Wu Lyf se retire de la scène. En ce mercredi 2 novembre, les derniers accoudés du bar de la Cigale décollent du comptoir trois par trois. Subrepticement, un homme en cuir s’approche d’un panneau “Inrockuptibles” orange, destiné semble-t-il à rappeler aux néophytes que le canard organise la soirée. D’une main libre de son reste de […]
Wu Lyf se retire de la scène. En ce mercredi 2 novembre, les derniers accoudés du bar de la Cigale décollent du comptoir trois par trois. Subrepticement, un homme en cuir s’approche d’un panneau « Inrockuptibles » orange, destiné semble-t-il à rappeler aux néophytes que le canard organise la soirée. D’une main libre de son reste de bière, l’individu cuivré saisit son feutre POSCA pour gribouiller : « bande de bobos« . La sécurité le repère. Mais bon, faire sortir un type qui est en train de sortir…
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Dans mes souvenirs vaporeux, je lui tape la discussion à peu près à ce moment là.
– « Alors t’as pas trouvé plus original que bobo ?
– Bah, mon garçon, c’est les Inrocks qui ont perdu leur originalité. Tu fous quoi toi ?
– Heu… moi ? J’y bosse (rires).
– Bon, viens on va boire des canons avec mon pote Willy. »
Le tagueur du soir se prénomme Philippe. Lui et son alcoolyte paraissent osciller entre 40 et 50 ans, parlent couramment argot, portent des cuirs, connaissent l’histoire des Inrocks mieux que moi et font « couler des litres dans le goulot« . Quand les verres de la Fourmi (QG très bobo par ailleurs) deviennent trop transparents, on se quitte pour nos pénates. Philippe me lance alors une invite. « Si tu veux voir des trucs intéressants se passant derrière le périf’, viens chez nous dans six mois. »
Six months later
Samedi 14 avril, dans une rame du RER C, cap au sud de la capitale. Descente à l’arrêt Sainte-Geneviève-des-Bois, c’est de l’autre côté d’Orly vu depuis un vitrail de Notre Dame. Débute alors un petit quart d’heure d’attente sur un parking avec un pote (Antho) embrigadé dans l’histoire à son insu. Comme d’hab’, Antho porte son t-shirt revendicatif : « Le Football c’est pour toi et moi. Pas pour cette putain d’industrie !« . Tiens, bah relisez ça au passage.
Philippe-le-tagueur déboule en Renault Espace. Dans le bordel à l’intérieur, il tire puis brandit telle une coupe gagnée dans un tournoi de foot du 7-7 (oui, je sais on est dans l’Essonne (91) ici), une affiche électorale fraichement froissée de Sarkozy.
« Bon, il est tôt (15h) on va commencer au café« , précise Philippe, au cas ou on aurait besoin en urgence d’une mauresque. Bienvenue à Saulx-les-Chartreux, commune maraichère, parait-il touchée en 1973 par la chute aérienne du vol Varig 820 ayant entrainé la mort de cent vingt-trois personnes. Philippe y réside depuis « 20 longues piges« .
On rejoint les copains au bar sous le chapiteau. Une sorte de viking roux balaise avec une tresse dans le dos se fait appeler Tof-le-normand. Il nous serre la main et une mousse ambrée. A ses côtés, pilonne Thierry-le-ramoneur, « ancien rockeur qui a dérivé vers le punk« . Pourquoi ce surnom d’acteur de mauvais film de cul ? Il suffit de regarder son sweet pour l’entraver ou alors d’attendre qu’un type louche nous rappelle qu’il a vu 16 concerts de son groupe fétiche et aussi qu’il est devenu pote avec le guitariste, « ancien des Bérus » (alias les Béruriers noirs pour tous ceux qui n’ont pas connu les acides des années 80, comme moi par exemple).
Willy débarque. Il ouvre son perfecto, soulève son t-shirt et exhibe une cicatrice trash qu’il vient de se réouvrir. Puis trinque. D’un coup d’un seul, Philippe, Willy et un inconnu font mine de défoncer mon pote Antho sur le comptoir qui a eu le malheur de dire qu’il écoutait surtout du Hip-hop. La petite soeur ambrée est resservie par Thierry-le-ramoneur. L’exploration du festival Jeunes Pousses commence, avec un peu de diatribe de la part de Philippe-le-tagueur sur le canard en cours de route.
« A l’époque, les Inrocks faisaient des trucs qui avaient de la gueule. Quand vous parlez des trucs qui font le « buzz » ou qui sont « post hype », j’en ai rien a cirer. C’est pas mon monde. On a pas besoin de suivre des trucs, on peut juste vivre comme on l’entend. Un truc intéressant si, j’ai bien aimé l’article sur Wu Lyf. Mais putain parle moi de Terrence Malick ou de Clint Eastwood, j’achète. Par contre si c’est la vie, l’oeuvre de François Hollande… »
On arrive alors devant une dame âgée qui harangue une petite foule, perchée tout en haut d’une échelle, comme une grenouille annonçant la pluie.
Philippe le tagueur éclate un cigare.
Un type du public se voit sommé de jouer l’amoureux. On reprend une ambrée. Passage forcé aux chiottes biologiques (Amis scatos, je vous présentes mes excuses, ce ne sont que des copeaux de bois au fond).
Petite pose devant la mini caravane de Willy peinte par des gosses roms. Je découvre seulement maintenant qu’il est peintre (venez voir son taf ici) et, avec l’association Anikmat, ils se sont rendus dans un camp roms, une semaine avant qu’il crame. A l’intérieur de la mini caravane, un film du projet est diffusé en boucle. Un môme du camp entouré d’un serpent en peluche est assis à côté de l’écran. Il met un prénom sur chacun de ses potes qui apparaissent. Montre du doigt laquelle était sa cabane. Une superbe expo photo du collectif sileks entoure le tout.
Re-ambrée, « ah non plus d’ambrée !« , se poile Tof-le-normand. Il change le fût. Re-ambrée donc. On tape un mini foot. L’adresse nous ayant quitté il y a une petite heure environ, on remonte vers le bitume. Surgit alors un étrange manège manuel, tenus par deux fous en bleus de travail. On dirait un grand orgue de Barbarie en moins chiant.
Après cette agression, nous redescendons voir Tof-le-normand et Thierry-le-ramoneur. On a perdu Philippe. On le retrouve devant l’attraction principale, celle du moustique domestique. Des caissières mi-gitanes, mi-mégères protégées par un barbu, vendent les places…
Je commence à tomber partiellement amoureux de la chanteuse à la roulotte, instagrammée automatiquement sur le compte des Inrocks.
Mais la nuit tombante nous rappelle qu’il est temps de rentrer.
Geoffrey Le Guilcher
Bonus :
http://www.youtube.com/watch?v=xNtz3_1kC0s
Willy :
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