Après le tollé provoqué par le rejet de la loi Création et Internet, des questions se posent, notamment celle de l’absence des députés de la majorité lors du vote de celle-ci et du passage en force de l’opposition.
Jeudi, à l’Assemblée Nationale, 13h10. Après le passage du texte dans la matinée devant le Sénat du texte issu de la commission mixte paritaire (CMP), la loi Création et Internet est votée dans sa version la plus répressive. Malgré un dépôt d’amendements, notamment de la part du député Nouveau Centre, Jean Dionis du Séjour contre le principe de » double peine » : coupure de l’accès à Internet et poursuite obligatoire du paiement de l’abonnement, balayé d’un revers de manche par la CMP, les sénateurs persistent et signent. Le texte passe donc devant l’Assemblée Nationale et est rejeté. 21 députés contre 15 refusent l’application de la loi telle qu’elle est. A gauche, ils sont une petite vingtaine à laquelle s’ajoute Jean Dionis du Séjour et Nicolas Dupont-Aignan, de droite. Le constat est à souligner : 36 députés sur 577 sont présents. Les Gauches » filoutent » et se cachent derrière un rideau jusqu’à ce que Bernard Accoyer, président de l’Assemblée Nationale, annonce le vote des députés sur la loi Création et Internet.
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Les députés UMP « victimes d’une manipulation grossière » ?
La majorité, dont Christine Albanel et Jean-François Copé considère cette » manoeuvre » comme un piège. » J’ai surtout un sentiment profond de regret de s’être fait avoir bêtement après avoir été majoritaires toute la matinée « , avait déclaré le président du groupe UMP, Jean-François Copé. Franck Riester, le rapporteur de la loi en question, fustige : » Je suis en colère. Nous avons été victimes d’une manipulation grossière, d’une obstruction bête et méchante des socialistes avec lesquels nous avions pourtant eu un débat sur le fond lors de l’examen du texte. » Quant à l’opposition qui analyse son coup de force, François de Rugy, député Vert écrit sur son blog » Lorsque j’ai accouru à l’hémicycle, j’ai constaté que plusieurs députés socialistes restaient groupés derrière la porte de l’hémicycle ou plus exactement derrière le rideau qui sépare le sas d’entrée du bas de l’hémicycle. J’ai évidemment compris qu’il s’agissait d’attendre là, la fin de l’intervention de la ministre pour faire une entrée groupée. Ainsi le groupe UMP se croyant majoritaire, sur la foi du décompte des députés effectivement installés à leur siège, n’allait pas tenter d’ultimes manoeuvres de procédures pour retarder le vote et «rameuter» à leur tour des députés UMP dispersés dans leur bureau… « . Alors, peut-être que les députés socialistes sont des petits filous, mais comment est-ce possible que seulement une quinzaine de députés de la majorité aient-ils pu être présents ? Etre député c’est aussi et surtout représenter les citoyens lors d’un vote d’une loi, qui, qui plus est, est largement contestée dans le camp adverse. Les députés sont payés pour ça. N’avoir qu’autre recours d’accuser le camp socialiste d’avoir piégée la majorité est une manière de se cacher derrière sa défaite, derrière une loi qui n’est manifestement pas soutenue au sein même de l’UMP. François de Rugy ajoute » Plus sérieusement, le très faible nombre de députés UMP présents en séance au moment du vote montre que ce texte était loin de rassembler au sein du goupe majoritaire. J’avais d’ailleurs entendu ces derniers temps des collègues UMP dire dans les couloirs qu’ils ne voteraient pas ce texte. » Effectivement, Lionel Tardy, député UMP avouait « le front des pro-hadopi s’est petit à petit fissuré. (…) Le groupe UMP risque d’avoir du mal à mobiliser pour la prochaine lecture. Pour ma part, je serai là et militerai toujours CONTRE le texte (en l’état). «
» Un miracle parlementaire » rarissime
Les députés de gauche, comme de droite, ont tous été prévenus à la hâte du vote de la loi par des personnes chargées de le faire, Jean Dionis écrit lui aussi sur son blog : « Je m’attendais au même ballet bien connu de députés UMP prévenus à la hâte pour assurer une majorité à ce texte alors que leurs rangs étaient très clairsemés. Mais bizarrement la jeune femme chargée de cette tâche au groupe UMP devenait de plus en plus pâle….aucun député n’arrivait par la porte droite de l’Assemblée alors qu’à ma grande stupéfaction une dizaine de députés des dernières secondes arrivaient par la porte gauche pour renforcer la groupe socialiste. » La loi a été rejetée, la faute à qui ?
Quoi qu’il en soit, comme le déclare Christian Paul, ce rejet est un » miracle parlementaire « . Le dernier rejet en date d’un texte issu d’une commission mixte paritaire, s’était déroulé en 1983, lors du vote sur le texte de la » démocratisation du secteur public « . Fait rarissime donc, mais fait contesté par des artistes et des professionnels. Ainsi, dans une interview accordée au point.fr, Bernard Miyet, directeur de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem) déclarait : » Nous sommes consternés. Plusieurs semaines de report -on espère que cela ne se comptera pas en mois- vont continuer à dégrader le marché du CD. (…) Ce que je vois aussi, c’est que tout au long des débats à l’Assemblée nationale, les partisans du texte étaient présents en nombre conséquent et, à la dernière minute, au moment de déjeuner, il y en avait moins ! Il y a eu un manque de vigilence manifeste. » Les artistes, eux, ne sont pas en reste, Pascal Obispo s’énervait sur Europe 1 le vendredi 10 avril : » Les députés sont en train de tuer la musique puisqu’ils n’ont pas voté parce qu’ils sont allés bouffer ! « , Françoise Hardy elle aussi est déçue : » Je suis scandalisée et espère ne pas être la seule, non seulement que la loi Hadopi (qui n’est pas la loi « Hadopi » d’ailleurs) ait été rejetée par l’Assemblée nationale, mais qu’elle l’ait été de cette façon. » Il est essentiel de rappeler que les députés, s’ils le font, ne rejette pas la loi Création et Internet dans sa totalité, mais surtout sur son contenu répressif. Jean Dionis du Séjour s’explique : » Si le choix du raidissement est fait notamment avec le maintien de l’amende et surtout de la double peine alors – je prends date aujourd’hui il y aura d’autres icebergs constitutionnels, européens, jurisprudentielle et cette loi Création Internet connaîtra en effet le sort du Titanic celui d’un deuxième naufrage législatif après celui de la DADVSI. «
Petit clin d’oeil au slogan de campagne de Nicolas Sarkozy, Nicolas Dupont-Aignan intitule la note de son blog « Rejet de l’Hadopi : Ensemble tout devient possible « .
La suite ? La loi sera examiné en commission des lois avant une nouvelle lecture devant le Parlement, vraisemblablement dans l’état du texte daté du 3 avril qui refusait le principe de la double peine et du surréférencement dans les moteurs de recherche. Les députés, sénateurs et bien entendu le gouvernement, pourront alors déposer leurs amendements. L’Assemblée nationale aura le dernier mot. La majorité a déjà fixé la date du 28 avril comme celle de la re-lecture, sauf qu’une réunion de la conférence des présidents est indispensable afin de fixer une date. Et que le Parlement est en vacances pour 15 jours …
En bonus, la vidéo :
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