Un documentaire explore une théorie du complot un peu opaque à propos de la mort du magnat de l’armement et de l’édition Jean-Luc Lagardère en mars 2003.
Un curieux documentaire sur Jean-Luc Lagardère, pilier de la firme Matra, puis Hachette, puis EADS ; un grand capitaine d’industrie, né dans le Gers en 1928 et mort à Paris en 2003. Mais que signifie ce titre, Jean-Luc Lagardère, mortelle épopée ? L’épopée de tout un chacun n’est-elle pas mortelle ?
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On comprend mieux quand on découvre l’intitulé de la nouvelle collection estivale de France 3 dans laquelle s’inscrit ce film : Affaires d’Etat/Etranges affaires. La vie de Jean-Luc Lagardère n’est pas le réel enjeu du documentaire. L’énigme, c’est sa mort, qui serait une de ces “étranges affaires” dont la France est friande. Lagardère, décédé à l’hôpital d’une fulgurante et rarissime maladie cérébrale, ne serait pas mort naturellement mais peut-être assassiné. C’est la théorie du complot qui va être distillée de bout en bout de ce film conçu un peu à la manière de Faites entrer l’accusé, avec une narration tendue, et un montage au diapason.
Hypothèse du meurtre
Mais l’hypothèse du meurtre, évoquée à propos des inimitiés de Lagardère (Berlusconi, Alain Gomez), n’est pas poussée à son comble. Les modalités de l’exécution de ce complot ne sont pas explorées. D’ailleurs pourquoi (et comment) faire mourir quelqu’un d’une maladie rare alors qu’un accident (d’avion, d’auto, de vélo) est vite arrivé ?
Le plus étrange reste le fait qu’un des tenants de cette théorie, Jean-Louis Gergorin, conseiller de Lagardère, sera l’un des principaux auteurs des faux fichiers de Clearstream, conçus pour venger l’éventuel assassinat de Lagardère. Une erreur (regrettable), du propre aveu de Gergorin, qui témoigne dans ce documentaire.
Pourtant, on y échafaude bien cette théorie, on interroge des médecins qui jettent un trouble. Cela sans doute pour justifier l’intégration de ce documentaire dans une série politico-paranoïaque. En fait, l’air de rien, ce film fournit en passant des éléments explicatifs beaucoup plus simples et moins romanesques.
D’abord le fait que, malgré sa bonne santé supposée, Lagardère était tout de même âgé de 75 ans. Il venait de subir une semaine plus tôt une intervention chirurgicale (prothèse de la hanche) dans une clinique de mauvaise réputation. Il a donc pu, hypothèse plus plausible, être victime d’une maladie nosocomiale ou être infecté par le biais de son propre sang, qui lui avait été réinfusé lors de son opération. Cette possibilité n’est minimisée que pour les besoins du spectacle. On préfère feindre de croire à un crime pour contenter un public avide d’affaires croustillantes.
Affaires d’Etat/Etranges affaires : Jean-Luc Lagardère, mortelle épopée documentaire de Gilles Cayatte, mercredi 15, 23 h 20, France 3
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