« Photos de mes collègues de travail avant 1999 », « restaurant indien dans lequel ma famille est allée », « groupes de rock que mes amis écoutent » : voilà le genre de sollicitations auxquelles Facebook sera désormais en mesure de répondre grâce au nouvel outil Graph Search, moteur de recherche centré sur les goûts et les intérêts de ses amis.
Annoncée en janvier, cette sorte de Google social a été réservée à des testeurs qui ont contribué à son amélioration jusqu’au lancement public. Des millions d’utilisateurs états-uniens y ont accès depuis lundi, mais il faudra encore patienter un peu pour la version francophone. Le principe ? Graph Search, ou « la recherche dans le graphe » fait des informations personnelles laissées par nos amis sur Facebook une ressource utilisable. Dans une vidéo, Mark Zuckerberg la décrit comme le troisième pilier du réseau social, après le fil d’actualités (newsfeed) et le journal (timeline) : c’est une troisième façon d’obtenir des informations sociales sur les utilisateurs de Facebook.
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Quelle différence par rapport à un moteur de recherche traditionnel ?
Le but de Graph Search est de donner directement une réponse à une question précise. J’entre une question (une « vraie » question et pas des mots-clés) ; je reçois une réponse (et pas un référencement de liens). Même si le moteur de recherche Bing est utilisé en complément, le contenu essentiel qui m’est délivré par Graph Search provient des utilisateurs de Facebook qui partagent leur contenu avec moi. Composeront dont les réponses à mes questions l’ensemble des données sociales et personnelles pertinentes auxquelles j’ai accès. Ce sont en général celles de mes amis, mais aussi celles publiées par les amis de mes amis avec le réglage « accessible aux amis d’amis » ainsi que n’importe qui qui publie de façon publique.
Tout ce qui est dans le graphe Facebook est une ressource potentielle : noms entiers, lieux d’habitations, employeurs, mentions « j’aime », photos, endroits où je suis allé, listes d’amis et de familles… Je veux savoir qui de mes amis est déjà allé à Londres ? Facebook me fait une liste. Je cherche des photos de deux de mes amis ensemble ? Facebook me les montre. Et ainsi de suite, c’est aussi simple que ça.
Un rêve de stalker ?
Troisième manière d’accéder à nos données, donc troisième façon de pénétrer dans notre sphère personnelle. Graph Search peut être vu comme un rêve de stalker, ces personnes qui aiment traquer (ponctuellement ou régulièrement) des gens (connus ou inconnus) sur Internet, par curiosité ou par malveillance. En tant qu’outil facile et gratuit pour localiser des cibles potentielles, Graph Search est aussi un paradis pour marketeur. Or c’est un espace que l’on voudrait réservé à ses amis, à l’abri des regards des entreprises mais aussi de son boss, ses collègues de bureau, ses recruteurs et du reste du monde.
La particularité de cet outil est de se nourrir de la quantité d’informations accessibles. Plus il y a d’informations disponibles, plus la recherche sur le graphe sera fructueuse. Le risque dénoncé par PC World est inscrit dans la logique même du système :
« Facebook va vouloir avoir autant d’informations disponibles que possible pour répondre à chaque demande et s’assurer que l’expérience des utilisateurs soit positive. Cela va directement à l’encontre du désir exprimé par les membres que leurs données restent privées. »
Dans le but de rendre le contenu de Graph Search plus riche et pertinent, il ne faudrait pas que le réseau social rende plus difficile (ou plus laborieuse encore) la protection des données privées sur son site.
Recherche amateurs de Mein Kampf
La recherche dans le graphe a en tout cas déjà été intelligemment « trollée » en janvier dernier avec le tumblr Actual Facebook Graph Searches. Son créateur, Tom Scott, a utilisé le moteur de recherche pour trouver sur le réseau social pêle-mêle les hommes mariés qui aiment les prostitués, les employeurs de racistes auto-déclarés, les hommes musulmans intéressés par les hommes à Téhéran, les Chinois qui soutiennent le groupe Falun Gong interdit en Chine, les hommes qui aiment Ashley Madison (un site de rencontres extraconjugales), etc. Et à chaque fois, de nombreux américains sont référencés.
A sa suite, le blog Rézonances du Monde.fr a notamment trouvé les membres français de Facebook qui sont salariés de la RATP et qui aiment le livre Mein Kampf, les hommes mariés qui se disent intéressés par les hommes, ainsi qu’une liste de soldats français partis en Afghanistan qui comportait des informations qui sont censées êtres cachées. Ces informations qui, avant, pouvaient être exhumées à l’issue d’un travail fastidieux, sont désormais à portée de clic.
Si les deux expériences soulignent l’imprécision des résultats obtenus, qui peuvent être faussés par l’ironie (on imagine que c’est le cas de ceux qui se déclarent racistes), elle met aussi en évidence le danger supplémentaire pour la vie privée que représente la recherche dans le graphe. Afin d’éviter de se retrouver dans une liste où on aimerait mieux ne pas être, la meilleure solution est de faire attention à ses données (voir le mode d’emploi du Monde). Plus que jamais pour vivre heureux, vivons cachés.
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