Yann Padova, secrétaire général de la Commission nationale internet et libertés (Cnil), revient sur la nouvelle politique de confidentialité de Google. Elle prend effet jeudi malgré les réticences des autorités européennes de contrôle.
La lettre d’Isabelle Falque-Pierrotin n’aura pas infléchi la décision de Google. Dans son courrier, la présidente de la Cnil demandait à l’entreprise américaine de reporter l’entrée en vigueur de sa nouvelle politique de confidentialité, jugée contraire à deux directives européennes (1995-46 et 2002-58). Mais Google tient bon : dès jeudi, la mise à jour des conditions d’utilisation aura lieu comme prévu. Yann Padova, secrétaire général de la Cnil, réagit à cette obstination.
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Pourquoi la Cnil s’est-elle directement adressée à Google ?
Nous n’agissons pas en notre propre nom, mais missionnés par l’ensemble des “Cnil européennes”. La Cnil a été chargée d’analyser la nouvelle politique de confidentialité de Google, parce qu’à la différence d’autres autorités européennes, nous disposons d’un service d’expertise technique, composé d’ingénieurs de haut niveau.
Parmi les nouvelles dispositions prévues par Google, lesquelles considérez-vous comme contestables?
Google veut simplifier sa politique de vie privée, et c’est très bien. L’entreprise veut aussi partager les informations recueillies sur les utilisateurs des différents services Google pour faire du profilage et de l’analyse commerciale. Après une première analyse, nous avons identifié deux manquements potentiels aux règles européennes : l’information des personnes et l’utilisation des cookies.
En quoi consistent ces manquements?
D’abord, il devient presque impossible pour les utilisateurs d’un compte Google (Youtube, Gmail, Android, géolocalisation, Google Plus, etc.) de savoir quel type d’information va être collecté dans le cadre d’un service particulier. Or, ça fait partie de la base des exigences des règles européennes. La condition de transparence n’est plus remplie. Ensuite, lorsqu’un cookie est envoyé sur votre ordinateur ou votre téléphone, il faut votre consentement. Là on pense que Google ne respecte pas cette règle. Dans l’absolu, nous aurions besoin d’un peu plus de temps pour expertiser davantage. C’est pour ça qu’on a d’abord demandé à Google de reporter l’entrée en vigueur de sa politique, sans succès.
D’ici demain, avez-vous encore un recours pour demander un délai?
Non, on l’a demandé deux fois, on ne peut pas en faire plus. La nouvelle politique de vie privée va entrer en vigueur. Nous allons la tester “in situ”, tout décortiquer dans notre petit laboratoire. Nous enverrons un questionnaire technique très complet à Google, vraisemblablement en mars. L’entreprise nous répondra, je pense, en avril. La position européenne sera arrêtée avant l’été. A partir de là, si on constate des manquements persistants et graves aux règles européennes, on décidera des conséquences.
Dans l’hypothèse où les manquements persisteraient, quelles sont les possibilités d’action?
En soi, si toutes les Cnil européennes estiment que les nouvelles règles de confidentialité de Google sont contraires aux règles européennes, ça va faire du bruit. Il n’est pas dans l’intérêt d’une société d’avoir les autorités européennes de protection de la vie privée et des données contre elle. Si les utilisateurs ne se sentent pas clairement informés, ce n’est pas bon pour Google. Ensuite, si jamais Google persistait, sans ajustement, il serait possible d’engager des procédures de sanction. Google a déjà été sanctionné par la Cnil, par exemple dans l’affaire Street View. Cependant, on n’en est pas là. Nos constats seront partagés et les actions, s’il y en a, concertées.
Propos recueillis par Camille Polloni
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