Tueur en série, père à la recherche de son fils, agent du FBI toxico… : un jeu à la narration foisonnante.
David Cage n’a pas menti : Heavy Rain est un jeu très spécial. De sa première scène qui nous plonge dans le quotidien d’une famille américaine ordinaire à son épilogue heureux, désastreux ou quelque part entre les deux selon la pertinence de nos choix et la vivacité de nos réflexes, l’aventure tient en haleine l’amateur de polars le plus blasé.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
La performance est d’autant plus notable que le jeu ne s’en tient pas aux temps forts attendus (poursuites, bagarres…), gagnant même en relief (car en humanité) grâce aux scènes a priori les plus plates. Tout en suivant la trace d’un tueur en série, le joueur aura ainsi l’occasion de prendre des douches, de changer une couche ou de rater ses oeufs brouillés.
Quatre personnages nous sont confiés alternativement. Un divorcé à la dérive cherche à retrouver son fils disparu alors qu’une jeune journaliste, un détective privé et un agent du FBI toxico sont en quête d’indices. Les quatre lignes narratives se complètent à merveille et, lorsque deux d’entre eux se rencontrent, la scène provoque un trouble précieux – “je” est un autre et nous voilà hésitant au moment de le malmener ou de l’embrasser.
Si l’intrigue est d’une originalité discutable, la manière de jouer se révèle très inhabituelle. Une gâchette de la manette fait avancer notre personnage. Un stick sert à orienter son pas ou son regard, le second étant utilisé pour “mimer” les gestes souhaités (ouvrir un placard…). Les autres actions s’effectuent en appuyant sur les touches qui s’affichent à l’écran ou en secouant sa manette. Le résultat est inégal : certaines injonctions paraissent arbitraires et nos options manquent parfois de précision, ce qui relativise la liberté de choix.
Même si cette restriction fait sens – la perte de contrôle est l’un des thèmes du jeu –, voilà le revers de la médaille : c’est justement parce qu’Heavy Rain donne le sentiment d’évoluer dans un monde particulièrement riche que l’on regrette de se heurter à ses limites. Cette frustration même prouve que l’approche de David Cage a de l’avenir : on rêverait qu’il aille encore plus loin.
Heavy Rain est pensé pour favoriser l’implication émotionnelle du joueur. C’est une réussite dans l’action (ou l’inaction) mais un peu moins au terme de l’aventure. Le sentiment d’avoir vécu une expérience unique s’efface alors derrière la certitude que ce n’en était qu’une parmi beaucoup d’autres. Le jeu en offrant la possibilité, la tentation est grande de repartir en arrière pour découvrir les autres embranchements du récit.
C’est le passager clandestin d’Heavy Rain : une méditation discrète sur les conséquences d’un choix ou d’une microdéfaillance qui l’entraînent d’un territoire traditionnellement polar (disons Seven ou Le Silence des agneaux) vers les zones plus expérimentales du diptyque Smoking-No Smoking de Resnais ou du Hasard de Kieslowski. Il aurait été difficile de trouver meilleur endroit pour les fiançailles prometteuses du jeu vidéo et du cinéma.
Retrouvez la carte Pearltrees sur Heavy Rain:
[attachment id=298]ptInitTree(‘pt-pearl-1_639253-362’,1,5623,1,639253,1);
{"type":"Banniere-Basse"}