Six filles et un garçon mannequins iraniens ont été arrêtés, ensuite relâchés sous caution. En publiant sur Internet des images d’elles, sans foulard et en tenues légères, ces Iraniennes avaient franchi les lignes rouges dans un pays où les lois islamiques sont en vigueur.
Les Iraniennes Niloufar Behboudi et Dana Nick avaient l’habitude de publier presque tous les jours une vidéo ou une image d’elles sur leur page Instagram, accessible en Iran, contrairement à Facebook et Twitter. Parfois, elles se prenaient en selfie, portant un foulard qui laissait tout de même voir leurs cheveux, tandis que la plupart du temps, elles laissaient tomber le foulard et dénudaient les jambes et les épaules. Autant d’infractions en Iran, où les lois islamiques sont en vigueur et où les femmes sont tenues de couvrir tout leur corps, sauf le visage et les mains. Parfois, elles revêtaient des habits conçus et fabriqués par les designers iraniens, ou mettaient en scène les compétences d’un tel ou tel salon de beauté féminin.
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Des comptes instagrams bloqués
Niloufar Behboudi et Dana Nick se voulaient « mannequins » et comptaient des centaines de milliers d’abonnés sur leurs comptes Instagram et Facebook. Or, depuis quelques jours, sur leur page Instagram apparaît ce message, écrit en rouge dans un cadre bleu : « Bloquée ». À droite, une autre phrase donne plus de détails : « En raison de production et de vaste publication d’images vulgaires et d’incitation aux actes contraires aux mœurs et d’avoir mal utilisé l’espace virtuel ».
La censure de ces pages fait suite à l’arrestation survenue au mois de février de Dana Nick et Niloufar Behboudi, aux côtés d’autres jeunes Iraniennes, Shabnam Molavi, Donya Moghadam, Melika Zamani, Elnaz Golrokh et du mari de cette dernière, Hamid Fadaei, lui aussi mannequin. Ils ont tous été relâchés sous caution dont le montant n’est pas pour l’heure connue, mais vont être jugés.
Une brigade de surveillance en ligne
En 2011, la police iranienne a mis sur pied une brigade, connue sous le nom de FATA, qui surveille de près des activités remettant en cause la sécurité du pays ou contraires aux mœurs, et qui multiplie des coups de filet.
(Photo d’Elnaz Golrokh)
Parmi les mannequins arrêtés et relâchés, Elnaz Golrokh a quitté l’Iran avec son mari, seulement quelques jours leur libération. Sur sa page Instagram, toujours ouverte et suivie par 581 000 internautes, elle a tenté de répondre aux inquiétudes des commentateurs :
« Je suis désolée de ne pas avoir pu répondre à vos appels téléphoniques. Malheureusement, pour le moment, je n’aurai plus aucune activité en Iran et poursuivrai mes activités à l’étranger. »
Elnaz Golrokh, aussi propriétaire d’un salon de beauté très connu dans un quartier doré du nord de Téhéran, et Hamid Fadaei, qui dirige une boutique de vêtements féminins aussi dans la capitale, s’affichaient la plupart du temps ensemble et se focalisaient sur la promotion de leurs activités commerciales. La seule chose que les autorités auraient à leur reprocher serait le non-respect des lois islamique par Elnaz Golrokh sur les photos publiées sur son compte Instagram.
S’afficher avec un homme sans être marié
Or Niloufar Behboudi, dans ses publications sur Internet, était allée encore plus loin en s’affichant avec un jeune homme qu’elle présentait comme son « partenaire » sans qu’ils ne soient mariés. Encore une autre ligne rouge franchie et un autre tabou brisé devant les yeux des centaines de milliers de jeunes iraniens, à qui l’on demande sans cesse d’être chastes et pieux.
Un grand nombre des jeunes issus de la classe moyenne et riche, très connectées à Internet et avides de nouveautés, accorde une grande importance à son apparence. D’où l’émergence rapide de l’univers de la mode et la popularité étonnante de mannequins, parfois autoproclamés.
La scène de la mode en Iran est très jeune. Les défilés de mode publics et avec permission ont d’abord été tous masculins. Ensuite, les filles mannequins ont eu le droit de défiler devant un public mixte, tout en respectant les codes vestimentaires islamiques. Ce n’est qu’en 2014, un an après l’arrivée au pouvoir du président modéré Hassan Rohani, en juin 2013, que ces filles, en tenues plus légères – robes de mariage et de soirée, jupes courtes, décolletés et débardeurs – ont pu organiser tenir des défilés légaux devant un public exclusivement composé de femmes. Depuis, les différentes entreprises ont vu le jour, organisant des journées de défilés dans la capitale iranienne.
Elles ne pourront plus travailler légalement
Le processus relève tout de même d’un vrai parcours du combattant. Pour chaque défilé, il faut avoir deux autorisations : une obtenue auprès du ministère de la culture et de l’orientation islamique et l’autre auprès de la police. Les Iraniennes qui veulent exercer légalement le métier de mannequin doivent également obtenir un permis auprès des autorités assurant qu’elles n’ont pas d’antécédents judiciaires et qu’elles ont une réputation sans tache pour la société religieuse et traditionnelle iranienne. Voilà pourquoi les six filles, arrêtées et relâchées contre qui des poursuites judiciaires ont été engagées, risquent de ne plus pouvoir travailler légalement.
« Elles sont finies, explique un jeune iranien actif dans le domaine de la mode qui préfère garder l’anonymat. Elles ont eu tort de publier ces photos sur leur page ouverte à tous. Nous qui travaillons dans la mode et qui voulons travailler légalement sommes obligés de respecter un certain nombre de lignes rouges ». En Iran, les acteurs de l’univers de la mode continuent à marcher sur des œufs.
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