“Confessions nocturnes” est une chronique hebdomadaire qui donne la parole aux lecteur·ices pour parler de sexe, d’érotisme, de genre, d’attachement, d’infidélité… Et qui tente de répondre à cette question : “Comment s’aime-t-on en 2020 ?” Aujourd’hui, Eric, 58 ans, nous plonge dans une histoire de coup de foudre, d’échanges, et de famille.
“On est au milieu des années 80, je suis bisexuel et assez coureur : j’ai la vingtaine et je suis en couple depuis quatre ans avec une jeune femme d’origine guatémaltèque, Regina. Mais un jour, j’ai flashé sur sa sœur, Ana. Ma belle-sœur, donc.
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Regina vivait en France avec moi et sa grande sœur, Ana, dans son pays d’origine. La première fois que j’ai rencontré Ana, elle était venue rendre visite à sa sœur pendant quelques mois. Lors d’une réunion de famille, j’ai flashé sur elle. Rien de plus. Ce n’était pas assumé, c’était juste dans ma tête. Lors des rares moments que l’on passait tous ensemble, je ressentais une attirance-tentation très forte. On ne définit pas le coup de foudre, ce qui m’a plu c’est son caractère, son regard, son physique. Elle ressemblait physiquement à sa sœur mais avait un caractère très différent. Elle avait aussi un compagnon, Marco. Elle est rentrée chez elle et la vie a repris son cours.
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« Elle a pris un couteau pour se défendre ! »
En 1995, nous avons décidé de nous marier avec Regina, dans son pays d’origine. Je suis parti vivre là-bas pendant six mois. Le ballet de la séduction avec sa sœur Ana a recommencé sur place, dans le contexte plus difficile d’une petite ville. Elle était toujours avec son amoureux, Marco. Il y avait une recherche assez délibérée de proximité de mon côté, au travers d’activités professionnelles : on s’entraidait et on préparait ensemble le mariage.
On partait souvent tous les deux et on se disait : « On est bien quand on est tous les deux ». Puis, au détour de ce rapprochement non-dit qui prenait de l’ampleur chaque jour qui passait, j’ai essayé de l’embrasser, dans la cuisine. Sa réaction a été radicale : elle a pris un couteau pour se défendre ! Même si elle avait des sentiments pour moi, elle avait du mal à accepter la situation, qui restait mal vue en Amérique Latine. Finalement, elle a baissé la garde et c’est là que tout a commencé.
« Les deux couples s’échangeaient »
On est passé d’une séduction implicite à explicite. C’était difficile, parce qu’entretenir une relation cachée dans une petite ville du Guatemala, ce n’est pas évident. On devait se cacher pour se voir. Il nous arrivait de nous planquer dans la voiture, au fond de petits chemins, ce qui présentait un vrai risque dans ce pays dangereux. On avait la trouille au ventre. Et là, coup de théâtre : au même moment, Regina a commencé à fricoter… avec le compagnon d’Ana ! Bizarrement, ça nous a arrangés, on n’a pas été surpris. Pendant quelques semaines, les deux couples s’échangeaient dans la même maison. Et la préparation du mariage continuait, inexorablement…
Le jour du mariage est arrivé, plein d’hypocrisie et dans une ambiance pesante. C’est le pire jour de ma vie : on va à l’église, puis on fait la fête sans la faire. Personne ne soupçonnait quoi que ce soit.
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A l’époque, j’ai beaucoup regretté de m’être marié, par pression psychologique : je pensais que je devais le faire et puis j’avais fait venir des amis de France, y compris mes parents. Puis je suis parti visiter le pays avec mes parents et j’ai dit à ma mère que j’étais amoureux d’Ana : elle est tombée à la renverse. Moi, j’avais besoin d’évacuer car je n’arrivais plus à gérer. A l’époque, je disais que j’avais appris le sens du mot aimer, avec elle. Après le mariage, la relation à quatre s’est dégradée : les deux autres, Regina et Marco ont voulu mettre fin aux infidélités et revenir à la normale, ce qui ne nous arrangeait pas, mais c’est ce qu’on a fait.
Du rocambolesque
On s’est séparé avec Ana et je suis reparti en France avec mon épouse, Regina, pour une opportunité de travail. J’étais amoureux déprimé, je me suis même rapproché de personnalités religieuses pour essayer de donner du sens à ma situation. Finalement, Regina est rentrée au Guatemala et je lui ai annoncé qu’il fallait qu’on se sépare – cela s’est mal passé. J’avais besoin d’être libre pour pouvoir envisager quelque chose d’autre. J’ai alors repris contact avec Ana.
Pendant près de trois ans, j’ai fait une quinzaine d’allers-retours pour la voir au Guatemala, pour essayer de reconstruire notre relation. C’était rocambolesque : je devais mettre une perruque et louer une voiture aux vitres fumées pour ne pas être reconnu dans son village. Mais la relation n’a pas fonctionné, elle pensait que nous n’avions pas d’avenir ensemble. J’ai dit à Ana : « Si tu changes d’avis, tu m’appelles et je viens te chercher. » Quelques mois après, elle m’a appelé et je suis reparti, cette fois-ci pour de bon et pour aller la chercher. Tout s’est fait très vite, elle a pris ses affaires et sauté dans l’avion avec moi. Evidemment, l’onde de choc a été terrible : ses frères et sœurs l’ont d’abord violemment rejetée et ses parents m’en voulaient beaucoup – on les comprend.
C’était en 1997. Depuis, nous nous sommes pacsés et nous sommes toujours ensemble. Nous sommes réconciliés avec sa famille et nous avons monté une marque de produits latino-américains (Tiendas Esquipulas). De leur côté, Regina et Marco sont toujours en couple.”
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Propos recueillis par Clémentine Gallot
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