Dans son attitude et dans ses chansons, la pop star aujourd’hui disparue n’a eu de cesse de faire passer des messages de confiance, de fierté et de liberté, loin des normes dominantes.
Faith, queer et iconoclaste
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Une santiag qui tape le rythme contre le mur. Un blouson en cuir. Des lunettes aviateur. Et cette façon de jouer de la guitare les jambes en V, en bougeant bien le bassin, à côté d’un jukebox. Je me souviens encore très bien de la fascination exercée sur la jeune adolescente que j’étais par les premières images du clip de Faith, qui enfilait comme des perles les signes de la virilité. L’Amérique 50 était là, l’ombre du King aussi (avec ce solo de guitare pompé à Carl Perkins) et cet été là, George supplanta pour quelques temps Elvis dans mon imaginaire. Car je vis George Michael d’abord comme ça : une réincarnation années 80 pop et r’n’b du King.
http://www.youtube.com/watch?v=lu3VTngm1F0
Evidemment, si George me plaisait autant, comme le King avant lui, c’est que dans tous ces signes il y avait du trop, du second degré, de la déconstruction, de la performance de genre. Quelque chose que je ne comprenais pas encore, mais qui me fascinait, m’attirait. George était bien plus qu’un apparent condensé de virilité. Il la mettait en scène, s’en amusait, la surjouait en donnait une relecture queer, flamboyante, remplie de signes de reconnaissances homo. Une boucle d’oreille avec un crucifix, la pose lascive de la pochette de Faith, torse nu, les mèches blondes. La façon de bouger son cul.
Et cette attraction, loin d’être interdite, semblait validée par tous : tout le monde semblait aimer George Michael, qui caracolait en haut du Top 50 et dont le poster se retrouvait affiché dans les chambres des adolescentes du monde entier. Comme bon nombre d’acteurs et de comédiens homosexuels avant lui, George était était devenu un sex symbol total : assez viril pour être admiré par les autres hommes hétéros et désiré par les femmes (et les adolescentes), assez ambigu aussi pour attirer les homos et devenir un corps d’identification queer, en marge des normes dominantes.
Un mode de vie alternatif
La vie vantée par George dans ses chansons était là encore, sous ses aspects pop et parfois liquoreux, un défi aux normes et codes de la société. Ses chansons vantent un mode de vie gay, dans lequel on sort en boîte ( Wake me up de Wham !) pour s’ éclater, faire des rencontres. On s’aime, on se trompe, on le regrette parfois ( Careless Whisper dont Beth Ditto fera une géniale reprise), on ne se promet pas forcément la fidélité. Ici pas de représentation de l’homosexuel victimaire, mais de la flamboyance, du courage et de la fierté.
Dans son placard sur-signifié et somme toute ultra visible, George a passé tout au long de sa discographie des messages de confiance, de sensualité, d’appel à la liberté personnelle. « All we have to see / Is that I don’t belong to you / And you don’t belong to me », clame-t-il dans Freedom 90, un autre sommet de sa discographie. Le titre aux accents gospels est accompagné par un clip d’anthologie qui qui regroupe alors toutes les top de l’époque : Naomi Campbell, Linda Evangelista, Christy Turlington, Cindy Crawford…
Un chanteur très camp
Un peu paradoxalement, George ne gagnera pleinement sa liberté que très tard, à la fin des années 90. En 1998, le chanteur évoque son homosexualité dans un entretien à CNN. Mais c’est son arrestation qui précipite son coming out public et forcé. En avril de cette même année, George se fait pécho avec un mec dans des toilettes du par George Wilers, à Beverly Hills. Inculpé d’attentat à la pudeur, le chanteur est relâché contre une caution de 500 dollars.
Quelques mois plus tard, George, loin de laisser terrasser par cette condamnation revient sur l’incident dans Outside, son nouveau single. Un hymne à l’amour pluriel, libéré et.. en extérieur.
« I think I’m done with the sofa / I think I’m done with the hall / I think I’m done with the kitchen table, baby / Let’s go outside (let’s go outside) »
Le clip est ainsi une succession de scènes de baise en extérieur ou dans les lieux publics, homos ou hétéros. Pour bien marquer le renversement d’autorité et d’ordre moral, George apparaît habillé en flic et danse dans une boite en chantant son nouvel hymne. Un beau retour à l’envoyeur. Camp, par dessus tout.
Aujourd’hui, au delà de la beauté de sa voix, de ses qualités d’interprètes et de songwriter, c’est ce courage et cette flamboyance que je retiens de lui. Je ne peux pas dire que je le réécoute aussi souvent que David Bowie, autre grande icône de liberté fauchée cette année. Mais parfois George se rappelle à moi. Un titre qui passe dans un supermarché, Careless Whisper Ou Freedom 90 qu’on se retrouve tous à hurler dans un karaoké. « I think there’s something you should know/ I think it’s time / I stopped the show/ There’s something deep inside of me / There’s someone I forgot to be », chante-t-il dans Freedom 90. Pour tout cela George, merci.
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