Quelques centaines de personnes se sont réunies mercredi soir sur la place de la Bastille, afin de rendre un dernier hommage à Stéphane Hessel, mort la nuit précédente à l’âge de 95 ans. L’hommage se voulait universel, il a été légèrement récupéré. Mais avec des bougies.
« Ceux qui ont apporté des bougies, venez les déposer sur les marches, et après descendez, c’est pas prévu. » Au micro, un organisateur tente d’organiser la cérémonie d’hommage à l’ancien résistant. Devant les marches de l’opéra Bastille, de deux à trois cents personnes se pressent entre chien et loup devant la chapelle ardente improvisée sous l’affiche de l’Anneau du Nibelung, au programme cette année.
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Première constatation, plus de « têtes blanches » (couvertes, il fait froid) que de jeunesse parmi les gens qui se recueillent. Ce que ne manque pas de souligner l’un des participants, lors du tour de micro ouvert : jeune, lui-même, il s’indigne de cette absence. À l’annonce mercredi matin de la mort de Stéphane Hessel, un « event » Facebook a été créé, et pas moins de 1451 personnes s’y étaient inscrites. Certaines d’entre-elles se seront perdues en route.
« Pourquoi ils sont là, tous ces gens? » s’interroge un quinquagénaire moustachu tentant de se frayer un passage dans la foule en direction de l’opéra. « C’est pour Stéphane Hessel, le combat pour la liberté, Indignez-vous !, il est mort », lui explique sa femme, avant de lancer, péremptoire du haut des marches, « bon Charles, tu viens ! » et de s’engouffrer dans l’édifice.
S’ils ont comme point commun d’être réunis pour honorer « celui qui aura su rester jeune jusque dans la vieillesse« , tous ne gardent pas la même image de l’ancien ambassadeur. André, par exemple, 62 ans sous sa casquette de tweed, est là « pour le résistant« . Il se souvient de l’intervention d’Hessel au plateau des Glières, de l’appel Indignez-vous! prononcé pour la première fois, avant qu’il devienne ce symbole d’une époque et ce succès de librairies. « Ce n’est pas un grand texte politique, admet-il, mais je veux rendre hommage à toute une vie dédiée à l’esprit de résistance« .
Totem que chacun s’approprie
Au micro, les orateurs se succèdent, et au départ, les hommages sont assez « oecuméniques« . Pour honorer un homme incarnant « la bonté, et puis l’amour de son prochain« , confesse Marie-France, qui n’est « pas croyante pour un sous« , mais pour qui Stéphane Hessel provoque une forme de religiosité. Mais assez vite, les discours se radicalisent. On rappelle les différents combats de l’inspirateur des Indignados ou d’Occupy.
Chacun y allant de son anecdote sur le héros nonagénaire, on profite de la tribune pour dénoncer la politique de François Hollande (Manuel Valls, en particulier, en prend pour son grade). Les Palestiniens qu’il a soutenu sont convoqués, un Algérien, un Iranien et un Tunisien prennent la parole : « Hessel ? Il va faire des petits cet homme-là! » lance le dernier.
Alors qu’un orateur particulièrement enflammé appelle à prolonger l’indignation d’Hessel en insurrection, Alice hausse les épaules. Elle qui a « bien connu Stéphane » pour s’être retrouvée avec lui lors de rencontres se rappelle d’un homme qui maniait la langue française comme personne.
Finalement, chacun trouve en Stéphane Hessel ce qu’il cherche. Sorte de totem, celui qui s’est éteint dans son sommeil à l’âge de 95 ans est en photo sur de nombreuses affiches. Alors que les flammes des bougies illuminent son visage sur les marches de l’opéra Bastille, des jeunes passent en demandant pourquoi un tel rassemblement. Et un homme pastiche pour lui Le pont Mirabeau d’Apollinaire : « Vienne la nuit, Stéphane. Les jours s’en vont, et tu demeure« . Oh oh.
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