Le président vénézuélien Hugo Chavez est mort à l’âge de 58 ans. Retour sur une présidence controversée, au style plus que particulier.
Hugo Chavez est mort le 5 mars à l’âge de 58 ans. Tour d’horizon du chavisme en cinq points.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
1. La carte populiste
Après 1999, Chavez a longtemps animé le talk-show Alo Presidente (« Allo, président ») tous les dimanche sur les ondes nationales. Il y chantait des chansons, y faisait des annonces, moquait ses ennemis, racontait des histoires. Mais, surtout, il y bavassait, se laissant aller à des monologues interminables entre deux couplets à la guitare. Car le président aimait parler : en témoignaient ses nombreux discours dans lesquels il déployait tous ses talents d’orateurs. Objectif : se rapprocher du peuple. Et tous les moyens étaient bons pour y arriver. Chavez s’exprimait donc souvent dans un langage familier, comme il l’avait également fait lors d’un discours de 2008 où il avait demandé à l’ambassadeur américain de quitter le pays, à coups de « allez au diable yankees de merde« , sous les applaudissements d’un public visiblement conquis. Ça avait le mérite d’être clair.
Pour montrer qu’il était à l’écoute des Vénézuéliens, Chavez attirait régulièrement l’attention sur les « papelitos », de petits papiers qui lui étaient adressés, sur lesquels les auteurs mentionnaient leurs noms et numéros de téléphone ainsi qu’une requête (un crédit, un logement etc.). A chaque apparition publique, des collecteurs étaient chargés de ramasser ces bouts de papier et de les remettre au chef de l’État, de préférence devant les caméras.
Qui dit populisme dit souvent culte de la personnalité. L’un des derniers exemple en date : la campagne d’affichage du collectif graphique Miranda Es Otro Beta (qui se déclarait indépendant) mettant en scène le président, sous les traits d’un basketteur, d’un boxeur, d’un motard, ou encore d’un rappeur. Le but : revitaliser son image à l’aide de codes « djeuns » et d’esthétique street art afin de gagner les votes des jeunes des quartiers populaires.
2. La carte médiatique
Chavez sortait le bulldozer côté communication. Il a ainsi nationalisé sept chaînes de télévision et trois radios, qu’il utilisait pour marteler son discours et s’assurer une victoire aux élections (ça marchait). Son rapport aux médias, qui reposait principalement sur la censure et la nationalisation, rappelait parfois celui des régimes totalitaires : en décembre 2010, Chavez avait interdit aux médias de diffuser des messages qui pourraient « susciter l’angoisse au sein de la population« . C’est au nom de cette loi que la désormais seule chaîne d’opposition Globovisión s’était prise une amende en 2012. Elle avait eu le malheur de couvrir les mutineries survenues dans des prisons de Caracas en 2011.
Autre interdiction ayant concerné les médias : celle qui pesait sur les caricatures du président, dont les auteurs étaient passibles de 30 mois de prison.
Ces dérives autoritaires ont été compilées et analysées par Human Rights Watch dans un rapport publié en juillet dernier. L’organisation de défense des droits de l’homme y déclare notamment :
« Si on trouve encore souvent des critiques virulentes du gouvernement dans la presse écrite, sur Globovisión et dans plusieurs autres médias, la crainte de représailles gouvernementales a fait de l’autocensure un véritable problème pour les journalistes et les organismes de radio ou de télévision vénézuéliens. »
3. La carte béret rouge
Comme Che Guevara et son célèbre béret noir avant lui, Hugo Chavez, ancien parachutiste, se coiffait souvent d’un béret rouge. Le béret est un couvre-chef militaire, populaire (à la différence du haut-de-forme par exemple), et révolutionnaire. Il regroupe donc les trois caractéristiques principales du « chavisme ». Sans parler de sa couleur rouge, qui renvoie bien entendu au socialisme dont se réclame le chef d’État.
Révolutionnaire, le béret est aussi une référence à Bolivar, idole de Chavez qui se voulait le chantre du « nationalisme bolivarien ». Pour ceux qui l’auraient oublié (ou qui ne l’auraient jamais su) : Simon Bolivar, fermement anti-impérialiste, a grandement participé à l’indépendance et à l’émancipation des colonies espagnoles, dont le Venezuela, où il est né.
4. La carte amour des dictateurs
Chavez n’avait pas froid aux yeux. En 2011, en plein massacre syrien, il n’hésitait pas à envoyer un message de soutien à Bachar el-Assad, et se positionnait contre toute intervention étrangère dans le conflit syrien comme il l’avait expliqué lors d’une conférence de presse début août.
http://www.youtube.com/watch?v=MPccvv7EzwA
L’année des révolutions arabes, il avait aussi apporté son soutien à un autre dictateur sanguinaire : Mouammar Kadhafi. Et ça ne s’arrêtait pas là : Hugo Chavez comptait également parmi ses amis politiques Vladimir Poutine et Mahmoud Ahmadinejad, deux chefs d’État qui ne sont pas réputés pour leur respect de la démocratie. Ces surprenantes accointances faisaient parties d’une politique anti-impérialiste, qui visait surtout les États-Unis, meilleurs ennemis du président vénézuélien. Les deux pays ont rompu le dialogue diplomatique (rappelant chacun leurs ambassadeurs) mais les États-Unis continuent d’acheter du pétrole au Venezuela. En 2009, le président du Venezuela dénonçait l’hégémonie des Etats-Unis et de leur président, appelé « le diable » (expression accompagnée d’un signe de croix) dans un discours au sommet des Nations unies à Copenhague, resté célèbre.
http://www.youtube.com/watch?v=gNh43AhZFf0
Ce rejet de la communauté internationale l’a conduit à retirer le Venezuela d’instances internationales comme la Communauté interaméricaine des droits de l’homme et la Cour interaméricaine des droits de l’homme en septembre dernier.
5. La carte « missions » + pétrodollars
Une de ses autres marottes était l’utilisation des pétrodollars pour financer ses très populaires programmes sociaux. L’entreprise publique PDVSA (Petroleos de Venezuela SA), qui gère la manne pétrolière du pays (cinquième exportateur au monde de pétrole brut), finance directement les plans sociaux étatiques, aussi appelés « missions ». Depuis 2011, le président s’attaquait au manque de logements, un programme social relayé par la télévision d’Etat qui lui consacre une émission, « les Jeudi du logement », comme le rapporte Le Monde. Les retombées de ces plans sociaux sont impressionnantes. Le taux d’analphabétisme a, par exemple, chuté de 9,1% en 1999 à 4,9% en 2011, et 83% des jeunes accèdent à l’enseignement supérieur, selon des chiffres avancés par Reuters. D’autres critiquent le caractère trop urgent de ces plans, qui ne pallient aucun problème d’ordre structurel.
{"type":"Banniere-Basse"}