Gourou beauté autodidacte, Emily Weiss, la fondatrice de la marque de cosmétiques Glossier, est devenue une femme d’affaires hors pair grâce une exploitation redoutable d’Instagram.
Une jolie métisse au grain de peau velouté, une bouche délicatement ourlée, un sourcil touffu fièrement arqué ou bien un chaton dont la tête dépasse d’un tas de guimauves. Pour peu que l’on épie quelques actrices américaines sur Instagram, il est fort probable que ces ravissantes photos apparaissent sur l’écran de notre téléphone. Des images qui ont en commun un côté éthéré, des teintes poudrées, diffusées sur le compte de Glossier, jeune start-up beauté dirigée d’une main de maître par Emily Weiss.
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Tout commence en 2010 lorsque la jeune femme de vingt-trois ans lance un blog intitulé Into The Gloss. Matin et soir, en parallèle de son job d’assistante styliste chez Vogue US, elle rédige des billets dans lesquels elle donne son avis sur des pelletées de cosmétiques. Ambitieuse, elle profite de son réseau pour que les stars lui ouvrent les portes de leur salle de bain. C’est ainsi que Cindy Crawford et Catherine Deneuve décrivent, dans la fameuse rubrique The Top Shelf, la farandole de produits qui trônent sur leurs étagères. Mais elle s’invite aussi chez des femmes lambdas, des étudiantes. « Démocratiser la beauté », voilà le mantra d’Emily Weiss. Pour ce faire, autant demander conseils aux « femmes les plus cool du monde ».
Très vite, plus de 700 000 visiteurs uniques (pardon du peu) se rendent chaque mois sur le site devenu un influent magazine en ligne, et donnent leurs avis sous les articles. En sept ans, la jeune femme a amassé une quantité astronomique d’informations sur les attentes de ses clientes potentielles. Un argument de taille pour convaincre les investisseurs de placer près de 35 millions de dollars dans sa start-up, née à l’automne 2014, qui emploie aujourd’hui soixante personnes et s’apprête à créer deux cent quatre-vingt deux postes supplémentaires, grâce au soutien financier de la ville de New York. Habituellement, les marques rêvent de construire une communauté à partir de leurs produits. Pour Glossier, c’est l’inverse.
Emily Weiss la joue finaude. Au lieu de dire aux femmes ce dont elles ont besoin, cette entrepreneure autodidacte bien inspirée leur demande ce qu’elles veulent et le leur fournit, à un prix très abordable. « Quel est le démaquillant de vos rêves ?« , lit-on sur un post. Près de quatre cents commentaires et un an plus tard, le démaquillant tant attendu est commercialisé. Les produits n’ont rien de révolutionnaire, mais la cliente a envie d’y croire. C’est un peu « sa » marque à elle aussi.
Entrer dans le showroom – ouvert il y a six mois à Manhattan— s’apparente à une étonnante expérience de réalité virtuelle. Nous voilà dans Instagram ! La lumière éclaire parfaitement le minois de celle qui se reluque dans le miroir après avoir essayé les produits, disposés de manière graphique et minimaliste. Les murs sont blanc et rose pale, ornés de petites phrases de type « tu es belle », et bien sûr, de hashtag. Des jeunes filles, fraîches comme des fleurs, portent un « rose de travail » et arborent un sourire plein de santé. Tout le monde est très enthousiaste, les compliments fusent. On laisse à disposition des chargeur de téléphone (ce serait dommage de tomber en rade de batterie alors qu’on est au paradis) et se photographier avec des polaroids posés sur des fauteuils en bois recouverts de fourrures blanches. « On veut que les clientes se sentent ici chez elles et passent un bon moment » indique la manager Brittany Rica, tout sourire elle aussi.
Son succès, l’entreprise le doit à habile exploitation de la viralité du réseau social. Chaque jour Glossier diffuse des photos séduisantes empruntées à un univers à la Sofia Coppola, souvent accompagnées de dictons bienveillants (« tu es une étoile pleine de lumière et d’énergie», « fais les bons choix ») qui confèrent à la boss une aura de gourou beauté. Le tout sans jamais donner l’impression d’assommer ses 473 000 abonnés de publicité, mais plutôt de partager avec eux des inspirations, un état d’esprit, à la manière d’un média. « La publicité ne subit pas encore le même essoufflement sur Instagram que sur Facebook, explique un expert de L2, un institut de recherche de marché spécialisé dans le digital. Les abonnés continuent de réagir aux contenus. Mais cela ne fonctionne que si les entreprises postent comme le feraient de vraies personnes. »
Dans les bureaux, une ribambelle de millenials, assis derrière leur Mac, s’affairent à répondre à renfort d’émojis complices aux questions qui pullulent chaque heure sur les réseaux sociaux. Tellement sympa. A l’heure où les marques tentent de faire copain-copain avec les clients, Glossier se propose d’être votre meilleur ami. Mission accomplie avec brio par Emily Weiss, parvenue à faire de ses lectrices des abonnées, des évangélistes de la marque, et même des consultantes l’aidant à améliorer ses produits sans lui coûter un kopeck. Chapeau bas.
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