Hommage à Françoise Héritier, qui, en plus de laisser derrière elle une œuvre majeure, s’est illustrée par ses multiples engagements.
Sa voix, si ténue soit-elle, avait la couleur d’une sagesse spontanée et généreuse, le rythme d’une pédagogue insatiable. La voix de Françoise Héritier, partie dans la nuit du 14 au 15 novembre à 84 ans, fut une lumière, une boussole indispensable pour nous guider dans les faux-semblants des entrelacs de nos sociétés et des hiérarchies nées de la nuit des temps.
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Il suffit de lire et d’écouter les hommages émus à la grande anthropologue, dont la force intellectuelle n’avait d’égale que la modestie, pour mesurer à quel point la pensée de Françoise Héritier, et son action dans la cité, ont compté.
“Les deux volumes de Masculin/Feminin, c’est l’équivalent du Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir”, estimait ainsi l’historienne Michelle Perrot sur France Culture. Une pensée en mouvement, rigoureuse et libre, trop méconnue du grand public malgré son apport considérable à l’anthropologie et au féminisme.
Des découvertes majeures sur les structures de la parenté
Esprit libre et opiniâtre, elle fut une pionnière de l’anthropologie française dans le monde universitaire masculin des années 1950. Tombée en amour de sa discipline dans le sillage de Claude Lévi-Strauss, elle prit sa succession académique et intellectuelle, tout en la modernisant.
On lui doit des découvertes majeures sur les structures de la parenté, l’inceste du deuxième type ou la valence différentielle des sexes exposée dans son grand œuvre, ces deux tomes de Masculin/Féminin (1996, 2002, Odile Jacob).
“Les femmes sont dominées non parce qu’elles sont sexuellement des femmes, non parce qu’elles ont une anatomie différente, non parce qu’elles auraient naturellement des manières de penser et d’agir différentes de celles des hommes, non parce qu’elles seraient fragiles et incapables mais parce qu’elles ont ce privilège de la fécondité et de la reproduction des mâles”, écrit Françoise Héritier.
Prisons, malades du sida, parité, sans-papiers, PMA : ses engagements seront intimement liés à ses travaux sur la domination. Elle s’est réjouie avant sa mort de la libération collective de la parole des femmes, mais restait lucide sur le long chemin à parcourir avant l’égalité et s’inquiétait de la réaction naturaliste. Pour contrer les tenants du repli et continuer à avancer, il faut (re)lire Françoise Héritier.
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