Le directeur de la Bibliothèque nationale défend un accord avec le géant du web pour numériser son fonds. Mais rien n’est joué.
La numérisation des livres, patate chaude du monde de l’édition, a trouvé en Bruno Racine, actuel directeur de la Bibliothèque nationale de France (BNF), reconduit fin mars pour trois ans, un ardent défenseur. Et pour cause, son manifeste Google et le nouveau monde a pour vocation à préparer le terrain d’un partenariat entre Google et la BNF.
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Dans cette querelle des anciens et des modernes, la Bibliothèque nationale est le site d’une bataille que se livrent, par ouvrages interposés, l’auteur et son prédécesseur, Jean- Noël Jeanneney, hostile à cette “numérisation de masse”. Son successeur l’égratigne aujourd’hui au passage en révélant que Jeanneney préparait en secret un accord avec Microsoft.
Cet argumentaire retrace les étapes, techniques et juridiques de Google Books, vaste programme de numérisation commencé en 2004 sans la permission des ayants droit. Après une levée de boucliers en Europe et aux Etats-Unis, notamment sur le copyright, un compromis s’esquisse au niveau américain (l’accord ne concernera que les textes anglo-saxons). Plus de 10 millions d’ouvrages ont déjà été numérisés par Google, comme c’est le cas dans les bibliothèques des universités d’Oxford, Harvard, et désormais à Lyon.
Cette “ambition prométhéenne”, qui ferait de Google Books une “machine Expresso du livre”, rappelle l’auteur, n’enlève pourtant rien à “l’originalité profonde de ce projet” sans précédent. Racine répond ainsi au questionnement suscité par l’expansion du géant du web, tout en prenant soin de se soustraire aux visions catastrophistes sur la “googlisation du monde”.
Ce texte est aussi un état des lieux : les usages et pratiques de lecture basculent vers le numérique et font advenir une révolution, selon ses termes, comparable à celle de Gutenberg.
Une “bibliothèque numérique européenne a bel et bien pris forme, certes, mais chez Google” constate Racine. A l’échelle nationale et européenne, l’expérience décevante d’Europeana et la bibliothèque en ligne Gallica ne suffisent plus. Selon un rapport du Sénat, au rythme où elle a lieu, la numérisation des 15 millions d’ouvrages de la BNF prendrait 375 ans. Difficile de faire sans la firme de Mountain View. Un partenariat Google-BNF serait ainsi “le meilleur rempart contre d’autres prédateurs”.
L’enveloppe de 160 millions d’euros du plan de numérisation de Nicolas Sarkozy permettrait d’aller dans ce sens. Mais rien n’est encore tranché, au contraire de l’Italie qui vient de signer un accord avec Google pour numériser le patrimoine littéraire italien.
Google et le nouveau monde de Bruno Racine (Plon, 149 pages, 14 €)
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