Alors que les sites d’info participatifs cherchent toujours leur modèle, Suite101 rémunère ses contributeurs au nombre de clics sur les pubs.
Au suivant ! Contributeurs, experts, blogueurs… Autant de noms donnés à ces “non-journalistes” qui postent des articles et qui étaient présentés il y a peu comme l’avenir de l’information sur l’internet. Une info qui ne serait plus la chasse gardée des professionnels, mais le produit de toute une communauté. Quelques années plus tard, l’information participative cherche encore sa voie, des sites comme Le Post restent déficitaires et d’autres, comme Rue89, ont fortement réduit la part des “experts” initialement mis en avant. Ainsi, le participatif est en quête de nouveaux modèles.
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Dernier en date, le site d’information Suite101, concept canadien arrivé chez nous cette année. Il fonctionne selon une formule inédite en France : les auteurs perçoivent un pourcentage sur les revenus, proportionnel au nombre de publicités activées sur la page de leur article. Une “carotte” suffisante pour générer du trafic et des contributeurs : neuf mois après son lancement, Suite101 comptabilise près de 600 000 visites par mois et compte environ 900 auteurs qui publient. Mais qu’en est-il de la rentabilité réelle pour un auteur ?
“Il est impossible pour l’instant de faire une moyenne, car les revenus ne deviennent vraiment significatifs qu’après un certain temps, explique le directeur de la version française du site, Jérémy Reboul. Par exemple, certains auteurs touchent environ 200 euros par mois pour 150 à 200 papiers, ce qui ne fait pas beaucoup rapporté au papier. Mais ce chiffre peut être triplé au bout de cinq ans.”
Selon lui, le gain ne serait pas la motivation principale des contributeurs, qui ont surtout envie d’être lus et d’accéder à une certaine forme de visibilité. “Statistiquement, on a beaucoup plus de chances d’être lu sur Suite101 que si on ouvre son propre blog. Récemment, la chaîne France 24 a contacté l’auteur d’un papier sur les rapports entre foot et politique pour l’inviter à un débat télé. D’autres sont contactés par des maisons d’édition pour écrire des livres”, poursuit Jérémy Reboul.
Le contenu est vérifié par une dizaine d’éditeurs, pour la plupart journalistes. Emilie Cuisinier, journaliste en charge de la rubrique environnement et nouvelles technologies :
“En raison du modèle économique, on leur conseille de choisir des sujets plutôt magazine, qui ont le plus de chances de durer dans le temps. On les guide aussi pour qu’ils utilisent les mots-clefs les plus appropriés, pour être référencés au mieux dans les moteurs de recherche.”
Gare à l' »info-mercial »
Relancer un Web participatif qui s’essouffle en jouant sur le “personal branding” (le fait de vouloir transformer son nom en une marque), l’idée peut sembler séduisante. Certains sites américains fondés sur le même principe ont même eu un véritable succès, comme Associated Content, qui vient d’être racheté par Yahoo!, mais la transposition française est-elle réalisable ? Emmanuel Torregano, rédacteur en chef du site electronlibre.fr, en doute :
“Aux Etats-Unis, ça marche parce que le marché de référencement est énorme, 90% du Web étant anglo-saxon. En France, il n’y a pas de marché publicitaire suffisant.”
La deuxième raison est liée au contenu. “Le journalisme, c’est beaucoup plus une affaire de technique que de connaissances : c’est savoir expliquer au public une info. Les problèmes des papiers “d’experts”, c’est que bien souvent il n’y a pas d’angle ou de point de vue.”
Ce qu’on constate de fait à la lecture du site, au fil d’articles qui ne manquent pas d’informations, mais qui n’apportent pas nécessairement un plus par rapport aux médias traditionnels. Sans compter que le couplage articles-pubs amène de fait les contributeurs à publier beaucoup de papiers “pratiques” (concernant surtout la vie quotidienne et les loisirs), à la limite du journalisme, ce qu’Emmanuel Torregano appelle “l’info-mercial” : sur ce genre de plateforme, on ne peut pas vraiment savoir dans quelle mesure tel ou tel papier a été mis en place pour satisfaire une demande…
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