Hadopi adoptée ? Le deuxième volet de la loi contre le téléchargement illégal passe devant l’Assemblée le 15 septembre. Cette journée devrait clore un feuilleton mouvementé. Quoique.
1) Résumé des épisodes précédents
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L’histoire de la traque de l’internaute téléchargeant illégalement remonte à la loi DADVSI de juin 2006. Elle prévoit peines de prison et amendes pour toute personne contournant des DRM et/ou éditant un logiciel destiné à faciliter la mise à disposition illégale d’œuvres protégées. La loi n’a jamais vraiment été appliquée, ni les rapports prévus sur le sujet réalisés.
Mise en place en septembre 2007, la commission Olivennes, sur « la lutte contre le téléchargement illicite et le développement des offres légales d’œuvres musicales, audiovisuelles et cinématographiques » auditionne les acteurs de la culture et du net, et des associations de consommateurs. En novembre, les accords de l’Elysée sont signés, entre le gouvernement, les ayants droit et les fournisseurs d’accès internet (FAI) peu convaincus. Elle prévoit la riposte graduée et l’établissement d’une autorité indépendante (la future Hadopi) pour la mettre en place.
Le texte de loi « favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet » (ou loi « création et internet » ou « loi hadopi ») est ensuite élaboré. Après des allers-retours rocambolesques entre les deux assemblées entre octobre 2008 et mai 2009, il est invalidé partiellement par le Conseil constitutionnel. Celui-ci annonce en effet que seule une autorité judiciaire, et non une autorité administrative comme l’Hadopi, peut prononcer des sanctions restreignant le droit de communiquer. En conséquence, la partie non censurée de la loi est promulguée alors qu’un texte complémentaire, dit Hadopi 2, est rédigé. Il prévoit que le juge, une fois saisi par l’Hadopi, pourra, via une ordonnance pénale, suspendre l’abonnement de l’internaute coupable de téléchargement illégal. Ce texte est voté au Sénat le 8 juillet dernier, puis repasse à l’Assemblée. Les vacances d’été interrompent les débats. Son vote est alors décalé au 15 septembre.
2) Hadopi 1 et Hadopi 2 : même combat ?
Hadopi 2 ne porte que sur le volet répressif de cette réforme, après la censure du Conseil constitutionnel. Le législateur a revu sa copie, en abandonnant l’idée de surveiller les emails et en transférant le pouvoir de coupure au juge.
Si le délit de contrefaçon est avéré, le juge pourra suspendre l’accès à Internet pour une durée maximale d’un an. La peine de trois ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende prévue par la précédente loi contre le téléchargement illégal restera en vigueur.
L’autre cas est celui d’une « négligence caractérisée » d’un abonné à Internet qui laisserait sa ligne être utilisée pour commettre des téléchargements illégaux. Après constatation des téléchargements illégaux par la nouvelle autorité, et avertissement de l’abonné par courriel puis par lettre recommandée, la troisième étape pourra être la sanction pénale sous la forme d’un mois de suspension d’Internet et d’une amende de 3 750 euros.
3) Le 15 septembre : que va-t-il se passer ?
L’épisode du rideau a échaudé la majorité parlementaire. Le 9 avril, une quinzaine de députés socialistes, cachés derrière un rideau de l’Hémicyle, avaient surgi au moment du vote pour retourner le score à leur avantage. Avec succès : la loi avait été rejetée par 21 voix contre 15 (l’Assemblée compte 577 députés…). Les partisans d’Hadopi devaient donc se mobiliser en nombre pour éviter ce genre de désagréments et adopter le texte sans difficulté.
4) Et après ?
Les députés socialistes ont déjà annoncé qu’ils saisiraient le Conseil constitutionnel. Pour Emmanuel Pierrat, avocat spécialiste des médias et anti-Hadopi déclaré, « la loi est toujours inconstitutionnelle. Le Conseil a estimé qu’Internet est un droit fondamental. Que la coupure soit prononcée par une autorité administrative ou par un juge ne change rien sur ce point : la loi sera votée demain mais retoquée ensuite. » Pourquoi présenter une loi si la censure est probable ? L’avocat estime qu’une loi inapplicable n’effraie pas le gouvernement. « Ces lois n’ont pas d’effet pratique mais un effet démagogique. Le message adressé aux patrons de l’industrie du disque est « on a fait notre boulot ». C’est totalement absurde mais c’est comme ça. Mitterrand est obligé de porter cette loi, il fait le job mais ne va pas en faire des tonnes. »
Anne-Claire Norot et Camille Polloni
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