Il consacre une biographie à l’auteur culte anglais B.S.Johnson. Il parle de Salinger, de l’Angleterre et des années Thatcher et explique pourquoi la politique ne l’inspire plus.
Pourquoi vous êtes-vous intéressé à B. S. Johnson ?
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Je voulais réhabiliter un auteur oublié. Ceux qui lisent B.S. Johnson en Angleterre forment une secte d’adorateurs pour lesquels il est un auteur culte. Au début, je voulais écrire quelque chose d’assez court. Mais j’ai été vite totalement fasciné par sa personnalité et la puissance de ses théories. J’ai passé trois ans dans une pièce – son bureau – à lire ses manuscrits, ses notes. C’était fou et passionnant. Tout ce qu’il a fait dans sa courte vie a pris la forme d’une lutte. Contre l’establishment, le roman lui-même. Son oeuvre est complètement expérimentale, subversive. Elle part de cette question : comment devenir un romancier quand on déteste les romans ?
Les notes personnelles de Margaret Thatcher viennent d’être publiées. Etes-vous toujours aussi inspiré par la société britannique que durant les vingt ans de sa gouvernance ?
C’est drôle, j’ai l’impression qu’on fait comme si elle était morte parfois… Les mémoires, ce n’est pas ce qu’on publie après la mort de quelqu’un ? Pourtant, elle est bien vivante, toujours parmi nous… Même si lorsque je l’ai vue à la télé l’autre jour, je lui ai vraiment trouvé un air de zombie. En fait, l’Angleterre est tellement préoccupée par l’héritage de Tony Blair que celui-ci a en quelque sorte effacé le souvenir de Thatcher. Blair est devenu la nouvelle figure démoniaque, principalement à cause de la guerre en Irak.
Vous n’auriez pas envie d’écrire sur l’Angleterre d’aujourd’hui ?
Pour ma génération, Thatcher incarne une époque où l’on ne pouvait pas ignorer la politique. C’est ce qui rendait cette période, en dépit de sa violence, plus “saine”. Aujourd’hui, on est obligé de choisir entre deux partis quasi identiques. Il n’y a plus aucune pression politique au sens fort. A vrai dire, je trouve notre apathie consumériste au moins aussi effrayante que le thatchérisme dans les années 1980. Je ne sais pas si on se réveillera un jour. Décrire cette situation dans un roman serait très difficile, car la fiction a besoin d’énergie, de personnages politiques qu’on peut stigmatiser comme dans un dessin animé.
Gordon Brown, ça ne vous inspire pas des masses ?
Je viens de finir un roman qui se déroule en 2009, sur fond de crise financière. Mais la politique ne m’intéresse plus. Elle est trop déconnectée des gens.
Vous aviez déjà rédigé deux biographies : celle d’Humphrey Bogart, puis celle de James Stewart. Quel est votre rapport au cinéma ?
C’était une commande, il y a presque vingt ans, et j’avais vraiment besoin d’argent. Elles ont été rédigées très vite, rien à voir avec B.S. Johnson. J’ai toujours aimé le cinéma, des réalisateurs comme Billy Wilder, Fellini, Hitchcock, Georges Franju. Mais j’ai été plus profondément marqué par la télévision. Dans les années 1970, la télé britannique était assez brillante. Il y avait des téléfilms réalisés par Stephen Frears ou Mike Leigh. C’est par la télé que j’ai appris à écrire des dialogues, maîtriser certaines techniques narratives.
Comment avez-vous réagi à la mort de Salinger ?
Si je veux être sentimental, je vous répondrai que L’Attrape-Coeurs m’a touché comme des millions d’adolescents. Plus ironiquement, je trouve que Salinger est un des plus grands publicitaires de son temps. Il a compris que la disparition était le meilleur moyen de ne jamais tomber dans l’oubli.
Photo : Renaud Monfourny
B. S. Johnson, histoire d’un éléphant fougueux (Quidam Editeur), traduit de l’anglais par Vanessa Guignery, 502 pages, 30 €
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