Reclus cinq jours, des journalistes n’ont eu que Twitter et Facebook pour s’informer. L’expérience a souligné les limites des réseaux sociaux et confirmé que le tri de l’info est une nécessité.
Impossible d’échapper début février à cette expérience médiatique inédite : l’enfermement de cinq journalistes dans une ferme du Périgord, avec Facebook et Twitter pour seuls moyens de s’informer.
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Un dispositif qui reflète la position complexe des médias face à l’importance prise par des réseaux sociaux qui interviennent de plus en plus dans la transmission de l’information.
Face à ces nouveaux moyens d’informer, la profession est divisée. D’un côté, des journalistes médias très présents sur les réseaux sociaux et qui ajoutent à leur production dans les médias classiques une sorte de fil d’info personnel adressé aux internautes (via leur blog), à leurs “friends” (sur Facebook) ou à leurs “followers” (sur Twitter).
De l’autre, des journalistes plus traditionnels qui voient dans les réseaux le lieu de la désinformation, du fait de l’absence de tri et de la brièveté des messages. Ce qui explique les très nombreuses critiques que le dispositif a suscitées : les internautes y ont vu une remise en question de la fiabilité de ces réseaux, et les fans des nouvelles technologies une façon de prouver que les médias classiques sont “largués”.
David Abiker (France Info) explique ainsi que “l’expérience a en quelque sorte servi de psychanalyse à une profession qui balance entre méfiance et intérêt pour le net. Le fait qu’elle soit menée par des mastodontes radiophoniques a sans doute beaucoup contribué à la polémique : si elle avait été menée par cinq geeks dans un appartement, on aurait sans doute crié au génie…”
Le pari était de confronter ces nouvelles façons de s’informer à l’épreuve du réel. De ce fait, la difficulté était de tirer des conclusions pertinentes d’une expérience qui redéfinit les conditions du réel via une utilisation exceptionnellement réduite des réseaux sociaux.
Sans compter que la médiatisation en amont a influé sur le comportement des utilisateurs du réseau durant l’expérience.
Nour-Eddine Zidane, journaliste à France Inter et participant du huis clos explique : “Sans en être certain, je pense que notre présence a pu jouer dans la médiatisation d’un événement sur Twitter.”
De plus, les journalistes ont pris soin de se constituer un panel de “followers” sur Twitter. Nour-Eddine Zidane confirme : “On s’est abonnés à des comptes répertoriés comme les plus pertinents dans des domaines variés : éducation, politique, sport…”
Une stratégie adoptée pour éviter de caricaturer Twitter, mais qui a pesé là encore sur l’expérience en substituant au profil de l’internaute lambda celui d’un expert des médias qui s’informe via un réseau de contributeurs eux-mêmes très au courant.
Si le huis clos des journalistes a eu le mérite de faire découvrir le débat au grand public (en France, seuls 3 à 4 % de la population usent de Twitter), ses conclusions paraissaient évidentes pour la grande majorité des internautes.
Pour récapituler : la complémentarité des réseaux sociaux et des médias classiques et une hiérarchisation de l’info différente, plus centrée sur la politique et sur les sujets franco-français.
Benjamin Muller, journaliste à France Info qui a participé à l’expérience, est lucide : “Il est évident qu’on n’allait pas tirer des conclusions renversantes. Mais l’expérience aura à mon sens permis de mieux expliquer au public comment fonctionne un réseau social.”
Le meilleur de l’expérience est sans doute à chercher du côté des “zooms sur la ferme” menés sur France Info et sur France Inter où l’on donnait l’antenne aux participants qui devaient deviner les unes du jour.
Des blind tests de l’actu qui offraient un parfait reflet de la façon intuitive, souvent juste, dont le net nous informe en nous faisant humer l’air du temps par petites bouffées.
Et des interventions qui ont permis de découvrir une certaine poésie de l’information contenue dans le tweet, entre journalisme, haïku et mise en scène de soi, résumée ainsi par David Abiker : “Twitter, c’est un peu un fil AFP qui aurait mal tourné et se serait mis à délirer. Reste à chacun à recouper avec d’autres sources et faire le tri !”
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