Métro, boulot, dodo… fourneaux ? Il se pourrait que la vieille formule consacrant l’aliénation contemporaine ait toujours été incomplète. Il se pourrait aussi que les femmes restent les premières concernées par cette omission et que la situation dure depuis la nuit des temps. C’est ce que démontre la journaliste Nora Bouazzouni dans Faiminisme, essai virevoltant sur les liens entre sexisme, patriarcat et bouffe. L’intro […]
A l’intersection du féminisme et de la food, la journaliste Nora Bouazzouni interroge dans son essai Faiminisme les liens entre sexisme, patriarcat et bouffe. Un coup à l’estomac.
Métro, boulot, dodo… fourneaux ? Il se pourrait que la vieille formule consacrant l’aliénation contemporaine ait toujours été incomplète. Il se pourrait aussi que les femmes restent les premières concernées par cette omission et que la situation dure depuis la nuit des temps.
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C’est ce que démontre la journaliste Nora Bouazzouni dans Faiminisme, essai virevoltant sur les liens entre sexisme, patriarcat et bouffe. L’intro dévoile l’ampleur de la catastrophe : “Tâches domestiques, agriculture, environnement, body shaming… Que ce soit par la division sexuée du travail, la ségrégation alimentaire ou l’orientation des pratiques de consommation à travers les interdits, les discriminations ou les diktats esthétiques, la nourriture sert à maintenir les femmes à la place qui leur a été assignée depuis des millénaires, dans l’espace ou la société.”
Découpage entre l’espace domestique et l’art culinaire
En France (la stat date de 2012), 94 % des boss en cuisines professionnelles sont des hommes – même si des cheffes, d’Adeline Grattard à Tatiana Levha, de Céline Pham à Amélie Darvas, commencent à percer. La conséquence d’un découpage entre l’espace domestique (en gros, la popote réservée aux femmes) et l’art culinaire (“tradition masculine” incarnée par Bocuse et consorts, pourtant eux-mêmes formés par les “mères lyonnaises”, pionnières de la gastronomie à la française).
Avec l’aide d’auteurs importants (Geneviève Fraisse, Françoise Héritier, Pierre Bourdieu, etc.), Nora Bouazzouni détaille les processus sociétaux, culturels et historiques à l’origine de telles disparités, en élargissant sans cesse son propos. On trouve des pages intéressantes sur l’agriculture et sur pourquoi les femmes sont plus petites que les hommes – indice : rien à voir avec la génétique.
Ecoféminisme
Coupante, elle remonte jusqu’aux origines de l’humanité, lorsque la cueillette était une activité féminine et la chasse réservée aux porteurs de pénis – les femmes s’en voyaient écartées par superstition, à cause de leurs règles, selon Alain Testart.
Elle met aussi en avant des mouvements contemporains, comme l’écoféminisme. Ce concept défini dans les seventies par Françoise d’Eaubonne associe les luttes contre l’exploitation des femmes et de la nature.
“Peut-on être féministe et carnivore ?”
Faiminisme perd un peu son équilibre, entre essai pamphlétaire et analyse solide, quand Bouazzouni se demande s’il ne faudrait pas assimiler le sexisme à un spécisme, les animaux et les femmes subissant les mêmes mécanismes de domination. “Si la condition des femmes est liée à celle des animaux, peut-on être féministe et carnivore ?”
Que le veganisme et le féminisme marchent ensemble, rien n’est moins sûr. Mais c’est le propre des livres stimulants de mettre sur la table des questions que l’on ne s’était pas posées.
Faiminisme (Nouriturfu), 118 pages, 14 €
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