Portraits d’acteurs de la génération Y.
Norman Thavaud, humoriste en ligne / scénariste
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
“Avant, pour devenir humoriste, il fallait passer à la télé. Avec le web, même des fainéants comme moi peuvent faire les cons sur YouTube”, se marre Norman, 25 ans. En l’espace d’un an, avec “Norman fait des vidéos”, il est devenu une véritable icône générationnelle. Après une licence de cinéma et quelques sketches collectifs, Norman décide de se lancer dans des vidéos solo à la fin de l’année 2010. Le succès est immédiat. Chaque saynète culmine à deux millions de vues.
La recette ? Du charisme, un talent de showman et un physique d’éternel ado qui se prête à l’auto-identification.“Les gens perçoivent sans doute chez moi une forme de sincérité. Beaucoup de scènes sont tirées de mon quotidien.”Pratiquant ce qu’il définit lui-même comme un “humour du malaise”, Norman poursuit le show IRL (in real life) avec d’autres potes humoristes. Au début du mois de janvier, il a rempli les trois mille places du Grand Rex à Paris avec un spectacle intitulé Le Zapping amazing, il sera à l’affiche, au printemps prochain, d’un documentaire de Cédric Klapisch qu’il a coécrit, et il vient de faire la couv d’Okapi. La consécration ? D. D.
Anaïs Carayon, fondatrice de Brain Magazine / organisatrice de soirées
“De Brain ? Maintenant, les gens pensent que c’est mon nom de famille.” Anaïs, trentenaire bouclée, est tellement identifiée au webzine culturel et musical qu’elle a fondé que les gens ont fini par oublier son nom. Ancienne journaliste musique, Anaïs lance Brain Magazine en 2007 en réaction à une presse française qu’elle trouve “formatée et pas très drôle”.
Depuis, Brain enchante les Internets avec des interviews fleuves d’artistes, des reportages gonzos, une “page pute” critiquant sans ménagement l’onanisme ambiant sur les réseaux sociaux et une “page président” qui s’attaque à la politique. Devenu un laboratoire de l’écriture web subversive et irrévérencieuse, Brain compte une trentaine de collaborateurs et lance des projets dans tous les sens. Après la gestion de soirées, de concerts et d’expos, Brain Magazine vient d’éditer Comment devenir un ninja gratuitement ?, première compile des recherches d’internautes. Un must have. D. D.
Elliot Lepers, web designer / DA de la campagne d’Eva Joly
“Un petit génie”, dit-on de lui chez les écolos. A 19 ans, le fils du journaliste-agitateur John Paul Lepers est un précoce. Autodidacte en code, print et web, ce suractif a appris seul à créer des sites pour mettre en ligne ses films bricolés à la maison. Après dix ans de théâtre dans une compagnie d’exilés chiliens, Elliot sera un leader du mouvement lycéen de son établissement. En 2009, un bac L en poche après une mauvaise orientation en S (“faut pas avoir envie de réfléchir”), il hésite à devenir cuisinier (“une vie trop dure”).
Son entourage veut Sciences-Po (“j’allais m’ennuyer”). Il choisit les Arts-Déco et sort premier des trois mille candidats. En première année, Elliot frise la porte. “Ils ne parlent que forme et esthétique, je considère qu’on ne peut les détacher des idées et du contenu.” Parallèlement, il adhère à Europe Ecologie et devient DA de la campagne d’Eva Joly. Depuis deux ans, il anime l’émission de Canal+ L’OEil de links sur l’actu créative du net. Et sinon ? Il tourne cet été un webdocu sur Nazareth et redouble sa troisième année à cause de la campagne. A. L.
Titiou Lecoq, journaliste / écrivaine / blogueuse
“Ma suractivité a peut-être un rapport avec le fait de n’avoir rien branlé pendant dix ans.” En 1997, Titiou fume des clopes dans les cafés lorsque sa mère s’abonne à internet. Les forums de fans de Britney entrent dans sa vie. En 2002, pour sa maîtrise de lettres modernes, elle analyse les discours de Chirac puis se lance dans un DEA de sémiotique et rhétorique. Elle squatte toujours les cafés.
“J’étais perdue, fauchée et je ne voulais pas être prof.” Pour bouffer, elle sera pionne. Et pour faire quelque chose, elle effectuera un stage aux Inrocks avant de signer ses premiers gros articles pour Brain Magazine. En 2009, Titiou crée le blog Girlsandgeeks.com et parle pop culture, web, chiottes et cul. Son style gonzoféminolol bien senti et ses 2 000 visiteurs/jour attirent Slate, Grazia et Glamour. En 2008, elle débute l’écriture des Morues, roman générationnel vendu en 2011 à 20 000 exemplaires. La même année sortent sa pièce Blogueuse et son Encyclopédie de la webculture. “Même bureau, mêmes collègues, j’aurais pas supporté. En même temps, la génération Y ne connaît pas le code du travail, est corvéable et n’a pas de congé maternité.” A. L.
Nekfeu, rappeur
Impossible d’avoir passé 2011 sans entendre parler de 1995, ce posse rap français qui a déboulé sur le hip-hop français à toute vitesse avec son premier ep, La Source – notamment via le net. Pourtant Nekfeu, 21 ans, met en garde. “Nous ne sommes pas des artistes d’internet. D’un côté il y a les réseaux sociaux, OK, mais si nous avons autant misé là-dessus c’est aussi un peu par défaut. On a fait avec ce qu’on avait sous la main. Ce support est gratuit mais, du coup, c’est encore plus difficile de sortir du lot.”
Pour le jeune rappeur, les open mic et les tournées ont été au moins aussi déterminantes que l’investissement 2.0. Après avoir déclenché l’une des plus belles batailles de maisons de disques depuis des lustres – le groupe a finalement décidé de rester indépendant via son label 1-9-9-5 et d’être distribué par Polydor –, les rappeurs parisiens conservent comme objectif de “niquer le truc comme ont pu le faire IAM et NTM” : ce sont en tout cas les mots de Nekfeu. P. S.
Emile Josselin, coordinateur web du PS
Lorsque Martine Aubry ne signe pas ses tweets de ses initiales, c’est souvent lui qui est au clavier. Ancien journaliste à 20 minutes, Emile Josselin fait partie de cette nouvelle génération de rédacteurs interconnectés. Lors du congrès socialiste de Reims en 2008, il alimente le site internet du quotidien gratuit de 17 heures à 9 heures du matin. “Le live le plus long de l’histoire”, se rappelle-t-il avec le sourire. La politique le passionne. “Il menait déjà une campagne digne d’Hollande pour être élu délégué de classe”, se souvient un ancien camarade de l’Ecole supérieure de journalisme de Lille.
A la fin de l’année 2009, le PS lui propose de devenir responsable de ses contenus web. Installé à Solférino, Josselin contribue à moderniser leur site en le rapprochant davantage de ceux des médias. Deux ans plus tard, Martine Aubry le choisit pour diriger sa campagne numérique lors de la primaire socialiste. A 30 ans à peine, il se retrouve en première ligne face aux médias et aux militants. Depuis cette “expérience exaltante”, il travaille à la campagne d’Hollande en tant que numéro 2 de la cellule web du PS. D. D.
Marion Meyer, community manager / blogueuse
Marion doit ses 59 007 followers à un coup de pouce de monsieur Twitter. Comment devient-on une personnalité à suivre ? “La chance.” Aidée d’un tweet – “Je cherche un mec. Please RT” – suivi de 25 000 autres. “J’ai continué comme avant : perso, quotidien, grelucheries.” En 2006, l’ancienne première de la classe discrète et introvertie (“celle qu’on emmerde”) commence à raconter dans un blog ses histoires d’amour.
Dès 10 ans, sur un gros PC de bureau, elle bidouillait du Paint et installait des jeux de gestion. Mémoire à l’IEP Lyon sur le web 2.0 et master 2 de com internet en poche, Marion travaille à 26 ans pour une grosse agence de pub en tant que community manager. Elle gère l’image et la communication internet des marques. “C’est un nouveau métier, ces postes sont stratégiques.” Son vrai truc, c’est l’écriture, notamment de nouvelles. Avec des copines, Marion vient de lancer Poilsetcapitons.fr, un webzine féminin “rigolo sans le côté normatif et avilissant des mags papier et le côté sponsorisé des sites de blogueuses mode”.
A. L.
{"type":"Banniere-Basse"}