Après le célèbre « Pour votre santé, mangez au moins cinq fruits et légumes par jour », place au « Attention, ce mannequin n’est pas réel ». Une proposition de loi suggère d’apposer une mention obligatoire sous chaque photo retouchée.
Tricher sur son apparence, facile ! Un maquillage adapté, un passage chez le coiffeur, des dessous gainant et le tour est joué. Mais il y a mieux. Quelques connaissances en informatique suffisent à faire de la voisine de pallier, qui n’a plus fréquenté les salles de gym depuis le siècle dernier, une bombe atomique au bronzage parfait. Pour les sceptiques, la preuve en image.
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Ce sont ces clics de souris que Valérie Boyer veut démasquer. La députée UMP des Bouches-du-Rhône a déposé une proposition de loi « relative aux photographies d’images corporelles retouchées » le 15 septembre. « Il y a une indécence à nous faire croire plus belles à 70 ans qu’à 20 ans. Je veux rétablir une barrière entre virtuel et réel. » Son principal argument : la santé publique. « Ces images peuvent conduire des personnes à croire à des réalités qui, très souvent, n’existent pas. » Elle pense aux ados, qui « en 6ème ont toutes intégré que pour être bien dans la vie, il faut être mince. » Sans faire de raccourci abusif entre l’anorexie et les clichés de mode, elle veut alerter, en rendant obligatoire la mention « photo retouchée ». Et elle ratisse large, des photos de presse à la publicité. « J’ai aussi mentionné les photos d’art pour contrer l’argument des publicitaires, qui considèrent leur travail comme tel. »
Si la morale pousse à approuver le côté informatif de la loi, ils sont plusieurs à la trouver hypocrite. «C’est prendre les consommateurs pour des idiots», assène Michèle Fitoussi, journaliste à Elle, sur RTL. Tant qu’on y est, mettons aussi : «elles ont les seins refaits, se sont faits enlever une côte ou encore attention, je ne suis pas vraie !» Habitué des défilés, le photographe Jean-Philippe Robin en raille la naïveté. « Les photos aujourd’hui, c’est pratiquement de la chirurgie. C’est un peu tard de se réveiller maintenant, on essaie de se donner bonne conscience. »
Moins de rides, plus de bien-être
Pour des lèvres pulpeuses et des courbes parfaites, rien ne vaut en effet Photoshop. « Avec le numérique, tout le monde peut mettre son grain de sel. La photo en elle même n’existe plus. » Pierre Terrasson, photographe de mode, explique que la retouche est indispensable, ne serait ce que pour des questions de contraste ou de cadrage. Mais les modifications corporelles, c’est un autre sujet. S’il assure ne pas s’en faire « une obligation », il s’adonne tout de même à un minimum syndical. « Quelques rides en moins, pour que les gens se sentent bien. »
En première ligne : les mannequins au corps sublimé à coup de souris d’ordinateur. Paire de jambes à n’en plus finir, taille de guêpe et cellulite inexistante, dans les pages mode ou beauté, un seul objectif : faire rêver. Mais pour Marc Lamour, booker à l’agence Elite, ce ne sont pas les modèles, « à la beauté naturelle », qui sont magnifiés. « On ne retouche jamais nos photos, on n’a pas le droit, ce serait une tromperie sur la marchandise. » Même si les clients en font ensuite ce qu’ils veulent, tant qu’ils paient. Quant à la « marchandise » people, c’est une autre histoire. «Tout le monde trouve normal qu’on dise la vérité sur les bourrelets de Sarkozy gommés dans Paris Match, alors pourquoi pas sur les autres ? », questionne Valérie Boyer. Autant dire que les magazines se ferment comme des poudriers quand on soulève la question.
Les retouches photo: la faute aux stars
Une fois n’est pas coutume, chez Voici, on plaide pour le naturel. « On fait un peu de retouche dans les pages mode, mais on exploite surtout des photos volées. On ne cherche pas à embellir les people, au contraire », assure Christophe Carron, responsable éditorial du site internet. Du côté de Gala, on sort les ongles. « C’est une idée totalement irréaliste et inapplicable. On se trompe de cible : les principaux responsables des retouches ce sont les stars elles même, qui veulent contrôler leur image. On est les premiers à se marrer quand on voit Sharon Stone en une de Paris Match sans la moindre ride. » La majorité des clichés étant achetés à des agences internationales, comment savoir avec certitude s’ils sont, ou non, retouchés ? « Toutes les images sont filtrées en amont, on n’a aucun contrôle dessus. »
Une cinquantaine de députés soutiennent d’ores et déjà Valérie Boyer dans sa traque à Photoshop. La proposition de loi devrait être examinée en 2010, encore un peu de répit donc, avant que « photographie retouchée afin de modifier l’apparence corporelle d’une personne » ne devienne aussi banal que « fumer tue » ou que « l’abus d’alcool est dangereux pour la santé ».
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