A l’occasion de la sortie outre-Manche de son recueil de nouvelles, il parle de Gordon Brown et des élections britanniques, de la burqa et de ses collaborations avec le cinéma.
D’après vous, qui pourrait gagner les élections le mois prochain en Angleterre ?
Quel que soit le parti qui gagne, cela va devenir de plus en plus difficile dans le champ culturel ou le social, bref, tout ce qui nous tient à coeur. Je ne voterai jamais conservateur, mais même si j’ai été un membre du Labour, je ne voterai pas pour ce parti non plus. Je ne peux vraiment pas voter Gordon Brown, qui a approuvé la guerre en Irak. Peut-être voterai-je pour les Verts ? En ce moment, la politique anglaise n’est pas intéressante.
Tony Blair a ruiné les chances du Labour ?
En impliquant l’Angleterre dans la guerre en Irak, il s’est révélé aussi corrompu et menteur que George Bush, et cela nous a découragés du Labour. Actuellement, il n’y a pas de figure politique très enthousiasmante en Angleterre. Il nous manque un leader de gauche. Il nous manque quelqu’un comme Obama, qui représentait quelque chose de complètement nouveau en Amérique.
Que pensez-vous des débats français autour de la burqa : seraient-ils possibles en Angleterre ?
Ici, personne ne s’intéresse à ça, ça n’est même pas un débat, même pour les gens de droite. Nous n’avons pas une société sécularisée dans le même sens que la France, ce qui nous rend plus libéraux. En Angleterre, chacun peut porter ce qu’il veut, avoir des cheveux violets ou autre. Si on commence par interdire la burqa, après on interdira les pantalons “bondage” ou un autre vêtement qu’on désapprouve. D’un autre côté, je déteste la burqa : c’est un symbole de répression des femmes.
Votre livre Black Album (1995), une enquête autour de jeunes musulmans intégristes en Grande-Bretagne, a été porté à la scène du National Theatre l’année dernière. Est-ce encore un sujet d’actualité en Angleterre ?
Il était important de monter cette pièce sur l’intégrisme vingt ans après la fatwa contre Salman Rushdie. Dans ce sens, c’est une sorte de pièce “historique” qui explique comment on en est arrivé là. C’est un sujet toujours intéressant, nous devons continuer à en parler, chercher à comprendre, essentiellement parce que nous vivons dans une société multiculturelle, où l’intégration est parfois difficile et reste un sujet de réflexion. Par contre, je n’ai plus envie d’écrire sur ces questions. J’ai déjà tout dit.
Vous venez de publier un recueil de nouvelles, Collected Stories. Pourquoi aimez-vous autant cette forme courte ?
D’abord parce qu’en ce moment, je travaille pour le cinéma américain, j’adapte le roman Le Tigre blanc d’Aravind Adiga et quand on écrit pour le cinéma, il y a de longs moments où l’on n’a rien à faire d’autre qu’attendre le verdict des producteurs. Alors dans ces moments d’inactivité, on peut se mettre à écrire une nouvelle, c’est plus rapide que se plonger dans l’écriture d’un roman, qui prendrait des années. Ce recueil raconte l’histoire d’une femme de 60 ans très malade, clouée au lit. Ses proches viennent lui raconter des histoires, des souvenirs d’il y a vingt ans ou une semaine, pour la maintenir en vie.
Comment se porte le cinéma anglais ?
Il est sinistré. Il n’y a que cinq ou six films anglais par an, et ils ne sont pas très bons, ne marchent pas et ne rapportent donc pas d’argent pour produire d’autres films. Le seul film anglais qui ait marché récemment, c’est The Queen de Stephen Frears. Cela dit, je suis en train d’écrire un scénario intimiste pour Roger Michell, pour qui j’avais écrit The Mother.
Photo : Hanif Kureishi par [attachment id=298][attachment id=298][attachment id=298]wvs sur Flickr
Collected Stories (Faber & Faber). Sortie française à l’automne 2010.