La Cour européenne des droits de l’homme vient de condamner la France, qui avait refusé en 2011 de reconnaître la filiation entre des parents et leurs enfants conçus à l’étranger par GPA. Une décision pragmatique, qui souhaite avant tout « protéger l’enfant » et les droits individuels.
La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) vient de faire deux couples d’heureux. Les époux Dominique et Sylvie Mennesso, ainsi qu’un autre couple anonyme, viennent d’obtenir gain de cause dans leur combat : la France a été condamnée aujourd’hui, jeudi 26 juin, par la justice européenne, pour son refus de reconnaître la filiation des enfants nés d’une mère porteuse à l’étranger.
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La décision de la CEDH s’appuie paradoxalement sur l’argument phare des opposants à la Gestation pour Autrui (GPA) : l’intérêt de l’enfant. La Cour européenne a en effet estimé que refuser à des enfants nés aux Etats-Unis que leurs actes de naissance soient transcris dans l’état-civil français « portait atteinte à leur identité ».
Selon les juges, « interdire totalement l’établissement du lien de filiation entre un père et ses enfants biologiques nés d’une gestation pour autrui (GPA) à l’étranger » est « contraire » à la convention européenne des droits de l’Homme (l’époux Mennesso est le père biologique de ses enfants – ndlr).
Une décision pragmatique de la CEDH
« La CEDH est claire sur le sujet : elle relève qu’il est légitime pour la France d’interdire la GPA« , nous explique Me Patrice Spinosi, avocat des Mennesso. « En revanche, elle dit ‘à partir du moment où les enfants sont là, il faut reconnaître leurs droits individuels. Le refus de reconnaître leur filiation aboutissait à la conséquence absurde de nier la réalité, et qu’ils puissent avoir un statut juridique. »
Une « incertitude juridique« , qui, selon la CEDH, « porte atteinte à leur identité au sein de la société française » et les empêcherait, par exemple, d’hériter dans des conditions aussi favorables que d’autres enfants, comme le note Ouest-France.
La justice européenne vient ainsi contredire la dernière décision de la Cour de Cassation du 6 avril 2011, qui avait jugé « contraire à l’ordre public (…) la décision étrangère (de reconnaissance de la filiation par GPA – ndlr) qui comporte des dispositions heurtant des principes essentiels du droit français« .
Les conséquences en droit français
Dans les trois mois qui suivent la décision de la CEDH, celle-ci peut encore être contestée devant son instance suprême, la Grande Chambre. Après ce délai, la France a « pour obligation de réduire les injustices qui ont été constatées », d’après Me Spinosi.
Si les époux ne peuvent pas saisir à nouveau la Cour de Cassation, les prochaines décisions des tribunaux, saisis par d’autres citoyens français (et européens), pourront être influencées par la décision de la CEDH. Une chose est sûre : les deux couples français pourront faire retranscrire les actes de naissance de leurs enfants nés par GPA aux Etats-Unis dans l’état civil français.
De son côté, le législateur français peut se saisir pour réagir et se conformer à la décision de la justice européenne. En janvier 2013, la ministre de la Justice Christiane Taubira avait fait passer une circulaire qui demandait aux greffiers des tribunaux de grande instance de faciliter la délivrance de certificats de nationalité aux enfants de père français nés d’une mère porteuse à l’étranger.
« C’était une circulaire relative à la nationalité et pas à la filiation« , souligne Me Spinosi, « mais il faut aller un cran plus loin, à présent. Au moins, la CEDH sécurise cette circulaire [qui a été attaquée en justice – ndlr] : on doit penser que le Conseil d’Etat va aller contre ce recours sur le fondement de la décision de la Cour européenne des droits de l’homme. »
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