Dimanche 28 juin, des milliers de personnes se sont rassemblées sous la Tour Eiffel pour un dernier hommage à Michael Jackson. Reportage.
Arriver au moonwalk d’adieu à Michael avec un chapeau blanc sur la tête – et sans l’avoir fait exprès -, c’est peut-être le plus bel hommage qu’on puisse lui rendre. Il fait très chaud, le soleil tape dur. D’abord on ne voit pas grand chose, surtout des touristes (churros, glaces, bananes, Tour Eiffel en plastique dans la main). On se dit qu’on arrive trop tard, que l’autoproclamé « plus grand moonwalk du monde » est déjà terminé et que la foule est partie s’affaler une larme à l’oeil dans l’herbe cramée du Trocadéro.
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Et puis tout à coup surgit au loin un mini-attroupement d’où s’échappe une banderole « Michael <3 tu nous manques, avec toi pour toujours". Un totem qui semble s'imposer comme le lieu de rendez-vous du jour : un homme aux cheveux doré s'y trémousse au son de Billie Jean. Plus loin, et derrière des lunettes de soleil qui cachent des yeux bouffis par les larmes, le fan club français de Michael Jackson tente de reprendre pied : on se met des petits coups sur l’épaule, on se dit que ça va aller et on tient fièrement une pancarte homemade (avec scotch et stabilo retrouvés dans la vieille trousse du lycée customisée Hystory Wolrd Tour 96) qui indique « MJ France ». En gros, c’est pas la joie.
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Le moonwalk d’adieu ne ressemble en rien à ce qu’on aurait pu imaginer. Ici, pas de lignes de danseurs amateurs allant d’avant en arrière, l’hommage se dispose en plusieurs cercles concentriques. Pas de pieds qui glissent sur le sol en mode rewind, mais des gens qui bougent assez simplement sur les morceaux de Jackson qui s’échappent en grésillant de petits postes hi-fi trimballés sur les lieux. Il y a ceux qui dansent, ceux qui sont tout simplement là et et ceux qui ont l’air vraiment émus. Certains étaient déjà présents sur le parvis de Notre Dame vendredi soir. La détresse y était plus palpable, les visages plus tendus. Deux jours plus tard, on a digéré, les médias commencent à ressortir les sombres affaires de l’idole et le deuil se fait plus joyeux. Vers le Pilier Sud, on entend résonner Man In The Mirror : une MILF transportée groove au milieu de kids dont les parents devaient être à peine nés l’année de la sortie du morceau. Derrière nous, un sosie de Hurley de Lost se tient les bras croisés et laisse échapper quelques paroles d’une voix aiguë et vacillante. Les larmes perlent sur ses joues potelées pour venir s’échouer sous son menton tremblotant.
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Comble de l’opportunisme et du mauvais goût, un sculpteur sur glaise exhibe une tête de Jackson à quelques badauds mi-surpis mi-consternés, dont un qui reproduit sans le savoir le légendaire touché testiculaire de Bambi. L’hommage à Jackson, c’est surtout la résurgence des cours de techno : un homme d’une trentaine d’années à fabriqué lui même une pancarte avec des photos imprimées sur feuille A4. Il a écrit au recto : « MICHAEL JACKSON LE ROI DU MONDE C’EST LUI ». Et au verso : « HEAL THE WORLD. 1958-2009. IL FAUT CONTINUER ». Bien sûr on peut rire, mais il y a dans ces manifestations simples et maladroites toute la naiveté touchante qui se dégageait parfois de l’univers de Jackson. Un univers qui savait s’ouvrir à tous pour le meilleur et parfois pour le pire.
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Naviguant sans but, une jeune fille en t -shirt blanc moulant danse seule en écoutant son baladeur, palliant à sa manière l’absence de véritable sono. A sa droite, un attroupement célèbre un numéro de moonwalk un peu particulier : deux handicapés vont de droite à gauche avec leur fauteuil, dans une scène tout droit sortie d’un film des frères Farrelly. On pense alors à la façon dont les Simpson avaient fait apparaître Jackson dans la série : en gros bonhomme gentil et mal proportionné. Car il y avait dans l’oeuvre de Jackson une prise en compte intrinsèque de la difformité, de la différence. Son personnage d’éternel enfant et l’étrange oecuménisme de sa musique ajoutant encore au côté fédérateur et caressant. En près de quarante ans de carrière, et entre générosité ultime et mégalomanie, Michael Jackson a réussi le tour de force d’appartenir à tout le monde, de devenir un concept pop total, comme les Beatles ou Elvis (il avait d’ailleurs racheté les droits des premiers et épousé la fille du second).
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Sous la Tour Eiffel, chacun vient rendre hommage à son Jackson. Il a ceux qui ont les tempes un peu grises et qui ont connu les époques Thriller et Off The Wall. Les plus jeunes qui ont connu Jackson en 1991 avec Dangerous. Chacun brandit une îcone. La pochette de Thriller sortie du CD, un t-shirt Bad, ou carrément un imprimé pour l’occasion. Comme celui de cette famille (mère, fille, fils) avec ce déchirant « We are alone » sous une photo de Bambi jeune et mignon comme jamais. Au bout d’une petite heure, la foule commence à se disperser tranquillement. Il n’y aura donc pas eu de moonwalk géant, mais simplement un dernier rassemblement en forme d’hommage simple et émouvant, parfois un peu cul cul certes, mais d’une grande sincérité, comme le prouveront les yeux vides et rougis d’une grand garçon portant une queue de cheval et un costume très Jackson nineties, qui se cachera pudiquement derrière la photo du King of Pop pour la photo.
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Diane Lisarelli et Pierre Siankowski
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