Son Late Late Show à l’humour incendiaire et aux séquences phare – le “Drop the Mic” ou le “Carpool Karaoke” – terrasse la concurrence. Retour sur l’ascension inattendue d’un Anglais de 38 ans.
Usain Bolt et James Corden tournent le segment “Drop the Mic” – une joute verbale façon battle de rap au cours de laquelle “La Foudre” se fait rétamer par un Anglais rondouillard de 38 ans. La séquence ne sera pas diffusée dans le Late Late Show with James Corden : la production la garde pour le web.
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Diffusée dans plus de 160 pays (en France sur MCM, aux Etats-Unis sur CBS), l’émission remporte ses plus beaux succès sur YouTube. En une journée, le “Drop the Mic” avec Usain Bolt a été visionné 1,2 million de fois. Celui avec Cara Delevingne et Dave Franco a fait 15 millions de vues en quatre mois. En comparaison, les clips de Jimmy Fallon, Jimmy Kimmel ou Seth Meyers font rarement plus de 2 millions de vues en moyenne.
Et encore, ça n’avoisine même pas les résultats époustouflants du “Carpool Karaoke”. Le concept ultrasimple de ce segment ? James Corden fait du covoiturage avec un chanteur. Comme dans tout bon road-trip, ils blaguent, puis chantent de grands tubes avec un plaisir communicatif.
Le nouvel homme fort du divertissement américain
D’autant que Corden a du coffre : il suffit de voir l’air ébahi d’Adele (130 millions de vues), de Jennifer Lopez (51 millions) ou encore de Justin Bieber (98 millions) dès qu’il pousse la voix. Sa force de frappe est telle que ce n’est pas sur CNN que Michelle Obama réagit au lendemain du discours où Melania Trump l’a plagiée, mais bien dans la voiture de Corden (45 millions de vues).
Ces séquences courtes et drôles, taillées pour le web, l’ont installé en nouvel homme fort du divertissement américain – au point que c’est lui qui animera les Grammy Awards le 12 février. “L’émission est diffusée tous les jours à 0 h 37 : notre concurrent direct, ce sont les gens qui décident de s’endormir. Mais sur internet, c’est toute la journée et partout dans le monde”, explique-t-il dans sa loge, un grog en main.
Le comédien a beau être malade, il ne peut s’empêcher de respirer l’enthousiasme. Le voilà qui nous montre Supersonic, le docu sur Oasis, et s’interroge : “Je ne sais pas s’il y aura encore des artistes aussi populaires, capables d’apporter autant de joie…” Pourquoi pas vous ? “Je ne suis pas dans un groupe”, sourit-il. C’est bien la seule chose qui lui manque.
Cinq auteurs et d’un producteur du Tonight Show
Arrivé aux manettes du Late Late Show en mars 2015, Corden a reconfiguré l’émission de pied en cap. Il s’est entouré de cinq auteurs et d’un producteur du Tonight Show. Résultat : du rythme, des séquences virales, une bonne humeur incendiaire.
Surtout, son émission est devenue un marqueur culturel fort qui lance les conversations sur internet et à la machine à café. Le défi était de taille. Comment se distinguer des “autres Jimmy” qui animent la douzaine de late shows répandus sur toutes les chaînes US ? “En dehors du fait que je suis un homme et que je suis blanc, ma nomination est un choix couillu”, rit-il.
C’est que tous les dinosaures du genre ont été remplacés par des versions plus jeunes. Jay Leno a refilé son Tonight Show à Jimmy Fallon, David Letterman a donné son Late Show à Stephen Colbert… Ni femme, ni Latino, ni Noir à l’horizon. Seul Jon Stewart a donné les rênes de son Daily Show à Trevor Noah, un comédien sud-africain.
Le choix de James Corden, énième déclinaison de l’animateur de late show, déclenche l’ire de la presse – d’autant que l’homme est inconnu du public US. Un an et demi plus tard, il trône en une de Rolling Stone, du Wall Street Journal et d’Entertainment Weekly.
Jadis porté aux nues au Royaume-Uni puis délaissé…
Cette résurrection, Corden ne l’attendait pas. Au Royaume-Uni, l’homme était un has-been. Fini. Cramé. Le gamin rigolard des banlieues populaires de Londres est devenu célèbre à 26 ans, grâce au film The History Boys. En coulisse, il a tant fait marrer l’équipe, que l’auteur, Alan Bennett, lui suggère d’écrire des sketches.
Corden suit le conseil et met au point la comédie Gavin & Stacey pour la BBC. Soit l’histoire de deux amis un peu ronds qui picolent dans les pubs, assistent à des mariages et chantent à tue-tête en voiture – la vie britannique dans toute sa splendeur.
Auréolée de deux Bafta, la série rassemble 10 millions de spectateurs pour son dernier épisode en 2010. Celui qui se faisait bizuter dans la cour de récré s’habitue aux applaudissements. Il est tellement content de lui qu’à seulement 33 ans il écrit une autobiographie : la bien-nommée May I Have Your Attention, Please ?
Les critiques ne se font pas attendre. Jadis porté aux nues, voilà Corden arrogant, hétéro-beauf, lourdingue… Il sombre dans la dépression. Plus il tente les come-back (films, sketches, remises de prix…), plus on l’enfonce. Il faut attendre 2012 et la pièce One Man, Two Guvnors pour qu’il sorte la tête de l’eau. Succès critique, la pièce est jouée à Broadway. Les New-Yorkais en raffolent. Le petit Anglais remporte un Tony Award face à Philip Seymour Hoffman.
« Une force de la nature, un acteur-tsunami »
Hollywood commence à s’intéresser au bonhomme (il rafle un rôle dans Into the Woods… et s’apprête à jouer dans Ocean’s Eight) et avant même de développer un deal avec HBO, CBS lui propose le Late Late show. “Cet homme est une force de la nature, un acteur-tsunami ; mais il a aussi une sensibilité, une gentillesse qui m’ont fait grande impression”, assure Nina Tassler, directrice des programmes de la chaîne.
Peut-être parce qu’il a connu la gloire puis un violent retour de bâton, Corden traîne constamment un air de ravi de la crèche. Comme s’il n’en revenait pas d’avoir une seconde chance, ici, à L. A. “Vous vous rendez compte ? Je me balade en voiture avec Stevie Wonder et là, il appelle ma femme pour lui chanter ‘I just called to say James loves you’… Comment aurais-je pu imaginer ma vie ainsi ?”, dit-il en essuyant une larme.
Ou bien l’homme est très enrhumé, ou il croule sous la gratitude. Dans tous les cas, sa bonté d’âme affichée a tapé dans l’œil du public… et des marques.McDonald’s, par exemple, a payé pour incruster ses frites dans le Carpool Karaoke de Selena Gomez. Apple a déboursé une somme inconnue (l’animateur fait mine de ne rien savoir) pour racheter le concept au profit des seuls abonnés d’Apple Music.
Corden cumule ainsi les sponsors. Le dernier en date ? La nouvelle carte bleue de la Chase Bank. Il faut dire que l’affaiblissement de ses concurrents, notamment du Tonight Show de Fallon, offre un boulevard à l’Anglais. Nul doute que sa deuxième autobiographie saura remercier ces généreux donateurs.
The Late Late Show du lundi au vendredi, 23 h 30, MCM
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