Le vin naturel, ce n’est pas que pour les riches. C’est le message du Glou Guide, qui recense 150 bouteilles à moins de 15 euros. Pour boire sain, éthique et surtout goûteux, jusqu’à plus soif. Ou presque.
Depuis quelques printemps, le mot de passe pour boire sans gueule de bois s’appelle “vin naturel”. Non pas que l’abus de pichets après minuit garantisse une ivresse sans effets secondaires – n’exagérons rien –, ni que ce type de breuvage ait été inventé avec les années 2000 – il existe depuis l’Antiquité. Mais une onde de choc se propage. Au point que livres et guides paraissent en nombre, comme celui qu’ont griffonné en duo les journalistes Antonin Iommi-Amunategui et Jérémie Couston, deux apôtres motivés du bien-boire sans les cérémonies obséquieuses du “grand vin”. Leur Glou Guide fait l’inventaire excitant de 150 vins naturels à moins de 15 euros, de quoi envisager une contre-programmation sauvage à la rentrée qui impose les foires de supermarché.
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Ces vins-là sont à dénicher chez les cavistes indépendant.e.s, voire directement aux domaines viticoles pour les accros. Ils se méritent, non sans quelques précautions. La premièreet la plus classique confusion consiste à mettre dans le même tonneau vins bio et vins naturels, qui n’ont souvent rien à voir. Jérémie Couston nous éclaire : “Le vin bio, c’est la première étape, indispensable, vers le vin naturel. Mais un vin certifié bio peut contenir jusqu’à 40 produits/additifs pour ‘améliorer’ son goût dont les protéines de lait, le blanc d’œuf, l’acide citrique, la colle de poisson, la gomme arabique, la gélatine, les levures exogènes, les copeaux de chêne, le sucre, les tanins… Un vin naturel, c’est simplement du jus de raisin fermenté, point barre. Le seul produit autorisé mais pas encouragé, c’est le soufre (sulfites), à raison de 30 mg par litre, cinq fois moins que la dose autorisée pour un vin conventionnel (rouge). Il faudrait que tous les ingrédients contenus dans une bouteille soient obligatoirement mentionnés sur l’étiquette pour que la prise de conscience soit efficace.”
“C’est ça le vin que je veux boire”
Pour beaucoup, le passage au vin naturel s’apparente à une conversion garantie sans crucifix. Antonin Iommi-Amunategui, coauteur du Glou Guide, a franchi le cap il y a une dizaine d’années : “J’ai bu un vin de Jeff Coutelou et rencontré le vigneron, je ne sais plus dans quel ordre. Une révélation. Je commençais à m’intéresser au vin mais je n’y connaissais pas grand-chose. C’était tellement différent, bon, intelligible, satisfaisant… Je me suis dit : ‘c’est ça le vin que je veux boire’.”
Jérémie Couston a connu la même expérience au restaurant, avec La Guerrerie de Thierry Puzelat, vigneron au Clos du Tue Bœuf. “J’ai toujours été sensible aux questions d’environnement, depuis l’enfance, et j’ai vu dans ce mouvement des préoccupations correspondant exactement à ce que je voulais défendre. Aujourd’hui, je préfère boire un mauvais vin naturel qu’un vin tradi correct. Un vin naturel, c’est un vin d’artisan, dont le goût change d’un jour à l’autre, en fonction de la météo, de l’âge du capitaine et des phases de la lune.” Son compère prévient : “Mais ce n’est pas du tout un vin de fainéant, il faut le surveiller comme le lait sur le feu. Un vigneron qui n’y connaît rien va se planter.”
Plutôt que de s’attarder sur le prétendu effet de mode autour du vin naturel – oui, les individus en Stan Smith adorent parfois siroter la dernière perle oxydative venue du Jura sans trop savoir pourquoi –, les auteurs insistent sur l’éternelle naturalité du vin, coupée net par l’agriculture productiviste : “S’il faut parler de mode, c’est plutôt de celle du vin avec additifs, qui nuit aux consommateurs et aux riverains des vignes. Le vin naturel est le vin originel tel qu’on le faisait avant les années 1950-60. Son renouveau est comme un retour vers le futur. La France est le moteur de cette tendance de fond. On ne peut plus revenir en arrière.”
Parler aux gens de “goûts inédits”
Oublier la “parenthèse chimique dans le vin”, tel est l’enjeu pour Jérémie Couston. Tout comme l’accessibilité du vin naturel, qui reste souvent cher. “On a conçu ce guide avec des bouteilles à moins de 15 euros parce que ne proposer que des cuvées à 40 balles, ça n’a pas de sens, abonde Antonin Iommi-Amunategui. Tu te coupes des gens, c’est en décalage avec l’idée démocratique du vin naturel. Il y a des efforts à faire dans le milieu. On parle souvent d’un vin de bobos. Nous, on a surtout peur que ça devienne un vin de bourges.”
Avant de toucher le grand public, le vin vivant devra mettre un peu d’ordre dans ses rangs. Un cahier des charges pourrait bientôt exister, qui permettrait de qualifier un vin de “naturel” – aujourd’hui, le manque de terminologie claire favorise les abus, y compris dans la grande distribution qui surfe parfois sur la vague. Il restera alors à convaincre les derniers et dernières réticent.e.s. Mais comment ? “En leur parlant de goûts inédits, propose Jérémie Couston. Et en leur rappelant qu’on vit plus vieux et surtout plus heureux en buvant du vin naturel plutôt que des grands crus boisés.”
Glou Guide – 150 vins naturels exquis à 15 euros maxi d’Antonin Iommi-Amunategui et Jérémie Couston (Cambourakis), 160 pages, 15 €
« Le naturel revient au goulot », un dossier spécial à retrouver ici.
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