aller sur le terrain. Ce qui compte pour lui, c’est avant tout donner l’information, de montrer, y compris les minorités les plus controversées. Ce qui le rend grand aujourd’hui, c’est l’humilité de s’être considéré longtemps comme un modeste photographe. »
Traverser les Amériques
Jean-Pierre Laffont a su approcher toute l’Amérique : celle des luttes, mais également celle qui brille, celle qui porte des pantalons pattes d’eph pailletés et qui se réchauffe dans un manteau en chinchilla. La jet set de New York est ainsi représentée en quelques portraits géants, écrasant les autres par leur extravagance.
Tumultueuse Amérique nous montre le passé, mais les clichés ont toute leur place dans une réflexion sur notre présent, en cette année de campagne présidentielle américaine. Des débats sur les droits des femmes, des homosexuels, des immigrés refont surface dans les discours politiques. Les mêmes sujets qui animaient des photos de Jean-Pierre Laffont. Des corps féminins dans l’euphorie de leur toute fraîche liberté sexuelle parcourent les murs, et dans quelques mois Hillary Clinton sera peut-être la femme la plus puissante du monde. Des étudiants, le visage peint en blanc, protestent contre la guerre du Vietnam en 1972. Qu’avons-nous fait depuis ?
Un passionnant dialogue entre le passé et le présent, pendant lequel le temps ne s’arrête pas. Il court et nous emporte comme Jean-Pierre Laffont a été emporté par les Etats-Unis, « entre critique, affection et énorme reconnaissance » conclut Alain Mingam.
Photo don de Sam Matamoros
Tumultueuse Amérique, jusqu’au 27 novembre,à l’Arsenal à Metz.
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