Six mois après le début des mobilisations des Gilets jaunes, le procureur de Paris dresse le bilan judiciaire du mouvement.
« Je veux être très clair : il n’y a aucune volonté de ma part d’éluder ces violences ou de les minimiser. » Dans une interview publiée par Le Parisien jeudi 30 mai, le procureur de la République de Paris Rémy Heitz affirme que, depuis le début du mouvement des Gilets jaunes le 17 novembre 2018, 174 enquêtes où les forces de l’ordre sont mises en cause ont été ouvertes à Paris. Parmi ces dossiers, 57 ont été clôturés et remis au parquet de Paris « qui est en train de les analyser ».
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Aucun policier ou gendarme n’a été mis en examen
Selon le procureur, huit de ces dossiers ont justifié l’ouverture d’une information judiciaire (c’est-à-dire que des juges d’instruction vont poursuivre les investigations), dont celui concernant la blessure de Jérôme Rodrigues – un manifestant qui a perdu son œil, le 26 janvier – et celui des violences dans un Burger King, le 1er décembre.
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Interrogé sur le futur de ces affaires, Rémy Heitz a déclaré : « Il y aura des classements sans suite. Il y aura aussi des renvois de policiers devant le tribunal correctionnel d’ici la fin de l’année. » Pour l’instant, aucun policier ou gendarme n’a été mis en examen, et seul un policier a été placé en garde à vue dans une enquête toujours en cours où « un manifestant a été blessé et hospitalisé ».
1 357 manifestants devant la Justice
Les chiffres sont beaucoup plus élevés, côté manifestants. 2 907 gardes à vue ont été recensées, dont un peu moins de la moitié (1 304) ont donné lieu à un classement sans suite. 1 357 d’entre eux ont été déférés, dont 515 jugés en comparution immédiate.
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Confronté à la différence entre les situations des forces de l’ordre et des Gilets jaunes face à la Justice, le procureur de Paris fait un distinguo entre les violences : « Il faut aussi rappeler que les forces de l’ordre peuvent avoir un recours légitime à la force, ce qui n’est pas le cas des manifestants venus pour commettre des violences ou des dégradations. » Il estime que définir si le recours à la force était légitime ou pas prend du temps. « Il faut analyser des heures de vidéos, recueillir des témoignages, identifier les auteurs et évaluer le préjudice des victimes », défend-il.
Une “justice à deux vitesses”
Raphaël Kempf, avocat de nombre de Gilets jaunes, dénonce une « justice à deux vitesses » dans un post sur Twitter qui interpelle directement Rémy Heitz. « Monsieur le procureur, vous offrez aux policiers une justice que vous refusez aux manifestants : des suspects libres (ni détention, ni contrôle judiciaire), des enquêtes approfondies dans la durée, d’éventuelles audiences longtemps après les faits. »
https://twitter.com/raphkempf/status/1134204523604578313
Quant au syndicat de police Alliance, il a condamné un « changement de ton » du procureur de la République, sur Franceinfo. Pour Loïc Travers, secrétaire national Île-de-France, l’intervention du procureur équivaut à « jeter les forces de l’ordre en pâture ». « Les collègues sont éreintés par six mois de mobilisation avec des violences comme jamais. » Le représentant du syndicat s’interroge sur le timing de ces déclarations, alors que le nombre des Gilets jaunes mobilisés est en baisse et où les policiers pensait « avoir l’esprit un peu plus tranquille ». « La façon et le moment où c’est dit, avec ce ton, sont extrêmement mal perçus dans nos rangs. »
Policiers renvoyés en correctionnelle : le "ton" du procureur "est extrêmement mal perçu dans nos rangs", dénonce le syndicat Alliancehttps://t.co/EZb9NN4IHW pic.twitter.com/UDEZoaSUOd
— franceinfo (@franceinfo) May 31, 2019
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