Dans une chronique parue le 24 avril, la journaliste et écrivaine Alix Girod de l’Ain explique qu’elle « est féministe mais… » et met les deux pieds dans le plat de l’anti-féminisme bête et méchant.
N’étant pas de fervents lecteurs de ELLE, nous sommes complètement passés à côté de leur dossier sur le féminisme, paru dans le numéro du 24 avril. Est-ce bien raisonnable d’y revenir deux semaines et demie plus tard? La lecture puis la relecture d’un des papiers du dossier, découvert à la faveur d’un tweet, nous a convaincu que oui, il était nécessaire de s’y pencher, ne serait-ce que brièvement.
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Dans ce papier donc, Alix Girod de l’Ain chroniqueuse-star du magazine, s’est donné pour mission de faire rire ses lectrices (et, certainement, de les « déculpabiliser ») à coups de « Je suis féministe mais ». Exemples :
« Je suis féministe mais… quand un homme me dit que je suis jolie, ça me fait plus plaisir que quand il me dit que je suis intelligente. »
Ou:
« Je suis féministe mais… quand je vois des féministes à poil dur s’époumoner chez Taddéï, in petto, je pense « ça ne rend pas service à la cause d’être aussi virile, quand même ». »
Ou encore :
« Je suis féministe mais… je ne comprends pas comment une fille peut avoir envie de coucher avec un gars qui vient de lui proposer de partager l’addition. »
Ou même :
« Je suis féministe mais… parfois, j’aime bien me sentir écrasée par le poids d’un homme (la nuit, hein…). »
La chronique, plus pathétique qu’autre chose, s’étend sur seize points et deux pages. De quoi en ressortir avec une sérieuse migraine. Comment, en 2015, un magazine destiné aux femmes peut-il prétendre aborder le sujet du féminisme tout en publiant pareil article ?
On pourrait pointer notre manque d’humour (« Je suis féministe mais… moi les blagues sexistes me font marrer » aurait fait un excellent n°17), ou arguer qu’on se trouve là face à une chronique construite par antiphrases: bourrée d’ironie, chaque affirmation serait à prendre dans le sens contraire de sa signification première. En les imprimant noir sur blanc, la journaliste viserait à pointer leur laideur, et se placerait du même coup dans une démarche dénonciatrice. Tout littéraire qu’il soit, le procédé – si procédé il y a- serait surtout complètement tordu. D’autant plus que le chapo introduisant l’article ne laisse sous-entendre aucune ironie :
« L’égalité hommes-femmes, c’est notre combat de tous les jours… Mais il faut avouer que, à notre grande honte, les stéréotypes sont parfois plus forts que tout. N’est-ce pas, Alix Girod de l’Ain ? »
C’est bien là tout le problème: non, les stéréotypes ne sont heureusement pas « plus forts que tout. » Et non, on ne les combattra pas en proposant des chroniques dans lesquelles les femmes sont présentées (avec ironie ou non) comme victimes d’un féminisme dictatorial. Car c’est tout bonnement là l’un des principaux arguments des anti-féministes. Une subtilité qui a également échappé à la revue de presse de France Inter du 26 avril, au cours de laquelle le journaliste Frédéric Pommier invitait ses auditeurs à lire la chronique d’Alix Girod de l’Ain:
« (…) Mais qu’est-ce que c’est qu’être féministe ? C’est le dossier du numéro de Elle cette semaine… Lisez notamment la chronique d’Alix Girod de l’Ain… « Je suis féministe, mais… » Elle écrit par exemple : « Je suis féministe, mais quand un homme me dit que je suis jolie, ça me fait plus plaisir que quand il me dit que je suis intelligente… » La réalité, ce n’est jamais tout noir ou tout blanc… »
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