C’est l’histoire d’une mise en examen mal ficelée, celle d’un jeune garçon dont l’unique reproche repose sur quatre mots prononcés en classe, “Ils ont eu raison”, une histoire racontée par Patricia, une éducatrice. Patricia ne comprend pas. Ce garçon, qu’elle surnomme affectueusement “mon petit poisson” tout au long de son témoignage sur Rue89, a des […]
C’est l’histoire d’une mise en examen mal ficelée, celle d’un jeune garçon dont l’unique reproche repose sur quatre mots prononcés en classe, « Ils ont eu raison », une histoire racontée par Patricia, une éducatrice.
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Patricia ne comprend pas. Ce garçon, qu’elle surnomme affectueusement « mon petit poisson » tout au long de son témoignage sur Rue89, a des parents respectés, respectueux, simplement désireux d’être bien intégrés. Son garçon ? La mère le décrit tendrement :
« Un garçon gentil avec tout le monde, bon élève jusque-là, mais qui prend de la graine, veut se montrer, regarde les filles, ses résultats baissent… Son père lui a mis une gifle, depuis on lui pourrit la vie. »
Patricia, quant à elle, recueille le témoignage du principal du collège, cette fois-ci plus virulent, plus inquiet. Le « petit poisson » est en 3ème.
« C’est pas un ange, il sait pas se taire, il faut toujours qu’il en rajoute, il a déjà eu des avertissements, il en a eu un pour harcèlement avec une fille. Je connais bien les parents, la mère ça va, mais j’ai dit au père qu’il était beaucoup trop gentil. »
Sur le site Ask.fm, le principal a vu et retenu les propos du collégien, qui vit dans une famille de musulmans modérés non pratiquants, mais apparaît comme plus religieux qu’eux.
« Vous allez sur Google et vous tapez son nom, en mettant des guillemets et on le voit, c’est bien lui. C’est un truc, Ask.fm, des questions/réponses. Et lui, à “Qu’est-ce qui te fait pleurer ?”, il a écrit “Le Coran”. “Quand te sens-tu le plus heureux ?”, il a répondu “Quand je fais la ierprie”, comme ça. Je n’en ai pas parlé, je pense que si les policiers l’ont vu, ils sauront quoi en faire. »
Et puis, l’incident. Jeudi 8 janvier, en classe, il a fait sa minute de silence. Et le vendredi après-midi, en français, sur une proposition de débat du prof, il a « fait le mariole« , a levé la main et a dit « Ils ont eu raison« , à propos de ces terroristes responsables dans l’affaire Charlie Hebdo. Plus tard, il expliquera qu’il ne sait même pas pourquoi il a dit ça : « je le pense pas, c’est sorti tout seul » et s’excusera plusieurs fois.
De fil en aiguille, le « petit poisson » se rend chez la CPE, est convoqué avec ses parents, exclu du collège pour une semaine (au risque d’être exclu définitivement au conseil de discipline). Pendant ce temps, le principal a porté plainte au commissariat, avant que l’adolescent ne soit convoqué à nouveau avec ses parents pour être entendu par la police. Le garçon fait 24 heures de garde à vue, arrive menotté dans les geôles du palais de justice, attendant d’être mis en examen pour apologie d’acte de terrorisme.
Tout ça pour avoir prononcé quatre mots en l’air, en classe, une semaine auparavant. Maintenant il ne peut plus qu’attendre que les écrits qu’il a rédigés devant la médiatrice pour s’excuser atterrissent devant le juge pour enfants. Peut-être aura-t-il une dispense de peine, mais pour cela, il faut attendre le jugement. Peut-être des mois.
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