Au Guatemala, le couple présidentiel a demandé le divorce en mars dernier. Une stratégie pour contourner un article de la Constitution qui empêche Madame de se présenter à la prochaine présidentielle.
La procédure est en suspens, pour l’instant. Et il n’est pas certain que la justice guatémaltèque autorise ce « divorce blanc ». Lundi 4 avril, un groupe d’avocats a déposé un recours devant la Cour suprême pour bloquer la demande de divorce du président Alvaro Colom (centre-gauche) et de sa femme Sandra Torres. Ce recours est le troisième depuis que le couple présidentiel a révélé ses intentions.
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C’était le 8 mars dernier. La Première dame a annoncé publiquement qu’elle souhaitait briguer la succession de son mari aux prochaines élections présidentielles, fin 2011. Ses opposants ne se sont alors pas privés de lui rappeler une notion de droit qu’elle avait, semble-t-il, omise : la Constitution du Guatemala interdit la réélection du président, mais aussi l’élection de membres de sa famille, dont sa femme (art. 186).
Qu’à cela ne tienne. Trois jours plus tard, Alvaro Colom et Sandra Torres ont déposé une demande de divorce par consentement mutuel. La Première dame, qui s’est fait connaître au Guatemala pour ses initiatives de lutte contre la pauvreté, a déclaré pour se justifier qu’elle divorçait du président pour mieux se « marier avec le peuple ».
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La tactique a une petite odeur de « coup d’Etat moderne »
Le « peuple » goûte moyennement la dévotion de sa Première dame. Une partie de l’opposition, des politologues, et de nombreuses associations dénoncent une tentative de fraude. Et selon une enquête menée par le quotidien guatémaltèque Prensa Libre, la très grande majorité des citoyens désapprouvent la décision. Sur Twitter, les messages indignés ou ironiques sont légion.
Le problème est que la tactique a une petite odeur de « coup d’Etat moderne », comme le fait remarquer une chronique de Prensa libre. Au Guatemala, on ne plaisante pas avec ces choses-là.
« Le premier gouvernement démocratique depuis les années 50 n’est revenu qu’en 1986. Entretemps, il y a eu la guerre civile » rappelle Carine Chavarochette, chercheuse associée au Centre de recherche et de documentation des Amériques (CREDA) spécialiste de l’Amérique centrale.
« La Constitution a justement été conçue pour éviter que des dirigeants s’accrochent au pouvoir » explique la chercheuse. Une sécurité, et un frein. Le Guatemala souffre d’une violence et de difficultés économiques chroniques. Le fait que les mandats soient limités à quatre ans, non renouvelables, complique les réformes.
« On peut imaginer que ce divorce vise à assurer la continuité des réformes entreprises, pour leur donner le temps de porter leurs fruits, avance Carine Chavarochette. Mais on peut aussi le voir comme une tentative autoritaire de garder le pouvoir, pour gouverner le pays comme une grande propriété terrienne. »
En Argentine, le couple Kirchner s’était déjà partagé le pouvoir
En Amérique latine, plusieurs dirigeants se sont ainsi arrangés avec la Constitution pour rester au pouvoir. On pense par exemple au président vénézuélien Hugo Chavez, qui a obtenu par référendum en février 2009 la suppression d’un article constitutionnel limitant le nombre de mandats présidentiels. Ou encore au chef de l’Etat du Nicaragua Daniel Ortega, qui vient d’annoncer sa candidature à un troisième mandat, grâce à une modification de la Constitution remontant à juillet 2009.
Mais jusqu’à présent, seul le couple Kirchner en Argentine a joué la carte du travail d’équipe pour se partager le pouvoir. Cristina Kirchner est passée en octobre 2007 du statut de Première dame à celui de présidente argentine. L’histoire ne dit pas si, comme leurs homologues guatémaltèques, ils auraient été prêts à divorcer pour mieux régner.
Pauline Turuban
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