Dans un entretien, exclusif au Monde, publié ce jeudi 26 juillet, Alexandre Benalla, qui a fait les gros titres de la presse française et étrangère revient sur sa « grosse bêtise ».
Le Monde avait levé le voile sur l’identité de celui qui avait violemment frappé deux manifestants en marge des démonstrations du 1er Mai, le 18 juillet dernier. Ce jeudi 26 juillet, le journal publie un entretien que le principal intéressé lui a accordé.
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Un « extraterrestre » à l’Élysée
L’homme de 25 ans affirme comprendre que son ancien employeur, qui n’est autre qu’Emmanuel Macron auprès duquel il assurait des missions principalement relatives à la sécurité élyséenne, se sente « déçu » et « trahi ». Affirmation mise à mal par l’intime conviction d’Alexandre Benalla qui affirme que le président de la République aurait « toujours confiance » en lui. Par ailleurs, s’il comprend le sentiment de trahison de ce dernier, lui-même n’a pas l’impression d’y être pour grand chose :
« Moi, je n’ai pas le sentiment d’avoir trahi le président de la République, j’ai le sentiment d’avoir fait une grosse bêtise. Et d’avoir commis une faute. »
Il aurait dû « peut-être » rester en retrait
La « faute » en question est « politique » avant tout pour l’ancien chargé de mission : il n’aurait « jamais dû aller sur cette manifestation en tant qu’observateur ». C’est avec prudence qu’il ajoutera qu’il aurait « peut-être dû rester en retrait ».
Le Monde pose ensuite la question de savoir si Benalla avait « les compétences » pour assurer la sécurité de l’actuel chef d’État, ce à quoi ce dernier répondra par l’affirmative, avec cette fois-ci aucune trace d’hésitation. Les rapports entre lui et Emmanuel Macron sont complices :
« Macron est quelqu’un de très facile d’accès, qui a un charisme. Avec lui, vous êtes à l’aise tout de suite. J’ai rencontré pas mal de ‘bêtes’ politiques, mais chez lui, il y a quelque chose de plus qui se dégage. »
Sur la question de l’armement – au cœur de la polémique Benalla, casqué à la façon des CRS lorsqu’il a molesté deux jeunes manifestants le premier mai – il affirme que ses hommes et lui ne sont « pas mabouls » et ne sortiraient pas avec leurs armes. D’ailleurs, avec véhémence il affirmera avoir « bien sûr » les compétences pour porter un arme ; point « d’amateurisme », renchérira l’ancien proche collaborateur d’Emmanuel Macron.
Élysée is the new cour de Versailles
L’homme, recruté par le directeur de cabinet d’Emmanuel Macron, Patrick Strzoda, revient sur les clauses du contrat qui l’unissait au locataire de l’Élysée : « Un contrat sur toute la durée du mandat, donc cinq ans, rémunéré 6 000 euros » qui impliquait de s »’occuper des affaires privées du président de la République, parce qu’il a une vie à côté de ses fonctions, avec Brigitte Macron, celle d’un Français normal. Il va au théâtre […] ». Il s’agissait notamment, pour honorer ce contrat, de « tenir compte de la tranquillité du couple présidentiel, de l’image du président ».
Studio de 80 mètres carrés
Pour expliquer comment, à son jeune âge, cet homme de 27 ans occupait déjà un poste à responsabilité auprès du chef d’État, celui-ci lancera que « tout à l’Élysée est basé sur ce que l’on peut vous prêter en termes de proximité avec le chef de l’État. Est-ce qu’il vous a fait un sourire, appelé par votre prénom, etc. C’est un phénomène de cour ».
Sur l’appartement de fonction qu’il s’est vu attribuer et qui lui a valu de nombreuses critiques, Alexandre Benalla tient à mettre les choses au clair : il bénéficiait d’« un appartement attribué ‘par nécessité absolue de service' », et « pas de 300 mètres carrés », seulement 80. Aussi, la carte d’accès à l’hémicycle de l’Assemblée est « un caprice » car il « aime aller à la salle de sport de l’Assemblée ».
Faute politique
Alexandre Benalla lève le voile sur deux autres éléments qui ont défrayé la chronique : il n’était pas bagagiste pour les Bleus, et détenait encore moins les codes nucléaires, comme le site parodique belge Nordpresse en avait fait courir la rumeur. Celui qui se présente comme n’étant « qu’un gamin de 25 ans, qui n’a pas fait l’ENA » un « extraterrestre » ou encore le « maillon faible », s’estime visé par des règlements de compte et de jalousie au sein des forces de l’ordre :
« On a essayé de m’atteindre, de me ‘tuer’, et c’était l’opportunité aussi d’atteindre le président de la République. Les faits, je les assume, je ne suis pas dans la théorie du complot, c’est la réalité. […] il y a énormément de gens qui se frottent les mains en se disant ‘ça y est, on s’est débarrassé de lui, il ne va plus nous emmerder, c’est fini’. »
D’ailleurs, l’attaquer lui, c’est certain : « C’est une façon d’attraper le président de la République par le colbac ». C’est Laurent Simonin, chef d’état-major à la Préfecture de police, qui invite Benalla à venir sur les lieux qui le rendront tristement célèbre. Patrick Stzroda,n’y serait pour rien :
« Je lui dis que j’ai été invité. Il me dit ‘c’est très bien, c’est une bonne expérience’. En aucun cas Stzroda ne sait que je vais me retrouver avec un casque sur la tête, à deux pas des casseurs, place de la Contrescarpe. »
Aucun coup
« Je n’y connais rien, déjà je suis surpris », se souvient Alexandre Benalla lorsque l’officier de liaison de l’Élysée lui remet « un casque, un ceinturon en cuir, un masque à gaz, un brassard police et une cote bleue marquée police et un grade de capitaine dessus. » Sur la place de la Contrescarpe, où Benalla a molesté deux jeunes gens, c’est la « guérilla urbaine ». Sa faute, pour lui, n’est pas d’avoir frappé ces derniers :
« Ce qui se passe dans ma tête, c’est ‘si on reste là à rien faire, on va être isolés, et en plus, il faut donner un coup de main, on ne va pas laisser faire des délinquants’, jeter des projectiles sur un CRS, c’est violences volontaires, c’est un délit puni d’emprisonnement, c’est très clair dans ma tête. Et la faute que je commets à ce moment-là, c’est d’y aller. Et de laisser de côté mes fonctions à l’Elysée. C’est la faute pour laquelle je suis puni ensuite, ce n’est pas parce que j’ai commis un délit, c’est parce que j’ai fait une faute politique […]. »
La première personne qu’il voit après son altercation avec les deux jeunes gens « les plus agités de la bande », c’est Gérard Collomb, plutôt familier avec quelqu’un qu’il n’est pas censé connaître, puisqu’il lance à Benalla : “Ça va ? Qu’est-ce que tu fais là ?”. Par ailleurs, s’il n’était « collaborateur de l’Elysée », Alexandre Benalla l’affirme : il « referait la même chose ». La séquence qui apparaît violente au premier abord ne l’est pas tant pour le principal protagoniste : « Il n’y a aucun coup. C’est vigoureux ».
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