Plus de 25 ans d’expérimentations musicales et plus encore de gestes artistiques, Sonic Youth méritait bien une rétrospective. C’est jusqu’au 7 septembre au LiFE de St Nazaire.
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Que faire d’une encombrante base sous-marine à la retraite ? Surtout quand on veut réhabiliter son port… C’est le challenge qu’a relevé la ville de St Nazaire avec son complexe culturel qui inclut dans la gigantesque base une salle de concert (le VIP) et un lieu d’exposition (le LiFE). Et c’est dans cet immense bloc de béton que prend place Sensational Fix, ambitieuse rétrospective consacrée à l’art (tous les arts) qui entoure(nt) Sonic Youth.
[attachment id=298]Une bâtisse construite par les Allemands durant la Seconde Guerre Mondiale en guise de caveau pour des dinosaures du rock ? Pas vraiment, la cinquantaine sonnante, les membres de Sonic Youth sont des musiciens hyperactifs. Outre les albums du groupe (comprenant leurs albums expérimentaux sortis sur leur propre label SYR), chacun s’adonne à des projets parallèles : Miror/Dash pour les mariés Kim Gordon et Thurston Moore qui lui fait quelques infidélités avec des albums solo plus décomplexés que complexes, Text of Light pour Lee Ranaldo, nombreuses productions, dont la jeune Cat Power, pour Steve Shelley et on en passe…
Mais il est une facette de l’aventureux quatuor plus méconnue : avant d’explorer en musique, nos zozos défrichaient les limbes abscons de l’art contemporain. Peinture, photo, assemblages, performances… ont longtemps constitués (et constituent toujours) le quotidien des Sonic Youth. Etudiant en art (comme Kim et Lee), Thurston part, guitare en bandoulière, à New York avec 2 espoirs : 1.Trouver Sid Vicious et lui proposer de fonder un groupe, 2. Coucher avec Patti Smith… Il n’assouvira aucun de ses désirs mais croisera Kim Gordon pour le destin qu’on leur connaît.
(Dé)construite à la manière d’un morceau de Sonic Youth, la scénographie de Sensational Fix, sobre, (les œuvres sont exposées, de façon classique, sur des cimaises blanches) joue sur l’absence de parcours imposé. Une fois passée la réticence du mélomane à piétiner les 5000 vinyles jonchant le sol du seuil d’entrée (en fait, une installation de Christian Marclay), on pénètre dans un monde autarcique tout de sons et d’installations.
Dès l’entrée, des écrans télé diffusent des performances soniques différentes qui créent une symphonie cacophonique accompagnant le visiteur tout au long de son périple désorienté. La bizarrerie de voir affiches promotionnelles et couv’ de magazines sous vitrine oubliée, il ne reste plus qu’à errer au grès de ses envies dans les méandres d’un art cérébral.
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On retiendra, pour les plus connus : 4’33’’ ou les Quatre minutes et demi de silence de l’artiste Fluxus, John Cage, les dessins de Raymond Pettibon (auteur de la magnifique pochette de l’album Goo) présents en grand nombre, la tête de poupée tricotée par Mike Kelley pour la pochette de Dirty, Spiral Jetty, le film, par l’auteur de la sculpture Land Art lui-même (Robert Smithson), Burrow de Jeff Wall dont le groupe a repris la photo The Destroyed Room pour illustrer sa compilation d’inédits sortie sous le même nom.
Les œuvres de Lee Ranaldo, qui aime à créer de la musique avec les images en plaçant des écrans dans les caisses de résonnance de guitares et de Kim Gordon qui affectionne les aquarelles abstraites sont aussi à l’honneur.
Quant aux clips, ils ne sont pas en reste. On peut admirer sur grand écran le fameux clip de Death Valley’ 69 dirigé par Richard Kern. Cette odyssée inspirée des crimes perpétrés par la Manson Family où Kim, fusil au poing, tue à vau-l’eau, Lee finit les tripes à l’air et Thurston git égorgé dans une baignoire, date de 1985. De quoi faire passer le clip Stress de Justice (et la polémique qui va avec) pour un enfant de chœur « has been ».
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Mais le meilleur reste encore le fond du bunker, tapissé d’affiches de concert des « jeunes soniques », qui fait enfin ressortir le côté punk du groupe. Là, on peut se vautrer dans des fauteuils ultra mous pour lire quelques ouvrages sur Sonic Youth, Dan Graham, Richard Prince, Harmony Korine… Bref sur Sonic Youth et leurs potes arty, tout en écoutant la riche discographie du quatuor, sur vinyles SVP !
On regrettera cependant l’absence de nombreuses œuvres originales qui ont fait l’identité visuelle des albums de Sonic Youth tout au long de leur carrière. Outre la Destroyed Room de Jeff Wall, il manque la célèbre infirmière de Ricahrd Prince devenue Sonic Nurse mais, rétrospective oblige, elle est partie à Londres rejoindre ses consoeurs de la série Nurse Paintings dans l’exposition Continuation consacrée au peintre. Mais, entre toutes les archives visuelles, filmiques et sonores, il y a fort à faire. Une pléthore pour une seule visite…
Photos : Audrey Cerdan
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