Jean-Marc Ayrault, chef de la diplomatie française, s’est rendu en Israël pour promouvoir la relance du processus de paix israélo-palestinien. Quel regard les Israéliens portent-ils sur le rôle, plus ou moins désintéressé, de la France dans leurs affaires ? Tour d’horizon à tel-Aviv.
Lors d’une visite éclair dimanche 15 mai en Israël, Jean-Marc Ayrault est venu défendre l’initiative diplomatique avancée par la France. Celle-ci propose la tenue d’une conférence à Paris, destinée à relancer le processus de paix israélo-palestinien. Cette réunion, prévue fin mai mais finalement reportée à juin, doit rassembler une vingtaine de pays, plus l’UE et l’ONU, mais ni les Israéliens ni les Palestiniens n’y assisteront. En cas de succès de cette première conférence, une deuxième interviendrait en présence cette fois des dirigeants israéliens et palestiniens.
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Après cette visite, la presse en Israël s’emballe. A grands renforts d’analyses politico-diplomatiques, les experts israéliens spéculent sur l’avenir incertain de cette région qui a le don de s’enflammer à chaque nouvelle vague de chaleur. Et l’été est ardent au Proche-Orient.
“Sur le principe, je suis pour une reprise des négociations. Si l’idée d’être tenu à l’écart ne m’enchante pas, je suis néanmoins conscient que nous avons besoin d’une aide extérieure”, explique Aviv. Pourtant, ce jeune graphiste israélien d’origine hollandaise ne pense pas que la France ait le dos assez solide pour porter un processus de paix à bout de bras.
“Venir en Israël et affirmer qu’avec ou sans notre accord la conférence aura lieu, pour annoncer son report deux jours après sous prétexte que John Kerry est indisponible, ce n’est pas sérieux.”
Il n’est pas seul en Israël à douter du sérieux de Paris. Outre le vote polémique de la France à l’Unesco, les déclarations de Jean-Marc Ayrault concernant la menace de Daech dans la région ont irrité le public israélien, Juifs comme Arabes. “C’est un comble de venir rencontrer les dirigeants palestiniens et israéliens, et ensuite déclarer vouloir agir dans notre intérêt pour empêcher Daech de se propager dans la région. Jouer le jeu de la peur des islamistes radicaux n’est pas digne de l’Europe”, s’emporte Ahmad, restaurateur.
“La France se sert de nous pour régler ses problèmes”
Cette allusion à l’Etat islamique a enflammé la toile, provoquant les critiques acerbes des Israéliens. Ils reprochent à la France de se servir du conflit israélo-palestinien pour avancer des intérêts nationaux, remettant encore une fois en doute les intentions de la France.
“La France se sert de nous pour régler ses problèmes, elle pense qu’en asseyant des ministres autours d’une table elle réussira à prévenir les attentats sur son territoire”, assure une Franco-Israélienne assise à la terrasse d’un café sur la célèbre avenue Rothschild à Tel-Aviv.
A la table d’à côté, une réponse fuse : “Pourquoi vouloir toujours critiquer sans jamais laisser à la paix une chance d’avancer.” Le débat est engagé. Au milieu de discussions variant entre l’anglais, le français et l’hébreu, une jeune serveuse rappelle une interview de Jean-Marc Ayrault publiée le 18 avril dernier dans le quotidien israélien Haaretz.
“Haaretz – Est-ce que la France considère le conflit [israélo-palestinien] comme une question interne liée à sa propre politique, vis-à-vis de la population musulmane par exemple ?
Jean Marc Ayrault – Notre objectif est de ne pas laisser le désespoir s’emparer de la population au cœur du conflit, parce que cela conduira à l’extrémisme. Ce qui est vrai là-bas est aussi vrai pour nos communautés, surtout chez les jeunes. Nous sentons véritablement la tension en France et il est clair que je veux réduire les tensions communautaires. Donc cette initiative est importante, et son timing est important”.
Les Israéliens ont perdu confiance en la France. Pour eux, une seule question demeure : quel rôle peut-elle jouer ? Pour l’opinion publique israélienne, Paris n’est plus considéré comme un poids lourd pesant sur les décisions européennes, largement devancé par Berlin qui dirige l’Europe. Historiquement protégé par les Etats-Unis, Israël ne semble même plus accorder d’importance au siège de la France au Conseil de sécurité des Nations unies.
“Pas grand moyen de faire pression”
Pour Perle, jeune doctorante en sociopolitique à Jérusalem, la France n’est pas un médiateur sérieux pour Israël ou pour les Palestiniens. “Elle n’a pas grand-chose à offrir et pas grand moyen de faire pression. Il s’agit surtout de s’engouffrer dans le vide laissé par l’absence de politique américaine dans la région, et de contenir des pressions internes liées à la société française.”
Selon un sondage publié en février dernier par l’Israel Democracy Institute, une majorité d’Israéliens se dit pour une solution à deux Etats dans le cadre d’un accord promettant une paix durable avec les Palestiniens (56,9%). Cependant, peu sont prêts à faire des concessions et seuls un tiers des répondants imaginent que des négociations puissent apporter la paix dans les années à venir.
A Ramallah, l’annonce du report de la conférence de paix inquiète. L’Autorité palestinienne concurrencée par le Hamas prend de gros risques en soutenant l’initiative française. Si une nouvelle guerre à Gaza éclate avant qu’une avancée diplomatique ne soit esquissée, les conséquences seront lourdes. Pour les Israéliens comme pour les Palestiniens.
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