En réaction aux propos très tendancieux de Manuel Valls sur le manque de Blancs dans sa ville d’Evry, le collectif les Indivisibles, responsable des Y’a bon Awards, a répondu d’une manière drôle, virale, et 2.0. Sa présidente, Rokhaya Diallo, revient avec nous sur l’affaire et le peu de réactions qu’elle a suscité.
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On a entendu très peu de voix à gauche pour condamner le dérapage de Manuel Valls qui la semaine dernière déplorait que l’image de sa ville pâtisse du faible nombre de « blancs, de white, de blancos ». Comme appréhendez-vous cette réaction molle, ou plutôt cette absence de réaction ?
Je ne suis pas étonnée, c’est aussi une des raisons pour lesquelles les Indivisibles (NDLR : le collectif militant dont Rokhaya Diallo est la présidente) existent. Ce genre de propos fait d’habitude l’objet d’une grande indifférence et cela a été encore le cas : il n’y a eu qu’un courageux militant du PS pour s’exprimer en contradiction avec Manuel Valls. Plus généralement, cela a été très timide. Il y a eu quelques réactions en dehors du PS, dans des émissions de radio, mais cela reprenait beaucoup sa justification sur le plateau de l’émission qui était qu’il ne faisait que constater un manque de diversité dans sa ville. Or ce qui me choque, c’est peut-être moins le constat du manque de Blancs que la déclaration qui le précédait : que le manque de Blancs sur ce marché d’Evry donnait une mauvaise image de la ville. Et il me semble qu’il n’est pas nécessaire d’aller plus loin dans la réflexion pour se dire que c’est tout à fait scandaleux. On est face à quelqu’un qui semble se dire que d’être maire d’une ville composée majoritairement de Noirs et d’Arabes, quand on a comme Manuel Valls des aspirations nationales, ce ne serait pas assez valorisant.
La défense de Valls qui voudrait faire de ses déclarations une critique de la ghettoïsation, cela vous inspire quoi ?
Je crois qu’il s’est surtout un peu rattrapé aux branches pour justifier son propos dont il n’imaginait pas qu’il serait enregistré. Pour ce qui est de la teneur de sa défense, j’en ai personnellement un peu assez de cette confusion entre le social et le racial. Noir n’est pas synonyme de pauvre, comme Blanc ne l’est pas de riche. De fait, dire que c’était une manière de dénoncer la ghettoïsation sociale, ça ne colle pas, ce n’est pas la même chose. Et s’il s’agit de se porter en faux contre la ghettoïsation raciale le ménage peut très bien être fait aussi au sein du PS ou de l’Assemblée nationale : on pourrait tout aussi bien y stigmatiser le surnombre de personnes blanches. Si on regarde bien le visage des maires de France, on peut s’étonner de la quasi absence de personnes d’origines maghrébine, asiatique, ou de couleur noire. C’est une hypocrisie : il s’est retrouvé face à un propos difficile à assumer, il a dû réagir et il ne pouvait que reprendre tout ce débat autour de la diversité mais je suis étonnée qu’il se saisisse de ce débat uniquement lorsque celui-ci va dans un sens qui lui semble pouvoir nuire à l’image de sa ville. C’est une critique qui n’est jamais formulée contre des villes qui sont majoritairement blanches – c’est très particulier comme racisme.
En réponse, les Indivisibles ont lancé un appel à casting de figurants blancs qui a circulé tant sur votre site que sur Facebook…
Comme c’est notre mode d’action, nous avons fait cela sous le régime de l’humour, pour lui montrer que s’il est gêné par la couleur de peau de ses administrés, il y a du monde pour faire de la figuration lors de son prochain passage télévisuel. L’idée était vraiment que plein de gens écrivent à la mairie d’Evry pour proposer leur aide à Manuel Valls qui a l’air un petit peu désemparé face à la pénurie de Blancs dans sa ville. On sait que la mairie d’Evry et même Valls ont reçu pas mal de mails, certaines personnes ont même posté l’annonce sur sa page Facebook.
Par-delà cette affaire, les Indivisibles se sont fait connaître notamment par les Y’a bon awards. Quelles autres actions de ce genre avez-vous prévues pour ces prochain mois ?
Nos modes d’action sont assez divers. Nous pratiquons par exemple l’intervention directe auprès du public, on va faire de la sensibilisation dans des collèges, des maisons d’arrêt, on essaie d’offrir des outils critiques pour lire l’actualité et les médias. Nous cherchons à développer ce type d’activités, tandis que nous poursuivons notre travail de réaction aux propos douteux tenus par des leaders d’opinion, hommes politiques et journalistes. Nous préparons également un appel aux députés à qui nous essaierons de faire signer massivement la charte des Indivisibles en rebondissant sur les Y’a bon awards, puisque le lauréat pour l’ensemble de son œuvre était un député, Eric Raoult. Le fait que l’un des leurs ait été primé pour un bagage pas très glorieux nous permet de leur demander comment ils s’inscrivent par rapport à cela et de vraiment essayer de faire un opération dans leur direction. Et évidemment, on va réitérer l’organisation des Y’a bon awards en 2010 et l’on remercie d’ailleurs Manuel Valls pour sa contribution.
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