A la rédaction des Inrocks comme partout en France, c’est le grand débat : les Bleus méritent-ils leur qualification pour la Coupe du Monde 2010 en Afrique du Sud. Pour Johanna Seban, la réponse est oui.
Ce matin, tout le monde se plaît à dire que l’Equipe de France a volé sa victoire aux Irlandais. Si l’on doit applaudir la performance de l’équipe adverse, pugnace et bien plus dangereuse que lors du match de samedi soir, et si l’on se sent en effet sincèrement désolés pour eux au terme de ce qui a failli ressembler à leur match historique (et dont le retournement final aurait dû justifier, de la part de Domenech, de véritables excuses…), on ne va quand même pas bouder notre joie, et encore moins alimenter un débat vieux comme le monde : oui le score est injuste, oui il y a eu main, oui l’arbitre ne l’a pas vue, mais c’est comme ça, ça s’appelle le football, ça arrive tout le temps (et, niveau statistique, la France a quand même eu le ballon pendant les quasi deux tiers du match). Alors certes aujourd’hui on n’est pas fiers (les joueurs non plus d’ailleurs), mais flûte, on est quand même contents (et le mois de juin s’annonce excitant, avec son lot d’apéros, de téléviseurs au bureau, de soirées en terrasse et de mauvaises blagues sur Johnny Clegg).
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Les Bleus ont fait une prestation navrante, la partie a été laborieuse (plus encore qu’avec la main, pourquoi avoir autant joué avec la tête ?), la tension lourde (on sourira du fait que les caméras aient attendu le but libérateur pour filmer à nouveau le Président de la République dans les tribunes….). Mais le football n’est pas le tennis : le plus fort ne gagne pas forcément (on se souvient d’ailleurs de l’équipe de Calais en finale de la Coupe de France contre Nantes – le même scénario en tennis est plus rare). Il ne s’agit pas de se partager un nombre de jeux et de sets prédéfinis, mais simplement de faire son maximum dans un temps limité- et cela implique hélas parfois des vilains coups fourrés- pour qu’à la fin des 90 minutes, l’avantage soit dans son camp. C’est bête et méchant, mais parfois, c’est aussi sacrément génial.
La série des injustices que permet le foot est d’ailleurs aussi longue que les tirs ultra-puissants de Gourcuff, pourtant peu en forme hier: retournements à la dernière minute (on citera France-Bulgarie mais les exemples pullulent), corners injustifiés à trente secondes du coup de sifflet final, expulsions plus que discutables, entraîneurs crapuleux (Trapattoni en connaît un rayon…), coups francs cruels dans les arrêts de jeux, tirs au buts, tirages de maillot en loucedé, insultes… Autant d’arguments pour alimenter le courroux des détracteurs du sport (« c’est vraiment un sport de gros bourrins, bravo la France, le type il triche et on a gagné, le match d’avant c’était l’inverse, et bah chapeau »), mais qui expliquent également une partie de l’amour que vouent les fans de foot à la discipline.
Car si l’on cherche la justice pure et parfaite, c’est du côté du plus serein patinage artistique qu’il faut se tourner : les notes y sont justifiées, le résultat est la somme de plusieurs évaluations, partagées, revues et corrigées- Titi en tutu, c’est d’ailleurs drôle à imaginer, et c’est drôle à écrire. Heureusement cette idée d’accumulation de performances n’est pas non plus totalement inexistante dans le foot: à ceux qui considèrent le scénario encore injuste, rappelons ainsi que si la France s’est qualifiée hier, malgré ce match navrant, ce n’est pas simplement grâce à la vilaine main, mais aussi parce que l’équipe avait réussi à marquer à l’extérieur lors de son premier match de barrage, barrage dont elle avait obtenu l’accès en enchaînant une poignée de matchs prometteurs ces dernières semaines, et notamment en parvenant à égaliser à dix contre onze après l’expulsion, elle aussi discutable, de Lloris dans la rencontre avec la Roumanie (cette décision d’arbitrage là, qui explique aussi pas mal la loose qui a suivi pour les Français, n’avait pas suscité autant de réactions…).
Pour finir, puisqu’on est qualifiés pour la coupe du monde de foot, on ne va pas (trop) postuler pour celle de la mauvaise foi : la main d’Henry est incontestable et de toute évidence volontaire. C’est moche, et c’est du pain béni pour ses détracteurs. Mais le plus important, et puisqu’on parle de pain, c’est qu’il y en a sur la planche, une véritable usine Baguépi, si on ne veut pas se contenter d’un petit weekend à Pretoria (à part Lloris, à qui l’on doit la véritable qualification d’hier soir, tout le monde a été plus ou moins consternant). Une petite rectification, quand même, pour la route : le but que la main d’Henry a permis a peut-être engendré la défaite des Irlandais, elle ne leur a pas pour autant volé la victoire comme c’est écrit partout- rappelons que sans celui-ci, à un-zéro pour chaque équipe, les joueurs de Trapattoni n’avaient pas encore leur place en Afrique du Sud. Si, en validant le but de Gallas à tort, l’arbitre a empêché une victoire, c’est peut-être aussi bien celle que les Français, désolants pendant tout le match mais favoris sur le plan des attaquants, auraient pu obtenir légitimement aux tirs aux buts.
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