Le collectif Osez le féminisme interpelle dans une lettre ouverte les présidents de l’UMP et de l’UDI sur l’investiture de Georges Tron, accusé de viol et d’agression sexuelle, comme candidat aux prochaines élections départementales.
« Comment pouvez-vous investir Georges Tron, accusé de viols aggravés et d’agressions sexuelles, comme chef de file pour les élections départementales en Essonne ? » La lettre ouverte du collectif Osez le féminisme pose d’emblée le problème. A quelques jours de la journée internationale du droit des femmes et à deux semaines du premier tour des élections départementales, le collectif a publié dans Libération une tribune adressée à Nicolas Sarkozy et à Jean-Christophe Lagarde, respectivement présidents de l’UMP et de l’UDI, deux partis qui ont choisi, dans l’Essonne, de s’allier pour ces élections. Les militantes féministes s’indignent de la candidature du maire de Draveil, Georges Tron, qui est menacé d’un procès en assises.
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Une affaire judiciaire toujours en cours
Revenons quelques années en arrière. En mai 2011, quelques jours après le scandale du Sofitel, deux anciennes employées municipales de la mairie de Draveil portent plainte contre Georges Tron pour harcèlement sexuel. Elles accusent leur ancien patron d’avoir eu des « gestes déplacés » sous prétexte de pratiquer la réflexologie plantaire. Brigitte Gruel, la maîtresse et ex-adjointe de celui qui est alors secrétaire d’État à la fonction publique, est également mise en examen. Georges Tron dénonce un complot du Front national : il est alors en conflit avec les frères Olivier, proches de la famille Le Pen. Comme l’avait révélé les Inrocks, l’enquête judiciaire confirmera au début de l’année 2012 que Eva Loubrieux et Virginie Faux, les deux plaignantes, étaient en contact avec eux et avaient reçu des conseils de leur part. De quoi semer le doute, malgré les témoignages d’autres femmes sur les pratiques de Georges Tron avec ses employées.
En décembre 2013, l’ex-secrétaire d’Etat, qui a également perdu son poste de député de l’Essonne aux élections de 2012, bénéficie d’un non-lieu. Mais un an plus tard, la cour d’appel de Paris infirme ce jugement, et renvoie l’affaire devant la cour d’assises. A moins que la Cour de cassation aille dans le sens des juges d’instruction, Georges Tron devrait donc être prochainement jugé pour un crime, et pas n’importe lequel : celui de viol aggravé et d’agression sexuelle.
S’il est élu comme conseiller départemental, il pourrait devenir le nouveau président du Conseil général de l’Essonne. « Il devra donc préparer sa défense et assurer deux mandats. Comment est-ce possible ? », se demande Claire Serre-Combe, porte-parole d’Osez le féminisme et auteure, avec Anne-Cécile Mailfert, de la lettre publiée dans Libération. « Il faut laisser la justice se dérouler de manière paisible, et pour cela, il serait plus judicieux qu’il retire sa candidature », poursuit-elle.
Une candidature « légale mais indécente »
« Certes, la présomption d’innocence doit être respectée, et la loi n’interdit pas à un homme soupçonné de crime de briguer un mandat électoral », rappellent les deux porte-paroles d’OLF. Jointe par téléphone, Claire Serre Combe résume la teneur de leurs propos :
« Cette candidature est légale, mais elle est indécente. »
Cette indécence, Jérôme Guedj, actuel président du Conseil Général de l’Essonne, et candidat socialiste aux prochaines élections, la qualifie de manque à la « vertu républicaine » : « Il en va de la crédibilité de l’institution », s’indigne-t-il :
« Si j’étais renvoyé aux assises pour pédophilie, comment pourrais-je prétendre assurer la protection de l’enfance, l’une des missions du Conseil général ? Il en va de même avec l’égalité hommes femmes dans cette affaire. »
Cette candidature interpelle d’autant plus dans un département comme l’Essonne : c’est « l’un des plus engagés » sur la question de l’avancée des droits des femmes, affirme OLF. Et à l’échelon départemental, la politique menée en matière d’égalité hommes-femmes peut avoir d’importants impacts, souligne Claire Serre-Combe :
« Le Conseil général a en charge la gestion des collèges, où des opérations pour promouvoir l’égalité entre les deux sexes peuvent être menées. Il peut également agir contre les violences faites aux femmes à travers des campagnes ou des actions. »
En ce sens, la candidature d’une personne qui faisait des massages des pieds à ses employées, toutes des femmes – massages qui ont parfois abouti à des rapports sexuels, consentis ou non – peut choquer. Même s’il n’y a pas eu viol, suppose Claire Serre-Combe, « qu’est-ce que ces pratiques viennent faire sur un lieu de travail ? »
L’embarras de l’UMP, le silence de Georges Tron
Si Osez le féminisme ne s’adresse pas uniquement à Georges Tron mais également au président de l’UMP, c’est parce que celui-ci a déjà été interpellé sur sa candidature. Contacté par Les Inrocks par téléphone, il n’a pas donné suite à notre demande d’interview. « Il présente un certain mépris quant à sa situation », remarque Claire Serre-Combe. Le collectif a donc préféré apostropher ceux qui cautionnent ce mépris :
« Notre stratégie est d’alerter ces deux partis politiques sur ce qu’ils sont en train de faire. Nous voulons leur faire prendre conscience que l’homme qui les représente est accusé d’un crime. Nous voulons leur dire : ‘Est-ce que vous soutenez ça ? Pourquoi l’avoir investi ? Comment vous positionnez-vous ?’ «
Selon Jérôme Guedj, mettre en garde ces partis est normal : « C’est le silence relatif dans lequel s’est posée cette candidature qui est anormal. Je ne veux pas baser ma campagne là-dessus, mais c’est important d’en parler. »
Dans l’idéal, Osez le féminisme souhaiterait un retrait de cette investiture. Mais le collectif attend déjà une réponse. Pour le moment, aucune ne leur a été donnée. Du côté de l’UMP, l’une des conseillères de Nicolas Sarkozy, visiblement embarrassée par la situation ne souhaite pas faire de commentaire au nom du président du parti. A l’UDI, pas de réponse pour le moment. Pour Claire Serre-Combe, « s’ils ne réagissent pas, c’est que quelque chose les embarrasse et qu’ils n’assument pas ».
Et s’il est condamné ?
Dans un contexte de défiance vis-à-vis des hommes politiques, qui sont nombreux à subir des déboires judiciaires, cette candidature de Georges Tron semble inopportune. Son jugement se déroulera certainement durant son mandat. Qu’adviendra-t-il s’il est condamné ? Le viol est puni de quinze ans de prison, l’agression sexuelle de cinq ans et de 75 000 euros d’amende. Si Georges Tron est reconnu coupable, il devra donc logiquement abandonner son mandat.
Mais pour le moment, il brigue tranquillement le poste de conseiller départemental, soutenu par les hautes instances de son parti, et même par certains de ses électeurs : l’an dernier, il avait retrouvé son siège de maire à Draveil avec 57 % des voix.
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