Ordinateurs portables, iPhones, GPS et autres outils de communication ont transformé le mode de vie des nouvelles générations de vagabonds. Aux Etats-Unis, ils s’organisent sur internet, et réinventent la contre-société hobo.
« I’ve never yearned for anybody’s fortune / The less I have the more I am a happy man » (« Je n’ai jamais convoité la fortune de quiconque / Moins je possède, plus je suis heureux »). Avec ces paroles extraites de « Like a Hobo, Charlie Winston, bien après Pete Seeger, Woody Guthrie et Dylan, a popularisé en 2009 le terme de « hobo », qui signifie « vagabond » ou « clochard ». Sa description était conforme à l’imaginaire collectif et à la réalité de ces sans-abri, qui voyagent au gré des trains de marchandise auxquels ils s’accrochent en passagers clandestins, un sac à dos pour seul viatique, et qui vivent de travaux saisonniers.
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Mais le hobo de ce début de XXIe siècle n’a plus la même vie que celui du début du XXe. En témoigne le groupe /r/vagabond sur Reddit, qui compte 10 000 membres, la plupart se décrivant comme SDF, et sur lequel ils partagent aventures et combines, ou encore ces comptes Instagram de hobos connectés, qui mettent en ligne les épisodes de leur périple à travers les Etats-Unis. Les technologies de l’information et de la communication (TICs) semblent avoir pénétré l’univers pourtant hermétique et extrêmement démuni des vagabonds. Que s’est-il passé ?
Vivre connecté n’est plus un luxe
Newsweek s’est penché sur ce phénomène, et il ressort de son enquête que la génération Y bouleverse la culture hobo. Aux Etats-Unis, la crise de 2008 a jeté de nombreux jeunes à la rue. Pour la plupart âgés de moins de 35 ans, ils ont plié bagage en emportant avec eux leurs téléphones portables, leurs ordinateurs, et autres outils connectés. Les quelques études qui existent à ce sujet montrent ainsi que le taux de pénétration des TICs est élevé chez les sans-abri. Une étude de l’université de Sydney a montré que 95 % des sans-abri australiens possédaient un téléphone portable, et une autre, de l’Ecole de santé publique de Boston, montre que 89 % des vagabonds du Massachusetts ont au moins un appareil mobile.
« Le jour où j’ai pris la route, j’avais un téléphone à clapet, un iPod, un GPS TomTom, un atlas, un ordinateur portable, et il n’était pas très facile de trouver un free wi-fi », témoigne Nuke (un pseudonyme), 33 ans, SDF depuis quatre ans, interrogé par Newsweek. C’est lui qui a fondé le groupe r/vagabond sur Reddit . Désormais son équipement a légèrement changé : « J’ai un smartphone, un ordinateur portable, et le free wi-fi est partout ». Les rangs des personnes sans abri mais avec une connexion internet s’élargissent. Pouvoir se situer sur Google Maps n’est plus un luxe que seules les personnes avec un toit peuvent se payer.
Des ressources indispensables
Les multiples fonctionnalités des Smartphones sont éminemment utiles aux vagabonds : pour s’orienter, anticiper la météo, faire de l’auto-stop, ou encore trouver un petit boulot. Ils sont ainsi nombreux à avoir recours au site de petites annonces Craigslist :
« Pendant ces 100 dernières années, les gens qui ont adopté ce style de vie aux Etats-Unis trouvaient des petits boulots en suivant le calendrier des saisons, en demandant sur les marchés si des fermiers avaient besoin d’aide dans les champs ou dans les entrepôts, en cherchant dans les petites annonces dans les journaux, en faisant du porte-à-porte, explique Huck. Maintenant je connais des milliers de hobos, et il n’y en a pas un qui n’utilise pas Craigslist. Cela a complètement changé notre manière de trouver du travail ».
Quain, un autre aventurier du rail interrogé par Newsweek, ajoute que HitchWiki (un guide conçu par et pour les auto-stoppeurs), Google Maps et Couchsurfing.org sont également devenus « indispensables pour les vagabonds ».
Le hobo est mort, vive le hobo 2.0
Toutes les pratiques du traditionnel hobo, né avec la Grande Dépression aux Etats-Unis, sont renouvelées avec les TICs. Ainsi, alors que la mort du hobo américain était annoncée – Vice y avait consacré un documentaire en 2012 –, les nouveaux vagabonds, âgés de moins de 35 ans, sont en train de créer leur propre contre-société hobo, en phase avec les technologies de leur temps.
Reddit a remplacé le bouche-à-oreille, WiFiFreeSpot.com les informe des lieux où ils peuvent se connecter, On-Track-On-Line.com leur offre un aperçu de la fréquence de passage des trains de marchandise… Leur dépendance nouvelle à l’électricité change certainement la donne. Interrogé par Motherboard, le même Huck reconnaît : « Avant on se foutait complètement de l’électricité, car nous n’avions rien à brancher, alors que maintenant, on est immergés dans la vie avec l’électricité, parce qu’elle est devenue indispensable à notre mode de vie ». Les hobo 2.0 s’équipent donc en conséquence : les chargeurs USB à énergie solaire font florès.
La fierté hobo s’expose sur Instagram et Vine
Le fait le plus nouveau, pour ces vagabonds nouvelle génération, réside dans la possibilité de partager leur quotidien sur des réseaux sociaux a priori réservés à une élite intégrée. Leur vie sans toit ni murs devient ainsi une source de fierté. Interrogé par Motherboard, Steele, 26 ans, raconte qu’il était naturel pour elle de partager des images de ses perégrinations : « J’ai grandi avec internet, et le fait de partager a toujours fait partie de ma vie du fait de mon âge. Ça me paraît juste normal de partager des photos de ce que je suis en train de faire ».
C’est ainsi que s’exposent sur Instagram ou sur Vine des vies de hobos en parfaite harmonie avec leur époque. Au moins, eux n’auront pas besoin de stages de digital detox : leur utilisation des TICs reste parcimonieuse du fait de la rareté des moment où ils peuvent recharger leurs batteries.
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