La campagne de pub de la Haute autorité donne étrangement envie de télécharger illégalement.
1. Le concept
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On nous l’a suffisamment rabâché : le téléchargement illégal, ce n’est pas bien. Ca tue l’industrie du disque, du cinéma bref la création artistique dans son ensemble et aussi les poneys y paraît.
Pour continuer à lutter contre ce fléau moderne, la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet se lance dans une campagne de pub de grande ampleur. Budget : 3 millions d’euros. Concept : si nous n’arrêtons pas tout de suite de télécharger illégalement des œuvres culturelles, dans 10 ans, nous aurons complètement zigouillé l’art et la culture nous privant ainsi d’un certain nombre de chef d’œuvres à venir. Slogan : « La création de demain se défend aujourd’hui. » Pourquoi pas. Se projeter dans l’avenir est une façon commode de remarteler implicitement qu’« Hadopi n’est pas la mère Fouettard d’Internet » (selon les mots de la présidente de la haute autorité elle-même) et de contourner l’éternel débat selon lequel la loi protégerait actuellement plus les majors que la création artistique en elle-même. C’est pourquoi la campagne met en scène des enfants promis à un grand avenir artistique et qui, sans Hadopi, finiraient probablement par faire un métier de merde comme la grande majorité de la population.
2. Le label pur
Pour éviter l’oracle apocalyptique selon lequel à cause du téléchargement illégal les enfants seraient promis à une vie aussi chiante que leurs parents et n’auraient même plus l’occasion d’oublier leurs soucis en écoutant David Guetta, Hadopi met donc en place un « label pur ». Sorte de mélange entre les « sensations pures » des produits laitiers et le « label rouge » de nos viandes (l’assurance d’une qualité gustative supérieure).
Ce label permet d’identifier l’offre légale sur les plates-formes approuvées par l’Hadopi et les ayant droits soit un peu moins de 50 sites. On apprend que le nom du label pur a été choisi dans une perspective « pédagogique et ludique », « pour parler aux jeunes dans leur langage ». Malheureusement, la campagne en elle-même tend plutôt à parler aux jeunes, cible prioritaire, comme s’ils étaient de gros demeurés incapables du moindre jugement artistique. Au point qu’on se demande si un opposant à la loi n’a pas infiltré la boîte de com’ à l’origine de la campagne.
2. Kelian Gomez et Emma Leprince
« Franco-slovène, Emma Leprince commence à chanter et à mixer dans des bars underground. Avec des références telles que Voltaire, Zola et DJ Fritas, ce petit prodige de la musique mélange avec brio la néo-électro et les textes engagés qui font mouche. Découvrez I Prefer Your Clone, son premier single international, révélation française de l’année 2022… Mais sans Hadopi, Emma Leprince ne pourra peut-être pas sortir ce single en 2022. »
Voilà ce que nous dit la voix off d’un des spots publicitaires. Sur les images : un pseudo clip réunissant tous les clichés du genre (jeunes gens en maillot au bord d’une piscine), un morceau électro insipide à base de « feeling fresh » et de « girls girls » et une interprète aguicheuse pas particulièrement opposée à l’idée de montrer ses nibs.
Le tout ressemble à une pub pour du shampoing et n’est pas sauvé par les autres spots parmi lesquels le film Tue-moi à gage (sérieusement) au pitch et à l’esthétique aussi subtils qu’un camion benne.
De même pour la série Rock Secret d’un certain Kelian Gomez (un nom du futur donc).
Résultat : l’impression partagée que si la création artistique de demain ressemble effectivement ça, le tout donne envie de télécharger illégalement 24h/24 pour s’épargner ce genre de productions affligeantes.
Diane Lisarelli
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