Que devient le formidable stock de guerre des Américains en Irak ? Demandez aux manifestants d’Occupy Tampa Bay, en Floride. En novembre dernier, la police municipale a réprimé une de leurs manifestations avec un tank. Un coup de peinture sur le kaki et voilà une seconde vie pour les blindés, cette fois pour contrer la subversion intérieure. Dans l’Amérique de 2012, les policiers municipaux maintiennent l’ordre avec des tanks de l’armée.
(De New York) Quand le soir du Réveillon, les derniers GI’s quittaient l’Irak, ils laissaient derrière eux des tonnes de matériel. Il en faut pour faire la guerre huit ans. On pense aux tanks et aux canons ; il y a aussi des kilomètres de câble USB, des milliers d’écrans et de souris d’ordinateurs, des engins de terrassement…
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Les collectivités locales ont été invitées à rapatrier du matériel pour un prix dérisoire : elles ne paient que les frais de port. Une aubaine en temps de crise. Pour l’année fiscale 2011, elles ont racheté pour 500 millions de dollars de matériel militaire, du matériel informatique au lance-grenades. L’Alabama serait le plus gros acheteur. L’Etat du sud s’est servi en générateurs électriques, en camions à incendie et en instruments de musique pour ses écoles. Un shérif de Louisiane a racheté un véhicule tout terrain John Deere pour débusquer les laboratoires de méthamphétamine planqués dans l’arrière-pays. Bref, c’est la Foir’Fouille.
Tout ne rentre pas au pays
Le rapatriement ne s’est pas fait en un jour. Il a fallu coordonner « le plus gros mouvement de troupes et de matériel depuis la seconde guerre mondiale », selon les officiels américains. Chaque objet, du tank au sachet de nouilles, a été affublé d’un code-barre. L’équivalent de 20 000 camions-bennes a transité d’Irak au Koweit depuis septembre 2010. « A l’armée, on calcule tout« , explique un gradé à Business Week.
Tout ne rentre pas au pays, loin de là. Les hélicoptères et avions de chasse seront acheminés dans d’autres bases américaines après inspection. Des blindés iront soutenir l’effort de guerre dans l’Afghanistan voisin. Beaucoup de matériel informatique est incinéré au Koweit dans des immenses fosses.
Reste le recycleur le plus efficace : le peuple irakien, qui manque de tout. L’électroménager laissé par l’occupant (micro-ondes, machines à laver, cafetières, antennes-satellite…) se négocie à prix d’or sur les marchés. Dès juin 2010, le LA Times rencontrait une famille de Faloudja qui rachetait pour 5 000 dollars un baraquement dans une casse : il servait de toilettes aux GI’s. Le père de famille, Ismail, a enlevé les pissotières et désinfecté l’intérieur pendant des jours, puis a coulé du béton pour le sol et percé une fenêtre.
« On est dégoûté d’habiter dans les toilettes de l’occupant, soupire Ismail, qui a perdu deux frères et sa maison dans la bataille pour le contrôle de Faloudja en 2004. Mais on n’avait pas d’autre solution. »
Il y avait 505 bases américaines en Irak au plus fort de la guerre : fin décembre, il en restait 3. L’Amérique n’est plus une force d’occupation mais avec 16 000 hommes toujours sur place, dont des sociétés de sécurité privées comme Blackwater, la présence américaine demeure la plus grosse « délégation diplomatique » de la planète. Le département d’Etat a demandé un budget 3,8 milliards de dollars au Congrès pour faire vivre ce petit monde en 2012.
Maxime Robin
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