La gauche a débouché le champagne ce dimanche. Pour la première fois de l’histoire de la Ve République, la Chambre Haute bascule à gauche. C’était le dernier test électoral grandeur nature avant la présidentielle de 2012…
Si Nicolas Sarkozy venait à faire un nouveau malaise vagal et qu’il devait se retirer du pouvoir pour quelques temps, l’intérim reviendrait, comme la Constitution le prévoit, au troisième personnage de l’Etat: le président du Sénat. Depuis ce 25 septembre et le renouvellement de la moitié des 343 sièges du Sénat, ce pourrait bien être – ô mon Dieu – un socialo!
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Jean-Pierre Bel (élu de l’Ariège), ce nom ne vous dit peut-être rien, mais il s’agit du président du groupe socialiste au Sénat qui, le samedi 1er octobre, pourrait être élu président du Sénat à la place de Gérard Larcher (Yvelines).
« Pour la première fois, le Sénat va connaître l’alternance », a d’ailleurs confié avec certitude, dès 19h15 dimanche, Jean-Pierre Bel, taclant au passage la droite et « le camouflet » qui lui a été infligé. « Ce jour marquera l’histoire. »
Car, pour la première fois, la gauche va disposer d’une majorité absolue de 175 sièges à la Chambre haute.
Pour autant, bizarrerie du Sénat, rien ne dit que l’élection du prochain président répondra à la logique politique. En somme, il se peut très bien que malgré une majorité à gauche, la présidence du Sénat soit gardée par Gérard Larcher, étiqueté UMP, qui aime à rappeler qu’il peut compter sur une majorité allant du Modem à la droite libérale en passant par des personnalités indépendantes. Suffisant ?
Cette semaine devrait donner lieu à d’importantes tractations pour faire le plein de voix dans chaque camp. Nicolas Sarkozy devra-t-il en arriver à un remaniement pour « démissionner » Gérard Longuet, Maurice Leroy et Chantal Jouanno? Trois entrants au Sénat, et trois voix qui pourraient être indispensables à leur « collègue Gérard » samedi. Si on en est là, se disent les socialistes, c’est que c’est vraiment serré. Dimanche, Gérard Larcher n’avait d’ailleurs pas la mine des grands jours…
La défaite de la droite
La très forte poussée de la gauche est particulièrement préjudiciable à l’UMP au sein de la droite. La majorité présidentielle paie là ses divisions. Plusieurs listes dissidentes ont vu le jour, comme à Paris, où l’élection de Pierre Charon a coûté des sièges à la liste officielle de la ministre des Sports Chantal Jouanno. L’UMP paie aussi le climat actuel des affaires qui a été sanctionné par les grands électeurs.
Enfin, plusieurs réformes ont pesé sur la campagne en motivant un vote sanction: la suppression de la taxe professionnelle et la réforme des collectivités territoriales adoptée le 16 décembre. La gauche a d’ores et déjà annoncé qu’elle reviendrait sur cette réforme si elle est élue en 2012.
La droite paye aussi les résultats des municipales de 2008 où la gauche avait été largement majoritaire, ce qui avait déjà coloré en rose les 71 890 grandes électeurs qui se sont rendus aux urnes ce dimanche en Indre-et-Loire, Pyrénées-Orientales, Ile-de-France, Guadeloupe, Martinique, Réunion, Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon.
A droite, on se refuse d’admettre la défaite. Toute la journée de dimanche, les éléments de langage se recyclaient: « On est confiant », « on reste positifs ». « Attention à ne pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué », a lancé Jean-Pierre Raffarin sur France 2. Roger Karoutchi, élu UMP des Hauts-de-Seine, a botté en touche dans un large sourire: « On n’a pas gagné ».
La victoire de la gauche
Les socialistes avaient, eux, les yeux brillants: le Sénat à gauche, tout un symbole à sept mois de la présidentielle! Martine Aubry et François Hollande, candidats à la primaire, comme Harlem Désir, premier secrétaire du PS par intérim, avaient d’ailleurs fait le déplacement pour se rendre sur place dès la fin d’après-midi
« Pourquoi ne serais-je pas là?, a lancé guillerette Aubry. C’est toujours un plaisir d’être là où la gauche gagne. »
Tous sont conscients que ce Sénat à gauche sera une aide précieuse pour la campagne présidentielle. « Ce sera un sérieux atout », a confirmé François Hollande sur place. Tous sont conscients aussi que cela ne détermine en rien les résultats de la présidentielle. Mais ça permet juste d’affaiblir un peu l’adversaire avant d’entrer en campagne. Alors la gauche savoure…
Les entrants, les sortants, les perdants
Pas de surprise, ils l’avaient annoncé : Pierre Mauroy, Robert Badinter, Dominique Voynet, pour ne citer que les plus connus à gauche, n’ont pas brigué un nouveau mandat. Comme à droite, Charles Pasqua ou Jean-Pierre Fourcade. La fin d’une époque…
Des petits nouveaux entrent au Sénat. Pour ne citer que quelques noms, c’est la grande rentrée pour l’écolo Jean-Vincent Placé, le dissident Pierre Charon, les ministres Gérard Longuet et Chantal Jouanno. Deux députés socialistes deviennent sénateurs : André Vallini et Gaétan Gorce.
Enfin on a noté une grosse raclée pour Yves Jégo en Seine-et-Marne (ex-ministre de Sarkozy, aujourd’hui soutien de Jean-Louis Borloo) et Isabelle Balkany dans les Hauts-de-Seine. Après avoir perdu les cantonales, là voilà battue aux sénatoriales. Sale temps pour les amis de Sarkozy…
Marion Mourgue
Modifié le 26 septembre 2011 à 9h16, le président du Sénat étant le troisième personnage de l’Etat, après le Premier ministre, et non le 2e, même si la Constitution prévoit qu’il puisse assurer l’intérim du Président.
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