Le PS déposera un texte autour du 15 juin sur la reprise des usines menacées de fermeture mais considérées comme des sites rentables. Un engagement de campagne du PS, dont s’étaient saisis les partenaires sociaux et que François Hollande a rappelé le 11 février pour calmer son aile gauche.
« Ca avait déjà été annoncé, mais quand ça vient de la bouche du Président, vous entendez toujours beaucoup mieux », lâche mi-figue mi-raisin un ministre proche du Président. Mais si ça avait été annoncé, pourquoi le Président s’est-il senti obligé d’en reparler ? Un lundi en fin de matinée… En marge d’un déplacement sur le site des Archives nationales… A Pierrefitte-sur-Seine, en banlieue parisienne, ce 11 février, François Hollande, interrogé par la presse, confirme « qu’un engagement a été pris sur les sites rentables. Il trouvera sa place dans le calendrier parlementaire ». Dans l’entourage du chef de l’Etat, on relativise : le président n’a fait que répondre à une question posée par la presse. En somme, ce n’est pas lui qui a mis le sujet sur la table. Mais d’ajouter stratégiquement : « envoyer un message est important ».
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Car en cette mi-février, ça s’est crispé sec sur l’aile gauche. En l’espace d’un week-end, Pierre Laurent, réélu largement à la tête du PC, a exhorté le président à mettre un coup d’arrêt aux « dérives socio-libérales du gouvernement ». Le futur patron de la CGT, Thierry Lepaon l’a accusé de s’inscrire « dans la suite de Sarkozy ». Quant à la gauche du PS, elle l’a encouragé à engager le « tournant de la relance ». Sacré cocktail de doléances qui n’a pu échapper à François Hollande ! A fortiori quand les salariés de Goodyear, les ouvriers de PSA ou ceux de la raffinerie de Petroplus en Seine-Maritime manifestent vivement leur colère. Même Manuel Valls a parlé de risques « d’implosion sociale ». Pour calmer les esprits, François Hollande a donc lâché du lest sur sa gauche et rappelé une promesse de campagne. « Hollande n’a pas sorti ça de sa manche », tempête pourtant un de ses conseillers. « Ca vient de loin ».
En février 2012, sur une camionnette face aux ouvriers de Florange, François Hollande, casquette candidat, promet déjà une loi sur la reprise des sites rentables. Il est ensuite le premier candidat à la présidentielle à signer un texte de loi visant à freiner les fermetures d’usines, déposé le 27 février 2012 à l’Assemblée nationale par le groupe socialiste. Selon ce texte, « une entreprise qui envisage la fermeture d’un site industriel au sein de son groupe (…) doit avoir l’obligation de céder ce site si une des offres proposées reçoit la validation du tribunal de commerce et un avis positif des instances représentatives du personnel ». L’idée étant d’éviter que les multinationales préfèrent laisser péricliter un site et ses salariés plutôt que de le revendre à ses concurrents. Un cas est alors dans toutes les têtes : Florange. « Ce n’est pas un outil punitif, mais un outil de politique industrielle », prévient aussitôt Aurélie Filippetti, porte-parole du candidat Hollande pour parer aux critiques.
L’élection a lieu. Les partenaires sociaux discutent avec en main un document d’orientation remis par le ministre du Travail, Michel Sapin, le 7 septembre. Syndicats et patronat sont invités, entre autres, à réfléchir ou faire des propositions sur la question de la gestion des restructurations et la reprise des fermetures de site. Le temps défile, l’actualité rattrape le gouvernement et la nouvelle majorité doit face aux premiers dossiers brûlants : Florange notamment. Le 28 septembre 2012, en plein conflit face au propriétaire d’ArcelorMittal, Laksmi Mittal, le ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg, soutenu par les salariés, annonce un calendrier de moins de trois mois pour faire voter un projet de loi pour la reprise des sites rentables. Sauf que les partenaires sociaux sont toujours en pleine négociation et le gouvernement ne souhaite pas interférer dans leurs négociations. Celles-ci aboutissent le 11 janvier avec un accord national interprofessionnel sur la sécurisation de l’emploi. Cinq phrases sont consacrées à la reprise des sites rentables et posent l’obligation de recherche d’un repreneur pour le site. Mais ce texte n’envisage pas le problème d’une entreprise qui ne voudrait pas vendre son site à un repreneur jugé comme un concurrent. Quelques jours, plus tard, devant le groupe socialiste à l’Assemblée nationale, Jean-Marc Ayrault encourage donc les députés à se saisir de la question. Un groupe de travail est aussitôt lancé avec à sa tête François Brottes et Guillaume Bachelay, pressenti pour être le rapporteur du texte.
Alors pourquoi François Hollande s’est-il senti obligé de ressortir la proposition de son chapeau ?
« Parce qu’il y avait une actualité économique et sociale », concède un conseiller du Président, « il y a une inquiétude des gens qui manifestent. Et qu’ils se font entendre par différents canaux. L’idée n’est pas de ménager l’aile gauche mais de donner un signal, de montrer qu’on reste volontariste d’une manière efficace. »
Une petite carotte pour ménager les esprits ? « Bien sûr », concède un proche du président qui tient à souligner, comme gage de bonne foi envers l’aile gauche, que le Président et son équipe « n’ont pas le même regard que les économistes libéraux sur la façon dont on fait l’économie de marché ». Du côté de l’aile gauche, on se satisfait que François Hollande « himself » se soit saisi de la question. « Il y avait une semaine sociale agitée. Et incontestablement c’est un signal face à l’aile gauche mais plus largement à l’ensemble des parlementaires qui réclament une protection des salariés », explique Jérôme Guedj, député de l’Essonne et représentant de Maintenant la Gauche. « Alors tant mieux si on est entendu. Pour le reste, je n’entre pas dans des enjeux tactiques… » Aussitôt le patronat a mis en garde l’Elysée contre un coup de barre trop à gauche et un projet de loi trop contraignant « sinon vous découragerez la bourse de Singapour ».
Dès lors comment procéder ? L’ajout d’un volet sur la reprise des sites rentables dans la loi transposant l’accord du 11 janvier sur la sécurisation de l’emploi a été un moment envisagé. Mais cette voie a été abandonnée pour ne pas détricoter l’accord, sur lequel tout le monde s’était accordé, sous peine de provoquer la colère des syndicats et du patronat. Pour satisfaire l’aile gauche de la majorité qui avait trouvé cet accord « trop libéral », décision a donc été prise de laisser les parlementaires intervenir via la future loi sur la reprise des sites rentables. Un compromis très hollandais pour satisfaire tout le monde. Guillaume Balas, secrétaire général du courant de Benoît Hamon, Un Monde d’avance, lâche ce constat : « comme l’exécutif ne sait pas comment sortir de la situation de dire aux parlementaires de ne déposer aucun amendement sur la loi découlant de la transposition de l’accord du 11 janvier, il ajoute des choses dont cette excellente mesure. Après peu importe pour raison tactique elle est poussée, il faut y travailler pour empêcher la disparition de sites industriels et la déstabilisation de régions entières par la seule décision d’un actionnaire qui s’en va. La loi permettra d’établir un rapport de force». En somme tout le monde est content… « L’accord du 11 janvier », reconnaît-t-on dans l’entourage du Président, « on le retranscrit tel quel. Mais on laisse une marge de manœuvre aux parlementaires sur la proposition de loi pour la reprise des sites rentables. On ne mélange pas tout. » Ce projet de loi devrait être présenté autour du 15 juin, selon le ministre des relations avec le Parlement Alain Vidalies. Un texte dont le périmètre n’est pas encore déterminé. Il pourrait aborder la question des OPA hostiles d’une entreprise sur un site rentable contre l’avis de ce dernier et de ses salariés. C’est l’histoire de Mittal sur Arcelor.
« Alors que dans tous les pays européens notamment, soit une OPA hostile est interdite soit il y a des dispositifs pour y faire face, nous n’avons pas de barrière en France pour nous y opposer », commente l’entourage du Président.
Deuxième point que devrait aborder la loi, la cession d’un site rentable par une entreprise, pour des raisons d’équilibre global de ses finances. C’est le cas de Florange. Enfin, la question d’un site qui ne trouve pas de repreneur comme par exemple la raffinerie de Petroplus. « Un repreneur qui voudrait racheter Petroplus devrait investir dès le départ 200 millions d’euros pour la désindustrialisation du site en Seine-Maritime », explique un conseiller du Président. « Peut-être qu’il faudrait prévoir dans la loi, une clause qui prévoit qu’une entreprise se séparant un site le dépollue avant de partir ». Reste que juridiquement l’application d’un tel texte est compliquée. Difficile de dire à un actionnaire de se séparer d’un site et de le vendre à une autre entreprise, quand on sait que le droit de propriété figure dans la constitution. « Il faut réfléchir, explique Jérôme Guedj, à introduire une forme de régulation par des sanctions financières plutôt que des obligations juridiques. L’important, c’est d’être efficace. »
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