Face à la pauvreté croissante et à l’indécence des riches qui prospèrent, de plus en plus d’économistes ciblent leur réflexion sur les manières de les faire payer.
Le succès de l’essai de Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, Le Président des riches (Zones), en forme un indice éclairant : la critique des « gros », c’est-à-dire des riches qui captent une part indécente des revenus nationaux, fait un retour en force dans le débat public.
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Remontant au XVIIIe siècle, cette rhétorique se renouvelle aujourd’hui à la faveur de la crise du capitalisme financier et des excès répétés des politiques néolibérales.
« Le pouvoir de la finance n’est pas remis en cause », regrettaient récemment les Economistes atterrés, dont le manifeste révèle la prise de conscience généralisée des carences gouvernementales face à l’ordre néolibéral.
Comme l’indiquent les économistes (à la gauche de la gauche) Vincent Drezet et Liêm Hoang-Ngoc dans Il faut faire payer les riches (Seuil), « la question de la redistribution des richesses est désormais au coeur des réflexions engagées pour moraliser l’économie, si ce n’est pour la transformer ».
Il ne serait donc plus obscène de vouloir faire payer les riches. Surtout lorsqu’on mesure les écarts sans cesse grandissants entre les revenus. Toutes les réformes adoptées au cours des deux décennies écoulées ont aggravé « le caractère faiblement redistributif de notre système », déplorent les deux économistes.
L’imposition du capital reste particulièrement minorée, la multiplication des niches fiscales a rendu pour certains contribuables l’impôt carrément dégressif, « voire nul pour quelques nouveaux rentiers ».
Dans l’excellent dossier « Pour en finir avec les riches (et les pauvres) » de la revue Mouvements, les sociologues Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot dénoncent le « cynisme inouï » du gouvernement qui vise d’abord les handicapés, les étudiants et les accidentés du travail dans sa volonté de supprimer des niches fiscales.
L’urgence est aujourd’hui d’agir sur deux leviers : l’impôt sur le revenu et l’impôt sur le patrimoine. Car, rappellent Drezet et Hoang-Ngoc, « l’impôt reste le meilleur moyen d’écrêter les revenus indécents pour réduire les inégalités ».
Pour les auteurs de la revue Mouvements, « il faut renouveler notre imaginaire redistributif, repenser l’allocation des richesses, réfléchir aux objectifs existentiels que vise le désir de plus d’égalité ».
Cet imaginaire passe par exemple par la proposition du collectif Sauvons les riches, soutenue par les Verts : l’instauration d’un revenu maximum européen égal à 40 fois le revenu médian, tous revenus compris.
Plutôt que de se focaliser sur la « survie » des pauvres, via des politiques sociales nécessaires mais imparfaites, il serait plus efficace de lutter contre la richesse excessive qui prospère partout.
Ces nouvelles politiques ambitieuses, salariale et fiscale, doivent être aussi « l’occasion d’une révision en profondeur de nos modes de vie consuméristes ».
Les riches, dans cette perspective, sont à la fois « le laboratoire de ce que nous ne voulons pas être collectivement, et la cible politique qui doit être prioritairement visée dans les temps actuels », affirme la revue. La richesse des réflexions sur les manières de réduire les richesses indécentes sera au coeur des débats politiques des années à venir.
Jean-Marie Durand
Il faut faire payer les riches, par Vincent Drezet et Liêm Hoang-Ngoc (Seuil, Non conforme), 118 pages, 14€
« Pour en finir avec les riches (et les pauvres) », revue Mouvements, n° 64, 180 pages, 15 € Manifeste des économistes atterrés
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