En Angleterre, près d’un prisonnier sur dix serait un ancien soldat. Un chiffre qui pose la question du suivi psychologique au retour de combat.
Le mois dernier, devant la cour de Colchester, John Ashmore a avoué sans difficulté. Quand le livreur de pizzas a refusé qu’il paye par chèque, il lui a effectivement sauté dessus. Puis il l’a fait tomber, tête la première, et l’a roué de coups pendant de longues secondes. Le pauvre livreur est sorti de là cabossé de partout, avec un arrêt de travail d’une semaine.
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Pour justifier ses actes, John Ashmore, 20 ans, a expliqué au juge être sujet à de régulières montées de violence depuis son retour d’Afghanistan, où il a combattu pendant près d’un an, jusqu’à ce qu’un collègue meure dans ses bras, en juin 2008. Touché psychologiquement, John Ashmore a alors été renvoyé au pays. Il a ensuite enchaîné les délits.
En Angleterre, le retour des soldats et leur propension à tomber dans la violence, la délinquance font aujourd’hui débat. Car les chiffres sont édifiants. Selon le ministère de la Justice, 3% des prisonniers anglais sont aujourd’hui des soldats, ou des ex-soldats. Selon la Napo, l’organisation chargée d’observer la population carcérale, c’est beaucoup plus. Après étude, elle avance le chiffre de 9%*. Et pointe du doigt la minceur du suivi psychologique des soldats de retour d’Afghanistan ou d’Irak.
Contrairement à son homologue américaine, qui fait participer de longue date ses hommes à des stages de décompression, l’armée anglaise a longtemps négligé la question, s’appuyant pendant des années sur des organisations non gouvernementales (Veterans in Prison, Veterans Aid…). Celles-ci ont mis en place des lignes d’appel et des séances de parole. Mais, faute de moyens, leur impact est resté limité.
Il y a six mois, l’armée a donc créé un schéma d’accompagnement intitulé Trauma Risk Management. Des aides psychologiques sont ainsi proposées aux soldats. Mais elles ne sont pas systématiques, et les soldats entreprennent encore trop rarement la démarche.
“Quand je suis revenu d’Afghanistan, je n’ai reçu aucun soutien psychologique, a déclaré John Ashmore pendant son procès. Ma famille était à mes côtés. Mais j’étais seul, trop seul.” Pour l’agression du livreur de pizzas, le juge, compréhensif, lui a finalement infligé 80 heures de travaux d’intérêt général et douze mois sous contrôle judiciaire…
* Ce chiffre correspondrait à celui des Etats-Unis. En France, il n’existe pas de statistiques sur le nombre de soldats ou ex-soldats en prison.
Photo : DVIDSHUB/Flickr
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