Le député auteur de la loi sur les VTC et les taxis a décidé de passer une journée entière à bord d’un VTC puis d’un taxi pour vérifier l’application de “sa” loi sur le terrain. Les Inrocks se sont installés sur la banquette arrière.
“Restez près de votre téléphone. Je vous appelle pour vous donner le point de rendez-vous”. Lundi matin, le collaborateur de Thomas Thévenoud joue les centrales de réservation pour député mobile. Son parlementaire, auteur de la loi qui porte son nom, a décidé d’embarquer pour la matinée à bord d’un véhicule de tourisme avec chauffeur (VTC). Pas facile, alors que celui-ci prend des courses aux quatre coins de Paris, de récupérer en même temps les journalistes chargés de le suivre. Le planning de la journée est serré : VTC toute la matinée, puis taxi l’après-midi. Objectif : vérifier l’application de la loi du 1er octobre 2014, celle qui réglemente les relations entre taxis et VTC, sur le terrain.
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“Thomas Thévenoud ? Connais pas”
Pour notre première cliente, Thomas Thévenoud fait les choses bien : il sort du véhicule et ouvre la porte à la jeune Charlotte, 21 ans, qui veut aller jusqu’au Centre Georges-Pompidou. Elle a du mal à comprendre les raisons d’un tel débarquement. “Thomas Thévenoud ? Connais pas. Je suis vraiment désolée, je suis un peu dans ma bulle”, dit-elle en balbutiant. Le député se met à rire. “Ne vous excusez surtout pas !”, lui répond-il. D’ailleurs, selon lui, aucun client durant la matinée ne l’a reconnu. Signe que l’euphorie médiatique qui est tombée sur lui il y a un an lors, de sa démission du gouvernement, est déjà loin. “En circonscription, on ne me parle plus de ça”, tranche le député de Saône-et-Loire.
Lundi matin, Thomas Thévenoud est enjoué. Il a préparé sa journée avec minutie. Il plaisante avec les chauffeurs, les appelle par leurs prénoms, ne manque jamais de rajouter des précisions techniques, sur le retour des VTC à la base ou la future maraude électronique des taxis. Manière de montrer que sa phobie administrative n’a pas entaché son mandat de parlementaire consciencieux. “Le seul capable de réunir taxis et VTC autour d’une table, c’est moi”, se félicite-t-il. L’enquête pour fraude fiscale ouverte par le parquet de Paris en juin dernier l’a galvanisé. Jusqu’alors discret dans les médias et sur les réseaux sociaux, il joue désormais la carte de la visibilité. Interview dans Libération, reportage avec l’Express sur ses terres, entrevues dans les journaux locaux. Jusqu’à ce samedi, où il déclare sa candidature pour les législatives de 2017 sur les ondes de France Culture. “Pour le suivre pendant cette journée, j’ai reçu une trentaine de demandes”, assure son collaborateur parlementaire. Thévenoud a finalement choisi Le Grand Journal, le Parisien et Les Inrocks pour l’accompagner successivement à bord.
Selfie souvenir
Et quoi de mieux pour son retour médiatique que de parler du sujet qui l’a propulsé sous les projecteurs : la guerre « taxis contre VTC »… Notre chauffeur, d’ailleurs, est ravi. Il conduit un VTC depuis quatre ans, “d’abord avec Uber, maintenant avec Le Cab et en indépendant”, précise-t-il. Thomas Thévenoud, il le connaît “à cause de la loi”. Et en profite pour glisser quelques revendications. “Et d’ailleurs, monsieur le député, les voies de bus, vous croyez qu’un jour ça sera possible ?”, glisse-t-il. Le parlementaire répond du tac au tac. “Ah non ! Les taxis paient une licence, c’est pour avoir ce droit. Pas les VTC !” Un parcours sans faute, quand, au bout d’une heure de course, il est temps de retourner vers l’Assemblée. Coïncidence, le VTC tourne à gauche… rue de Solférino, siège du PS. “Bon, on va peut-être éviter de s’arrêter là”, souffle Thomas Thévenoud, alors que le véhicule passe devant la façade du siège de son ancien parti.
À peine arrivé, le temps d’avaler la moitié d’un club sandwich et de faire un selfie souvenir que le député s’engouffre dans sa nouvelle embarcation : un taxi. Le chauffeur s’appelle Nordine Dahmane, il est indépendant, syndicaliste FO-UNCP. “On se connaît bien, précise d’emblée le député. Nordine, c’est la première personne que j’ai rencontrée quand le Président Hollande m’a confié cette mission. C’était un mercredi soir. Je m’en souviens comme si c’était hier. Voilà comment ma vie a changé”. Le bon temps pour Thomas Thévenoud. Celui où il était encore l’étoile montante de la gauche, où il se payait le luxe d’une confrontation avec Ronald Mac Donald himself et que d’aucuns donnaient ministre dans un avenir proche. “Il y a encore des ministres qui m’appellent, qui m’envoient des textos, assure l’éphémère secrétaire d’Etat. Bien sûr, j’ai perdu des amis. Mais je m’en suis aussi fait de nouveaux”.
Grand Angle: Thomas Thévenoud, la chute d’une… par BFMTV
Impôts déclarés “en avance”
Cette après-midi sera moins fructueuse. En près d’une heure de maraude, notre chauffeur n’aura pas récupéré un seul voyageur. Son chauffeur, taxi depuis 1994, en profite aussi pour faire passer ses revendications. “La loi a le mérite d’avoir posé les règles du jeu. Sauf que les VTC ne les respectent pas et que les autorités ne les contrôlent pas”, signale-t-il. Il a participé aux manifestations de juin dernier, qui ont bloqué la capitale. “Mais bon, si vous me prenez en otage aujourd’hui, je ne pense pas que le gouvernement vous versera une rançon”, lui lance le député.
À la fin de la journée, après un nouveau selfie, il se félicite. “Cette journée m’a permis de prendre conscience de certaines réalités, assure l’élu. Dans la loi, j’avais demandé à ce qu’un rapport soit fait un an après sa promulgation, pour vérifier son application. Il n’a l’a pas été”. Il va d’ailleurs envoyer une lettre-bilan à l’attention Manuel Valls, lui indiquant les mesures qui n’ont toujours pas été appliquées.
Aujourd’hui, Thomas Thévenoud le répète à longueur d’interviews. Il est “en règle”. Il a tout payé. Mensualisé ses impôts, “déclarés en avance”. L’élu, qui arbore une moustache naissante, “en soutien à Movember”, mois d’action contre le cancer de la prostate, veut “faire de la politique autrement”. S’il n’est pas élu, en 2017, il verra. “Je ne sais pas. Et c’est très bien comme ça, veut-il faire croire, tout en glissant que beaucoup de militants socialistes de Saône et Loire sont prêts à [le] soutenir”. Message reçu : en politique, personne n’est jamais vraiment fini. Surtout quand on prend le taxi.
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