Sous la coupole construite il y a plus de deux siècles, Christophe Poligani lançait en 2018 la Trattoria – restaurant corse-italien – ainsi que Le Refuge, bar à cocktails. Redonnant ainsi vie à la Rotonde du XIXème arrondissement, en quête d’identité depuis plusieurs années.
Difficile de rater La Rotonde lorsqu’on sort du métro Stalingrad. Majestueux édifice de pierre construit juste avant la révolution – de 1784 à 1788 – cette ancienne barrière d’octroi du mur des Fermiers généraux fait face au bassin de la Villette et aux cinéma MK2 des quais de Seine. Propriété de la mairie de Paris, la concession est détenue par le groupe de la Bellevilloise depuis cinq ans. Symbole d’un quartier en pleine gentrification, le bâtiment abrite aujourd’hui Gustu, projet prometteur de Christophe Poligani comportant un restaurant corse-italien – La Trattoria – ainsi qu’un bar à cocktails, Le Refuge.
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La pizze comme outil de démocratisation
Avec cette double entité, l’entrepreneur corse est parvenu à réhabiliter un lieu aux multiples difficultés, techniques comme d’identité. Avant lui, plusieurs directeurs d’exploitation se sont enchaînés sur une période de deux ans. Sous le toit de la Rotonde constitué d’un impressionnant puits de lumière, le trentenaire originaire de Bastia en raconte la genèse : “Il y a sept ans, La Rotonde était un squat plein de crackis. C’est un énorme défi. De l’extérieur, les gens voient un gros monument en pierre très hostile et pensent que c’est un restaurant de luxe. Or, ce n’est pas le cas. Je veux faire briller ce bâtiment et qu’ils correspondent à ses habitants”.
Et quel meilleur moyen pour démocratiser une adresse que de proposer un produit populaire ? Christophe détaille, casquette vissée sur la tête : “Le produit le plus populaire est la pizze. J’ai directement fait installer un four à bois napolitain dans la cuisine, et proposé une série de pizze aux consonances italiennes et corses”. A la carte, on retrouve notamment la Va Pianu (sauce tomate, anchois, câpres, ail, huile d’olive et herbes du maquis corse, 9€), la Pinzuta (sauce tomate, porchetta grillée aux herbes, mozzarella fior di latte, champignons de Paris, huile d’olive extra vierge, basilic frais, 14€) ou encore la Avà Basta (crème, fior di latte, cèpes, pancetta affiùmicata, chips de pancetta, brocciu mentholé, 18€). Néanmoins, Christophe est catégorique : La Trattoria n’est pas qu’un restaurant de pizze.
Gastronomie corse à l’honneur : sanglier, figue et cocktail à la myrte
Au-delà de cet incontournable, le menu propose en effet une sélections de plats corses, tous composés de produits issus du circuit court. Parmi les propositions, on déguste les gnocchi pesto tomates séchées et salinu
corse (pesto basilic et tome corse, relevé avec des noisettes de Cervioni, 12€), les ravioli au sanglier servis avec une sauce tomate aux olives (17€) ou encore le burger nustrale (pain maison cuit au feu de bois, steack haché, cochon grillé façon bacon, tome Corse et ketchup maison, 17€). Sans oublier les entrées et desserts pleins de délicatesse. Christophe le résume bien : “La Corse, c’est le goût”. Dans l’assiette, tous les produits sont de saison et estampillés du label AOC. Dans le verre, tous les vins sont bios et natures, issus de petits producteurs et amis de Christophe. Les bières, qui arriveront à la carte le mois prochain, seront teintées des saveurs de l’immortelle, une fleur du Maquis. Une passion corse qui se ressent jusqu’à la vaisselle – réalisée par un potier du village natal de Christophe – ainsi qu’aux uniformes des employés, vêtus de véritables bleus de Chine traditionnellement ramenés par les marins corses.
A côté de La Trattoria se niche Le Refuge, bar à vin et cocktails, encore une fois marqué par l’amour de l’île de beauté. On y retrouve notamment des cocktails à base de liqueur de myrte, de cap corse maté – un ancêtre du martini – ou de liqueur de cédrat. Le coup de coeur de Christophe : le corse blanc, “un cocktail aux allures de café frappé mais à la vodka en bonus, à base de liqueur de châtaigne, de café et de lait”.
De l’Italie à la Corse
Le résultat global ? Un univers corse communiqué par les plats et les boissons – sans oublier la décoration et ses végétaux – mais également par la personnalité de ce directeur passionné. Pourtant, rien ne prédestinait ce Bastiais à créer son restaurant. Elevé en Corse, Christophe suit des études d’histoires avant d’enchaîner sur une école de commerce à Marseille. Alors qu’il ne lui reste plus que deux mois de validité de carte étudiante, lassé d’enchaîner les entretiens en costume, il décide – poussé par un ami – de partir monter son restaurant à Paris. Il se remémore : “J’avais vingt-six ans et je n’étais jamais allé jusqu’à la capitale! Je suis arrivé en novembre, notre concept de street-food italienne, Lo Zio, était ouvert en février”.
En important la piadina italienne, Christophe et son associé rencontrent rapidement le succès. Une seconde adresse est ouverte, ainsi qu’un service de traiteur. En 2017, c’est d’ailleurs lors d’une opération street-food à la Rotonde qu’il rencontrera Mathieu, directeur adjoint du lieu. Christophe raconte : “Je traînais les pieds, il n’y avait pas eu de com, on se faisait chier. J’ai passé la journée à boire des bières avec un mec sympa. J’ai compris à la fin de la journée que c’était le directeur adjoint. La Rotonde n’allait pas au mieux, il n’y avait plus de cuisine. Il m’a proposé de la récupérer”. Alors qu’il vient signer le contrat, une démission non prévue le catapulte au poste de directeur d’exploitation. Il détaille : “Quand je suis arrivé à Paris, je masquais mon côté corse, à cause de l’image un peu péjorative que l’on peut avoir de nous. Je suis parti dans un concept italien, où j’ai certes réussi mais où je ne me retrouvais pas entièrement. Cacher mon côté corse est une torture pour moi. Ici, je peux enfin m’exprimer”.
Soirées clubbing et after smoothies
Et ce passionné hyperactif toujours avide de nouveaux projets a d’ores et déjà une liste d’idées en tête pour le futur de Gustu : food-trucks et four à pizza extérieurs pour l’été, soirées discos où les DJ amateurs pourront jouer une heure sur concours, davantage d’expositions dans l’espace galerie, soirées one-man show ou encore des after smoothies pour aider les gueules de bois post-soirées.
Gustu, au-delà de réhabiliter la Rotonde, participe également à réintroduire les soirées clubbing dans ce bâtiment vieux de deux siècles. Dans un autre genre que le Mini-Club, adjacent à La Rotonde et proposant des soirées électro à l’ambiance berlinoise, Gustu sélectionne une programmation “plus chaleureuse, avec des sonorités discos et world musique”. Deux soirs par mois, les meubles disparaissent à minuit et laissent place à la fête, avec une capacité de 700 personnes. Christophe, vidéos à l’appui sur son téléphone, décrit la dernière soirée en date : “Il restait entre 200 et 300 personnes à 6H du matin, personne ne voulait partir. Nous ne sommes pas un club des Champs-Elysées avec des box remplis de russes (rires), l’ambiance est cool ici ! Tout le monde danse, on est là pour faire la fête”. Et pas de panique : une fois la fête terminée, les anti-smoothies pourront toujours reprendre des forces avec le brunch illimité du dimanche dans ce cadre somptueux (27€).
Gustu
6-8 place de la Bataille de Stalingrad, 75019 Paris
Ouvert tous les jours de 9H à 1H
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