Il y a tout juste 50 ans, le 21 juillet 1969, Neil Armstrong posait un premier pied sur la lune. Le programme Apollo, soutenu par la NASA, a été un sacré défi technologique, humain et financier. Récit.
« That’s one small step for a man, one giant leap for mankind… » On le sait aujourd’hui, ces quelques mots, prononcés par Neil Armstrong tandis qu’il foulait pour la première fois le sol lunaire, n’avaient pas grand-chose de spontané. Ils avaient même été mûrement réfléchis, pas autant cependant que le programme qui permit à leur auteur d’atteindre – chose presque inconcevable aujourd’hui, vu les moyens technologiques de l’époque – un corps céleste autre que la Terre. Marcher sur la Lune, l’homme en rêvait depuis toujours. De Cyrano de Bergerac (le vrai, l’auteur de L’Histoire comique des Etats et Empires de la Lune) jusqu’à Jules Verne, Georges Méliès ou Hergé, la littérature et le cinéma s’étaient depuis longtemps emparés de cette chimère, mais pour les esprits un peu sérieux, l’affaire paraissait hautement improbable. Et puis, il y eut la Guerre froide…
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Au lendemain du second conflit mondial s’engage, entre l’Union soviétique et les Etats-Unis, une course à l’armement débouchant notamment sur le développement de missiles à tête nucléaire susceptibles d’atteindre le territoire de l’adversaire. En la matière, les Russes prennent un temps d’avance, avec des fusées capables d’emporter des charges de cinq tonnes, là où les Américains n’en sont qu’à la phase de mise au point. A partir de 1955, la rivalité entre les deux superpuissances s’étend à la conquête spatiale, et là encore, l’Union soviétique fait la course en tête. Le 4 octobre 1957, elle parvient à placer le satellite Spoutnik 1 en orbite. De leur côté, les Américains piétinent, à tel point qu’en juillet 1958 le président Dwight D. Eisenhower ordonne la création d’une agence civile destinée à contrer les Russes. La NASA (National Aeronautics and Space Administration) est née.
La Lune, et au-delà
Mais il faut attendre 1961 pour que la course à l’espace prenne un tour décisif. Le 12 avril, avec le lancement du premier homme (Youri Gagarine) dans le cosmos, les Russes triomphent une nouvelle fois. Ulcéré, John Fitzgerald Kennedy fixe un objectif de taille aux Etats-Unis : “Nous avons choisi d’aller sur la Lune”, déclare-t-il dans un discours resté célèbre. L’ambition est d’atteindre le satellite avant la fin de la décennie, et pour cela, d’énormes moyens sont débloqués – les fonds alloués à la NASA vont passer de 400 millions à 5,9 milliards de dollars entre 1960 et 1966. Le projet, baptisé Apollo, repose sur le principe du rendez-vous en orbite lunaire. Concrètement, une seule fusée est requise, mais le vaisseau spatial comporte deux sous-ensembles qui se séparent une fois l’orbite lunaire atteinte. Le module dit lunaire (LEM) se pose sur la Lune, puis ramène les astronautes jusqu’au module dit de commande, resté en orbite et chargé du retour vers la Terre. Techniquement, le défi est immense.
A Huntsville, dans l’Alabama, un groupe d’ingénieurs pour la plupart allemands (parmi lesquels d’anciens nazis, tel Wernher von Braun, responsable du programme) a pour mission le développement d’un gigantesque lanceur, la fusée Saturn V, dont les onze moteurs doivent expédier 45 tonnes de matériel dans l’espace. Parallèlement, on procède au recrutement et à l’entraînement des futurs astronautes, lesquels joueront les VRP de luxe auprès des entreprises sous-traitantes comme des membres du Congrès.
D’abord mis en quarantaine, les astronautes sont accueillis tels des héros et fêtés comme il se doit à travers le monde.
Des téléspectateurs fascinés
D’octobre 1968 à mai 1969, la NASA lance quatre missions préparatoires, tout en surveillant de près le programme soviétique, à ce stade lui aussi très avancé. Cette fois, les Américains ont pris le dessus. Le 16 juillet 1969, à 13 h 32 (heure universelle), débute la mission Apollo 11. Sous les yeux d’une foule estimée à 1 million de personnes, la fusée Saturn V, qui décolle de cap Canaveral, en Floride, emporte avec elle trois astronautes, direction la Lune, à plus de 380 000 kilomètres de la Terre.
Au centre de contrôle de Houston, Texas, des dizaines de techniciens se relaient vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour assurer la bonne marche de ce voyage de tous les dangers. Après quatre jours de vol, le vaisseau Apollo se place en orbite lunaire. A son bord, l’équipage se compose de Neil Armstrong, commandant de la mission, Edwin “Buzz” Aldrin, pilote du module lunaire, et Michael Collins, pilote du module de commande. Les deux premiers embarquent à bord du LEM, baptisé Eagle, qui entame sa descente vers la Lune. Le 20 juillet, dix-neuf minutes après l’allumage de son moteur et non sans quelques frayeurs, le frêle esquif, guidé par un ordinateur aux performances préhistoriques, se pose sur la mer de la Tranquillité.
Les premiers mots d’Armstrong sont : “Houston, ici la base de la Tranquillité. L’Aigle a aluni…” L’événement est retransmis en direct et en mondovision, et le 21, à 2 h 56, plus d’1 milliard de téléspectateurs regardent la silhouette fantomatique d’Armstrong mettre enfin le pied sur le sol lunaire. Vingt minutes après, il est rejoint par Aldrin. Vêtus de leurs combinaisons spatiales, les deux hommes plantent le drapeau des Etats-Unis, installent des instruments scientifiques, avant de se livrer à des prélèvements de roche. Au total, ils évolueront 2 heures et 31 minutes en extérieur. A 17 h 54, le module s’arrache de la surface lunaire, puis s’arrime au module de commande. Le 26 juillet, le vaisseau amerrit sans encombre dans l’océan Pacifique. La mission Apollo 11 est un triomphe.
Atterrissage difficile
Pour les astronautes, le plus dur commence. D’abord mis en quarantaine, ils sont accueillis tels des héros et fêtés comme il se doit à travers le monde. Mais très vite, la dépression les gagne. Aldrin, notamment, sombre dans l’alcool, tandis qu’Armstrong s’enferme dans une forme d’autisme dont il ne sortira quasiment plus jusqu’à sa mort, en 2012. A l’inverse, Collins, le laissé-pour-compte, celui dont personne ne se souvient jamais du nom, mènera une fructueuse carrière dans la politique et les affaires. Aucun d’entre eux n’émettra jamais le souhait de repartir dans l’espace.
Jusqu’en décembre 1972, la NASA conduira six missions lunaires supplémentaires, avant de mettre un terme définitif au programme Apollo. Un programme dont l’audace et la démesure ont conduit certains à douter de son authenticité – dès 1970 fleurit la théorie du “canular lunaire”, un complot auquel aurait collaboré Stanley Kubrick en personne. L’homme a pourtant bel et bien marché sur la Lune, comme l’attestent les dizaines de kilos d’échantillons de sol ramenés sur Terre. Mais depuis lors, faute d’ambitions et/ou de moyens financiers à la hauteur, aucune mission de cet ordre n’a été reconduite. Pourtant, à l’heure où la planète Mars semble encore hors d’atteinte, la volonté de retourner sur la Lune subsiste.
En janvier 2019, avec la sonde Chang’e 4, les Chinois ont réussi le premier alunissage sur la face cachée du satellite. L’Inde, Israël, la Russie ou le Japon devraient bientôt suivre. Quant à Donald Trump, il a signé une ordonnance intimant à la NASA d’établir une base lunaire d’ici à 2025, en vue d’en faire un tremplin vers Mars. Aujourd’hui comme hier, la Lune fait toujours rêver.
Cet article a été publié dans notre hors-série « 1969 », disponible dans notre boutique.
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