En traversant le hall sous la pyramide du Louvre pour rejoindre les salles de peinture française, Philippe Collin écarquille ses yeux enjoués par le plaisir d’investir un lieu éloigné de ses préoccupations habituelles. “Je me sens bien ici”, avoue-t-il, légèrement coupable de faire faux bond à sa pyramide à lui, la Maison ronde. Depuis qu’il […]
En traversant le hall sous la pyramide du Louvre pour rejoindre les salles de peinture française, Philippe Collin écarquille ses yeux enjoués par le plaisir d’investir un lieu éloigné de ses préoccupations habituelles. “Je me sens bien ici”, avoue-t-il, légèrement coupable de faire faux bond à sa pyramide à lui, la Maison ronde. Depuis qu’il a repris, il y a trois mois, l’animation des fins de journée sur France Inter, il n’a le temps de rien en dehors de la préparation de son émission quotidienne, le 5/7 Boulevard qui dépote à l’heure du sunset.
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La radio l’absorbe entièrement, y compris dans ses déplacements qui se résument à un axe dominant Maison de la radio-maison dodo. Entre les deux repères de sa vie de moine-soldat du son, il s’autorise cet arrêt de bus au musée du Louvre. Un territoire d’aventure psychique, où la parole devient mentale, où le silence règne enfin.
Cette transgression à son engagement radiophonique (“je reste au boulot jusqu’à 23 heures tous les soirs”) le conduit dans les salles de la peinture française du XIXe siècle, dans les salons grandiloquents Napoléon III. Face à un Delacroix ou à un David, les fracas sonores s’effacent aussitôt de sa tête bien pleine, vidée par cet exercice de contemplation gratuite.
“Depuis que je suis parti de Brest pour rejoindre Paris, à l’âge de 20 ans, j’ai toujours fréquenté le Louvre, c’est un lieu qui m’apaise.”
Le temps d’un instant, jamais trop long quand même, il ne parle plus, ne fait plus le malin, laisse son esprit par trop agité divaguer : il regarde, ébahi, sans auditeurs, sans Jean-Luc Hees et Philippe Val en embuscade. Juste tranquille, suspendu au-dessus du réel, de la concurrence avec son ex-collègue parti sur Europe 1, Nicolas Demorand, qu’au dernier sondage Médiamétrie il devance avec son 1,3 million d’auditeurs cumulés. Une performance que lui-même juge “étonnante”, mais qui a scotché surtout ses patrons, sidérés du carton de la carte Collin, lancée en pleine panique générale estivale alors que Demorand venait d’annoncer son départ, laissant en plan le créneau stratégique du 17-19 heures. La direction d’Inter n’avait guère que lui sous la main pour boucher le trou. Pari fou, pari relevé haut la main par un iconoclaste devenu icône.
“Archi loufoque et totale foutraque”, son émission Panique au Mangin Palace, créée sur Inter en 2005, avait inventé une écriture radiophonique pop et contemporaine, légère et dense à la fois, fusionnant le groove de Radio Nova et le fond de France Culture.
Son 5/7 Boulevard se nourrit entièrement de l’esprit Panique au Mangin Palace. On y retrouve le même souci du mix, du mélange des genres, qui en fait un territoire à part sur la bande FM. Les chroniques hilarantes – celles de Frédéric Pommier, en particulier – se mêlent à une couche plus “classique” – des entretiens approfondis avec des universitaires pointus.
Sensible “au rythme de l’émission, à sa mécanique, à la nécessité de tout sculpter, y compris les virgules entre chaque chronique”, Philippe Collin revendique le goût de “la radio écrite”, apprise auprès de Gérard Lefort et Frédéric Bonnaud avec lesquels il fit ses premières armes.
Perfectionniste, obsessionnel, Collin mange-t-il du cheval pour cravacher ainsi, au galop permanent ? Pour autant, la haie qu’il vient de sauter en s’imposant sur le créneau historique du 17-19 heures ne le prémunit pas contre l’anxiété et la peur du lendemain. Conscient de la fragilité de son dispositif et des exigences des auditeurs d’Inter, il s’apprête à occuper l’antenne jusqu’en juin prochain, sans s’arrêter, même à Noël.
“On a besoin d’installer l’émission sur la durée, aucun temps mort n’est permis”, assure-t-il.
Son équipe – huit trentenaires fidèles, dont son acolyte Xavier Mauduit et son réalisateur Henri-Marc Mutel – l’accompagne à la manière d’une bande de guerriers qui vit à la colle. Au Louvre, il est comme Belphégor, un fantôme qui rôde, obsédé par son sacerdoce : la radio, son antre, son boulevard de la vie.
Jean-Marie Durand
5/7 Boulevard sur France Inter, 17-19 heures
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