Isabelle Huppert a reçu le Golden Globe de la meilleure actrice dans un rôle dramatique pour Elle, meilleur film de l’année selon nous.
On ne la reconnaît plus. On identifiait son sens de la stylisation sèche, sa capacité légendaire à tout contenir et à projeter ces émotions retenues dans un geste d’une netteté inouïe.
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Cette extrême précision, cette faculté à refroidir tous les affects pour les rendre lisibles comme jamais, Isabelle Huppert l’exerçait jusque-là dans ses rôles, mais aussi, un peu, en certaines occasions publiques, ces innombrables fois où elle reçut un prix – on se souvient de la sobriété de ses remerciements pour son César pour La Cérémonie par exemple, son trouble très rentré à Cannes pour La Pianiste…
Ruisselante de joie et d’émoi
Depuis que l’actrice a entamé l’automne dernier un ahurissant parcours jonché de prix américains, on est à chaque fois saisi par son débordement, ses larmes, ses “I’m speechless” hoquetants.
Et c’est à nouveau ruisselante de joie et d’émoi, le souffle court, s’emmêlant un peu dans son discours, qu’elle reçut dans la nuit du dimanche 8 janvier, des mains de Leonardo DiCaprio, le Golden Globe de la meilleure actrice dans un rôle dramatique pour Elle.
Horizons nouveaux
Qu’est-ce qui a généré cette nouvelle Huppert, hyperémotive, hyperexpansive, plus du tout maîtresse de ses effets ? L’éblouissement de découvrir à un stade aussi avancé de sa carrière, et alors qu’elle était déjà possiblement la comédienne la plus récompensée du monde (deux prix à Cannes, trois à Venise, un Bafta en Angleterre, deux Donatello en Italie…), que le plafond n’est toujours pas atteint, que des horizons nouveaux se dessinent et que de lointains ils deviennent accessibles ?
Ou alors, hypothèse plus retorse, ce nouvel habitus serait-il une façon de s’adapter aux rites américains, à son injonction du spectacle et des émotions qui se voient – et donc l’expression masquée d’un surcroît de maîtrise.
Oscar ?
On penche bien sûr plutôt pour la première et l’actrice était particulièrement vibrante, chaleureuse et sympathique en recevant ce nouveau prix, clôturant in extremis son speech par une interpellation politique – “Ne vous attendez pas à ce que le cinéma construise des murs et des frontières.”
Il paraît désormais assuré que, le 24 janvier, l’actrice compte parmi les cinq candidates à l’oscar. Elle rejoindra ainsi Depardieu, Deneuve, Adjani, Binoche et Riva dans la short-list des Français nommés en meilleur(e) acteur ou actrice.
Emma Stone
Mais sera-t-elle, le 26 février, la deuxième Française, après Marion Cotillard (La Môme, 2008), à remporter l’oscar de la meilleure actrice pour un film français (rappelons que Simone Signoret l’avait eu pour un film anglais et Juliette Binoche dans la catégorie second rôle) ?
Une nouvelle razzia La La Land (après sept Golden Globes) semble très envisageable, qui pourrait donner l’avantage à Emma Stone (récipiendaire elle aussi du Golden Globe de la meilleure actrice, catégorie comédie – une répartition par ailleurs bien arbitraire tant la prestation d’Huppert contient une bonne part de cocasserie et celle d’Emma Stone est en large partie très émouvante).
Meilleur film étranger
A la joie communicative de l’actrice si justement récompensée, il faut ajouter la satisfaction de voir le cinéaste qui lui est associé obtenir une reconnaissance qu’il n’avait jamais eue lors de son séjour hollywoodien. Ni Robocop, ni Basic Instinct, ni Starship Troopers n’avaient valu à Paul Verhoeven de nominations en meilleur film ou réalisateur aux Golden Globes.
Cette reconnaissance tardive via le prix du meilleur film étranger est donc une belle revanche. Qui hélas ne connaîtra pas de lendemains sur le sol américain puisque de façon assez incompréhensible le film ne fait pas partie du pool final des œuvres susceptibles d’être nommées à l’oscar du film étranger.
Espérons que les prochains César sauront célébrer l’ivresse ironique un peu folle de ce film – pour nous le plus beau de l’année écoulée.
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