Avocate engagée, autrice passionnée et immense figure pour la lutte pour les droits des femmes, Gisèle Halimi est décédée à 93 ans, ce mardi 28 juillet, a annoncé l’AFP. De sa lutte pour la dépénalisation de l’avortement à celle pour l’éducation sexuelle en passant par son engagement anticolonialiste, retour sur les combats de cette grande icône féministe.
A la question posée par la journaliste du Monde Annick Cojean il y a moins d’un an, “Que prônez-vous ?”, elle avait répondu sans sourciller : “La sororité.” Et d’ajouter : “Quand les femmes comprendront-elles que leur union leur donnerait une force fabuleuse ? Désunies, elles sont vulnérables. Mais, ensemble, elles représentent une force de création extraordinaire.” A l’heure où l’annonce de son décès à 93 ans, ce mardi 28 juillet, nous plonge dans une grande tristesse, il ne fait nul doute que ses mots résonnent encore comme un brillant appel à la lutte collective. Un repère à ne pas perdre de vue. Gisèle Halimi fait partie de celles qui ont ouvert la voie à la lutte féministe, solidaire, et sans concession.
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En 1971, elle signe le manifeste des 343 rédigé par Simone de Beauvoir et publié dans le Nouvel Observateur. Pour la première fois, des femmes, des actrices, des intellectuelles, ou des écrivaines – célèbres ou anonymes – revendiquent publiquement avoir eu recours à l’avortement. “Aucune loi au monde ne peut obliger une femme à avoir un enfant si elle ne se sent pas capable d’assumer cette responsabilité”, martèle Gisèle Halimi sur les plateaux télévisés. Celle qui a avorté à trois reprises a été profondément marquée par sa première IVG. A l’époque, elle est âgée de 19 ans et étudie à Paris. Alors qu’elle développe une infection, aux urgences, le médecin lui fait un curetage à vif. “Comme ça, tu ne recommenceras plus”, lui lance-t-il. Son désir d’en finir avec ces abus grandit.
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A 33 ans, elle défend Djamila Boupacha
Rien ne la prédestinait vraiment à ce destin. Et c’est certainement là que réside toute la singularité de sa vie, également marquée par un mandat de députée et par sa participation au lancement d’Attac. Gisèle Halimi est née en Tunisie en 1927. Elle a le « malheur » de naître fille à une époque où ce genre est considéré comme une malédiction pour la famille. Enfant déjà, celle qui deviendra avocate ne supporte pas les injustices, et encore moins celles assignées aux petites filles. A 10 ans, elle entame une grève de la faim pour protester contre les tâches ménagères dont ses frères sont exemptés. Les parents d’Halimi abdiquent : « première victoire féministe » (comme elle le qualifiera plus tard).
Le bac en poche, elle fonce à Paris étudier le droit et la philosophie. A tout juste 21 ans, elle devient avocate et s’inscrit au barreau de Tunis. Gisèle Halimi est la première femme du pays à participer à un concours d’éloquence. Qu’elle remporte d’ailleurs haut la main avec un sujet pour le moins précurseur : “Le droit de supprimer la vie.”
En 1956, à l’Indépendance, Gisèle Halimi retourne vivre à Paris. Pour de bon. C’est ici qu’elle participera à plusieurs procès déterminants. A 33 ans, elle défend Djamila Boupacha, cette militante du FLN accusée d’avoir posé une bombe à Alger en 1959 et qui fut torturée et violée par des parachutistes français. Le 2 juin 1960, son amie Simone de Beauvoir publie dans Le Monde la tribune “Pour Djamila Boupacha” dans laquelle elle décrit avec minutie les atrocités endurées par la jeune femme. Et martèle : “Il est temps de leur prouver que dans cette Algérie qu’ils disent française ils ne peuvent pas violer impunément les lois de la France.” Pour l’anecdote, Gisèle Halimi racontera plus tard comment, à l’époque, le rédacteur en chef adjoint du Monde avait censuré le mot “vagin” utilisé par de Beauvoir dans ce texte afin de décrire le viol de Djamila Boupacha par le goulot d’une bouteille. Quoi qu’il en soit, le procès a mobilisé l’opinion publique sur les exactions de l’armée française en Algérie.
“Nous ne voulons plus être des serves”
Puis vient le 8 novembre 1972, qui marque la fin du « Procès de Bobigny ». Gisèle Halimi l’a transformé avec détermination en une tribune pour la légalisation de l’avortement. Marie-Claire Chevalier, 17 ans, comparaît pour avoir avorté illégalement après un viol. Delphine Seyrig, Françoise Fabian, ou encore Michel Rocard témoignent à la barre, en soutien. Gisèle Halimi peut aussi compter sur le soutien de son association “Choisir la cause des femmes” créée peu de temps après la publication du Manifeste des 343. “Nous, les femmes, nous ne voulons plus être des serves”, tonne l’avocate. L’adolescente est acquittée. Le procès augure un tournant : les réflexions et les combats féministes sont désormais cristallisés autour d’un événement aussi politique que médiatique. Et les mentalités avancent…
“Je dis aux femmes trois choses : votre indépendance économique est la clé de votre libération. Ne laissez rien passer dans les gestes, le langage, les situations, qui attentent à votre dignité. Ne vous résignez jamais !”, déclarait encore l’année dernière Gisèle Halimi, dans une force de conviction toujours intacte.
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